Paiements en retard

Décembre 2020

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1.0 Introduction

1.1 Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement

Le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) est une organisation neutre et indépendante du gouvernement du Canada qui collabore avec les organisations fédérales (« ministères ») et les entreprises canadiennes (« fournisseurs ») pour promouvoir l’équité, l’ouverture et la transparence de l’approvisionnement fédéral. Le BOA s’acquitte de ce mandat en établissant des liens entre les intervenants, en étudiant des plaintes, en réglant les problèmes, en formulant des recommandations et en communiquant les pratiques exemplaires.

Les employés du BOANote de bas de page 1 :

  • examinent les pratiques d’acquisition de matériel et de services des ministères pour en évaluer l’équité, l’ouverture et la transparence, et présenter, le cas échéant, des recommandations pour les améliorer;
  • examinent toute plainte relative à l’attribution d’un contrat d’acquisition de biens d’une valeur inférieure à 26 400 $ et de services d’une valeur inférieure à 105 700 $ lorsque les critères de l’Accord de libre-échange canadien s’appliqueraient;
  • examinent toute plainte relative à l’administration de tout contrat d’acquisition de matériel ou de services par un ministère, quelle qu’en soit la valeur;
  • veillent à offrir un mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends, lorsque les deux parties concernées conviennent d’y participer.

En 2018, le BOA a lancé une initiative d’approfondissement et de partage des connaissances (APC) pour mieux comprendre les principaux problèmes liés à l’approvisionnement fédéral. Par la publication d’études d’APC, le BOA compte diffuser des connaissances et fournir des directives utiles aux intervenants de l’approvisionnement fédéral.

1.2 But de l’étude

L’objectif de la présente étude d’APC était de décrire le processus utilisé par les ministères pour payer les fournisseurs; d’expliquer comment le concept des « paiements en retard » est perçu différemment par les fournisseurs et les ministères; de cerner certaines des causes profondes des paiements en retard; et de suggérer des façons d’atténuer le problème. On espère qu’une meilleure compréhension des problèmes, combinée à la mise en œuvre de mesures d’atténuation des risques, contribuera à une diminution du nombre de paiements en retard dans le processus d’approvisionnement fédéral.

1.3 Portée des travaux

La présente étude d’APC est fondée sur des situations où un fournisseur s’attend à recevoir un paiement d’ici une certaine date, mais où il ne le reçoit qu’après celle-ci. Le BOA n’a pas examiné les cas de paiements retenus ou différés intentionnellement par les ministères pour des raisons telles qu’un mauvais rendement.

1.4 Public

Le BOA a élaboré la présente étude d’APC pour les ministères qui achètent des biens ou des services (collectivement, les « travaux ») auprès de fournisseurs et pour les fournisseurs qui vendent leurs travaux aux ministères. Dans le cadre de l’étude, l’on suppose que le lecteur connaît bien les pratiques et le vocabulaire clés du domaine de l’approvisionnement.

1.5 Analyse de cas

En se fondant sur les plaintes déposées auprès du BOA par des fournisseurs, celui-ci a examiné 17 dossiers de contrats attribués par 10 ministères entre septembre 2017 et septembre 2019, ce qui représente 93 paiements en retard.

1.6 Demandes de renseignements

Veuillez transmettre toute demande de renseignements au :

Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement
410, avenue Laurier Ouest, bureau 400
Ottawa (Ontario)  K1R 1B7
Canada

Téléphone :
1-866-734-5169
Numéro sans frais pour les personnes malentendantes :
1-800-926-9105
Courriel :
ombudsman@opo-boa.gc.ca

2.0 Définir le problème

2.1 Qu’est-ce qu’un « paiement en retard »?

D’un point de vue juridique, un « paiement en retard » désigne un paiement effectué après la date d’échéance, qui est définie dans la Directive sur les paiements du Conseil du Trésor comme étant la date à la fin d’« [u]n délai de paiement de 30 jours à compter de la date de réception d’une facture et de l’acceptation des biens ou services […]Note de bas de page 2 », sauf dans trois cas précis. Pour le gouvernement, la date d’échéance est importante parce que les paiements effectués après celle-ci doivent également inclure des intérêtsNote de bas de page 3. Un fournisseur, quant à lui, doit savoir quand le paiement sera effectué afin de pouvoir planifier ses finances en conséquence et continuer à exercer ses activités. C’est pourquoi il est important pour les fournisseurs de connaître la méthode d’établissement de la date d’échéance.

2.2 Période de paiement

Que le contrat porte uniquement sur la fourniture de biens ou sur des demandes de services mensuelles, chaque exécution de travaux, et la facture connexe de ces travaux, est considérée comme une transaction distincte avec sa propre période de paiement. Avant qu’un paiement soit effectué, une série de mécanismes de contrôle ministériels sont appliqués pour vérifier que les travaux ont été effectués convenablement et que la facture est exacte.Note de bas de page 4 Même lorsqu’un fournisseur envoie mensuellement des factures et que celles-ci ont été exemptes d’erreurs pendant plusieurs mois, un ministère ne peut sauter aucune des étapes ci-dessous simplement parce qu’il a confiance en l’exactitude de ce que lui transmet le fournisseur; il doit suivre chacune d’elles avant d’effectuer un paiement.

Processus de paiement :

  • Étape 1 : Le fournisseur exécute les travaux.
    • Le fournisseur exécute les travaux.
    • La facture est transmise au ministère.
  • Étape 2 : Le ministère accepte les travaux.
    • Le ministère atteste que les travaux et la facture concordent et que les modalités du contrat sont respectéesNote de bas de page 5.
  • Étape 3 : Le ministère traite et approuve le paiement.
    • Le ministère atteste que le paiement représente une imputation régulière sur le crédit connexe et qu’il ne dépasse pas son budgetNote de bas de page 6.
    • La demande de paiement et les fonds du ministère sont envoyés au Système normalisé des paiements (SNP) de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC)Note de bas de page 7.
  • Étape 4 : Le paiement est effectué.
    • Les fonds sont libérés du SNP de SPAC à l’intention du receveur général.
    • Les fonds sont libérés par le receveur généralNote de bas de page 8.
  • Étape 5 : Le paiement est versé.
    • Le paiement est versé au fournisseur.

2.3 Conceptions différentes de la « période de paiement »

Bien qu’il soit généralement admis que la période de paiement soit de « 30 jours », les fournisseurs et les ministères ont souvent des idées différentes sur le moment où commence et se termine cette période.

Interprétation des fournisseurs concernant la période de paiement

Les fournisseurs peuvent considérer que la période de paiement commence au moment de l’exécution des travaux et la transmission de la facture (étape 1 : Le fournisseur effectue les travaux) et se termine une fois que le montant intégral est déposé dans le compte du fournisseur (étape 5 : Le paiement est versé).

Définition de la période de paiement selon le gouvernement

Le gouvernement considère que la période de paiement commence à la dernière des dates suivantes :

  1. la date à laquelle les travaux ont été exécutés de manière acceptable à l’endroit ou aux endroits précisés dans le contrat;
  2. la date de réception d’une facture en règleNote de bas de page 9.

Le contrat précisera les renseignements requis pour qu’une facture soit « en règle ». Typiquement, les renseignements suivants doivent être inclus, sans quoi le gouvernement peut retourner la facture au fournisseur pour faire apporter des correctionsNote de bas de page 10 :

  • la date, le nom et l’adresse du ministère client, les numéros d’articles ou de référence, les livrables ou la description des travaux, le numéro du contrat, le numéro de référence du client, le numéro d’entreprise-approvisionnement, et le ou les codes financiers;
  • des renseignements sur les dépenses en conformité avec la base de paiement (comme le nom des articles et leur quantité, l’unité de distribution, le prix unitaire, les tarifs horaires fermes, la durée des travaux et les contrats de sous-traitance), exclusion faite des taxes applicables;
  • la déduction correspondant à la retenue de garantie, s’il y a lieu;
  • le report des totaux, s’il y a lieu;
  • le mode d’expédition avec la date, le numéro de cas et de pièce ou de référence, les frais d’expédition et tous les autres frais supplémentaires, s’il y a lieu;
  • les taxes applicables.

Ce n’est que lorsque tous les renseignements requis sont inclus dans la facture que celle-ci peut être considérée comme « en règle » et « reçue »Note de bas de page 11. Une erreur sur la facture, quelle qu’elle soit, empêchera que celle-ci soit considérée comme « en règle ». Ce n’est que lorsque les erreurs seront corrigées que la facture sera considérée comme « reçue ».

Étant donné que la facture ne devrait être présentée qu’après l’exécution des travaux, sa date de réception est normalement la date que le gouvernement considérerait comme le début de la période de paiementNote de bas de page 10(étape 2 : Le ministère accepte les travaux). Comme on le verra plus loin, la date où le fournisseur présente sa facture et celle où le gouvernement atteste l’exactitude de la facture peuvent être différentes.

La période de paiement du gouvernement prend fin lorsque le paiement du receveur général est versé au fournisseur (étape 5 : Le paiement est versé).

Ainsi, pour les ministères, la période de paiement commence lorsqu’il est confirmé que les travaux ont été exécutés et que la facture a été reçue, et que tout est conforme au contrat (étape 2 : Le ministère accepte les travaux). Les ministères libèrent ensuite « leurs » fonds dans le SNP de SPAC (étape 3 : Le ministère traite et approuve le paiement)Note de bas de page 7. À ce stade, malgré le fait que le fournisseur n’a pas encore été payé, la tâche du ministère est « terminée » puisque ce dernier a transféré la demande de paiement à SPAC et au receveur général. Bien que les étapes 3 à 5 puissent se dérouler rapidement, SPAC et le receveur général appliquent leurs propres processus et délais qui échappent au contrôle du ministère.

3.0 Règles de paiement

3.1 La Loi sur la gestion des finances publiques

La Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) régit l’administration financière du gouvernement du CanadaNote de bas de page 12. Ses articles 33 et 34 se lisent en partie comme suit :

  • 33 (1) Il ne peut être effectué de paiement imputable sur un crédit affecté à un ministère qu’à la demande du ministre compétent ou de la personne à qui il a donné délégation écrite.
    • […]
      • (3) Il est interdit de demander des paiements sur le Trésor dans les cas où ils entraîneraient :
        • a) une imputation irrégulière sur un crédit;
        • b) une dépense supérieure à un crédit;
        • […]
  • 34 (1) Tout paiement d’un secteur de l’administration publique fédérale est subordonné à la remise des pièces justificatives et à une attestation de l’adjoint ou du délégué du ministre compétent selon laquelle :
    • a) en cas de fournitures, de services ou de travaux :
      • (i) d’une part, les fournitures ont été livrées, les services rendus ou les travaux exécutés, d’autre part, le prix demandé est conforme au marché ou, à défaut, est raisonnableNote de bas de page 13,
      • […]

L’article 34 de la LGFP est respecté par l’étape 2 : Le ministère accepte les travaux, et l’article 33 par l’étape 3 : Le ministère traite et approuve le paiement. Essentiellement, l’article 34 exige qu’un représentant du ministère atteste que les travaux ont été exécutés conformément aux modalités du contrat et que la facture contient les renseignements requis et reflète adéquatement les travaux. Une fois que l’attestation prévue par l’article 34 est obtenue, un autre représentant du ministère s’assure que le paiement est une imputation régulière sur le crédit connexe et exerce le pouvoir prévu à l’article 33 en libérant des fonds ministériels dans le SNP de SPAC.

Pour les fournisseurs, l’aspect « caché » de l’article 34 peut être que ce ne sont pas seulement les travaux qui sont examinés par le ministère, mais aussi la facture reflétant le prix de ces travauxNote de bas de page 5. Par exemple, le paiement lié à la livraison d’une pièce d’équipement d’un million de dollars pourrait être différé si la facture comportait un calcul erroné des taxes ou le mauvais numéro de pièceNote de bas de page 14. Même si le ministère a reçu la pièce et a vérifié qu’il s’agissait bien de celle figurant au contrat, l’attestation prévue par l’article 34 ne peut pas être obtenue tant que l’on n’a pas confirmé que la facture est exacte après qu’elle a été révisée et présentée de nouveauNote de bas de page 11. Le ministère ne peut pas « antidater » la facture corrigée au moment où les travaux ont été exécutés et la facture originale a été reçue. Autrement dit, la période de paiement de 30 jours (qui détermine la date d’échéance du paiement) ne commence pas tant que la facture révisée n’est pas reçue et que son exactitude n’est pas confirméeNote de bas de page 17.

3.2 Les politiques et directives du Conseil du Trésor

La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (PMCT) précise que les marchés fédéraux seront effectués de manière à « résister à l’examen du public au chapitre de la prudence et de l’intégrité [...] et constituer une dépense équitable de fonds publicsNote de bas de page 15 ». Selon sa Directive sur les paiements, qui découle de la Politique sur la gestion financière du Conseil du Trésor, il est attendu que « [l]es renseignements financiers appuient la prise de décisions et la responsabilisation envers les CanadiensNote de bas de page 16, Note de bas de page 17 ».

La section 12.2.6.c de la PMCT définit le début de la période de paiement comme « [...] la date à laquelle les services sont rendus ou les biens sont reçus en bon état aux endroits précisés dans le marché, ou encore à partir de la date de réception d’une facture dressée en bonne et due forme, si cette dernière date est postérieure ». De plus, la section 12.2.6.a indique que « le délai normal de paiement est de 30 jours ». Finalement, la section 12.2.6 précise également que « [l]es paiements sont organisés de façon à être effectués aussi près que possible de la date d’échéance, mais non postérieurementNote de bas de page 18. »

La section 12.2.12Note de bas de page 11 de la PMCT porte précisément sur l’attestation prévue par l’article 34 :

Lorsqu’on juge que des biens ou des services ne sont pas conformes au marché, l’attestation prévue par l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques ne peut être donnée […] les ministères doivent informer les fournisseurs dans les 15 jours si l’exécution du marché est contestée. L’échéance de 30 jours commence à partir de la date lors de la réception des biens, des services de remplacement, une facture révisée ou des renseignements supplémentaires. [c’est nous qui soulignons]

En résumé, la période de paiement du gouvernement ne commence pas avant que les travaux aient été exécutés de manière acceptable pour le ministère et que la facture soit en règle, et le versement du paiement est ensuite prévu pour une date se rapprochant le plus possible de la fin de la période de paiement de 30 joursNote de bas de page 9, Note de bas de page 19. Le SNP de SPAC calcule la date de paiement en fonction de la date de réception de la facture ou de la date d’exécution des travaux, selon la dernière de ces dates, qui peut être considérée comme le « 1er jour » de la période de 30 jours. Ainsi, même si un ministère donne l’attestation de la facture conformément à l’article 34 le « 2e jour » et libère rapidement les fonds dans le SNP de SPAC, SPAC ne versera les fonds au receveur général pour le paiement au fournisseur que le 29e jour pour que le versement se fasse dans le compte du fournisseur le 30e jour.

Si des paiements sont effectués malgré tout après le 30e jour, la section 12.2.6 de la PMCT exige que des intérêts soient payés automatiquement si le retard est causé par le ministèreNote de bas de page 19 :

  • les intérêts sont payés automatiquement à l’entrepreneur sur les comptes qui ne sont pas payés soit à la date d’échéance, 30 jours à compter de la date de réception d’une facture ou 30 jours à compter de l’acceptation des marchandises ou des services, la dernière de ces éventualités étant retenue, si le gouvernement est responsable du retard (par exemple, les comptes impayés depuis 50 jours ou plus, lorsque la période normale de paiement de 30 jours est applicable);
  • la période pour laquelle les intérêts sont payés automatiquement est la période comprise entre la date d’échéance et la date à laquelle le paiement est effectué.

Si, dans les 15 premiers jours de l’exécution des travaux ou de la présentation de la facture, le ministère constate qu’un élément des travaux ou de la facture ne correspond pas au contrat, l’article 34 ne peut pas être appliqué et le fournisseur doit exécuter les travaux qui correspondent aux exigences du contrat ou présenter une facture corrigée. Ce n’est qu’après que ces corrections sont apportées que l’article 34 peut être appliqué et que la période de paiement de 30 jours commence. Le ministère n’est pas responsable de ce retard, de sorte que l’intérêt n’est pas calculé en fonction du moment où les travaux originaux ont été exécutés ou la facture originale a été reçue.

3.3 Clauses du contrat

SPAC est l’acheteur principal du gouvernement fédéral et possède une bibliothèque de clauses pour les appels d’offres et les contrats subséquents : le Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA)Note de bas de page 19. Les modèles de CCUA, y compris les clauses types des contrats, varient en fonction de la complexité du besoin et selon s’il s’agit de travaux portant sur des biens, des services ou des services de construction. Toutefois, ces clauses ne sont pas universelles et ne s’appliquent pas automatiquement aux contrats qui ne relèvent pas de SPAC, à moins qu’un ministère ne les intègre expressément au cours de ses propres processus de passation de marchésNote de bas de page 19.

Voici un exemple de clause uniformisée des CCUA sur la période de paiementNote de bas de page 19 :

La période normale de paiement du Canada est de 30 jours. La période de paiement est calculée à compter de la date de réception d’une facture dont le format et le contenu sont acceptables conformément au contrat, ou la date de réception des travaux dans un état acceptable tel qu’exigé au contrat, selon la plus tardive des deux dates. Un paiement est considéré en souffrance le 31e jour suivant cette date, et des intérêts seront calculés automatiquement conformément à [la clause appropriée du contrat].

Si le contenu de la facture et les renseignements connexes nécessaires ne sont pas conformes au contrat, ou si les travaux fournis ne sont pas dans un état acceptable, le Canada avisera l’entrepreneur dans les 15 jours suivant la réception. La période de paiement de 30 jours débute à la réception de la facture révisée ou à la réception des travaux corrigés ou remplacés. Le défaut du Canada d’aviser l’entrepreneur dans les 15 jours n’aura pour conséquence que la date stipulée au paragraphe 1 servira uniquement à calculer l’intérêt sur les comptes en souffrance.

Bien que ces modalités ne se retrouvent pas dans tous les contrats, si elles sont utilisées, leur principe est que dans les 15 jours suivant l’exécution des travaux ou la réception de la facture, le ministère donnera l’attestation prévue par l’article 34 pour les travaux ou la facture ou avisera le fournisseur des problèmes liés aux travaux ou à la facture. Si des mesures correctives doivent être prises par le fournisseur, le délai de 30 jours ne commencera qu’une fois que les travaux ou la facture auront été rectifiés et que le ministère aura jugé qu’ils sont conformes au contrat.

Ces clauses normalisées des CCUA expliquent également les renseignements devant figurer sur la factureNote de bas de page 19 ainsi que le calcul des intérêts au cas où le paiement n’est pas effectué d’ici le lendemain de sa date d’échéance, c’est-à-dire le « 31e jour » lorsque le paiement est exigible au plus tard le « 30e jour » suivant la réception de la facture par le ministère ou l’exécution des travauxNote de bas de page 19.

Il convient également de noter qu’il arrive souvent que les clauses des CCUA soient intégrées par renvoi dans un document d’invitation à soumissionner ou dans son contrat subséquent. Le contrat contiendra donc une seule ligne indiquant que ceci : « Les conditions générales 2010B (2018-06-21) : services professionnels (complexité moyenne) s’applique au contrat et en fait partie intégranteNote de bas de page 19. » Cela exige que le fournisseur trouve les conditions générales 2010B des CCUA sur le site Web de SPAC et qu’il lise et comprenne les 35 clauses qui s’y trouvent, y compris les deux concernant la période de paiement et les intérêts sur les comptes en souffranceNote de bas de page 19.

4.0 Qu’est-ce qui cause les retards de paiement?

4.1 Quand un paiement en retard n’est pas « en retard »

La différence entre les paiements « en retard » et les paiements « ralentis » réside dans les clauses types du contrat, car elles précisent qu’un paiement effectué au moins un jour après la date d’échéance est « en retard » et que les intérêts devraient s’accumulerNote de bas de page 19. Le gouvernement détermine le retard en fonction du jour où commence sa période de paiement, c’est-à-dire à l’étape 2 : Le ministère accepte les travaux, ou le jour où le ministère a reçu la facture ou les biens, selon la date la plus tardive. Si les travaux ou la facture ne correspondent pas à ce qui est prévu au contrat, les écarts entre ceux-ci doivent être corrigés avant l’attestation prévue par l’article 34. Cela « ralentit » un paiement sans qu’il soit techniquement en retard. Les intérêts ne s’accumulent pas, peu importe le temps écoulé entre l’exécution des travaux et la réception de la facture et le moment où le ministère a reçu la facture corrigée ou que les travaux ont été exécutés correctement. Dans de telles circonstances, la PMCT et les clauses contractuelles concernant les intérêts ne sont pas déclenchées parce que le ministère n’est pas responsable du retard, c’est-à-dire que le fournisseur n’a pas exécuté les travaux exacts prévus dans le contrat ou qu’il y a eu une erreur dans la facture.

Il est important de noter que peu importe si un paiement est considéré comme en retard ou ralenti, il est toujours « en retard » du point de vue du fournisseur.

4.2 Intérêt sur les paiements en retard

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la PMCT et les clauses contractuelles des CCUA précisent que des intérêts seront payés lorsqu’un paiement est en souffrance si le ministère est responsable du retardNote de bas de page 21, Note de bas de page 19. Les clauses contractuelles types précisent que les intérêts seront payés automatiquement à compter du « 31e jour »Note de bas de page 21. Bon nombre de contrats ne font pas directement référence à la PMCT, de sorte que ce qui est énoncé dans le contrat est normalement la norme utilisée pour déterminer si des intérêts sont exigibles.

Les paiements d’intérêts constituent un passif financier pour le ministère et pour le contribuable canadien en général. Les ministères ont des budgets limités, et le fait d’avoir à dépenser des fonds supplémentaires pour des intérêts peut signifier que les ministères peuvent acheter moins de biens et de services pour offrir leurs programmes aux Canadiens.

Toutefois, l’incidence des paiements en retard sur les fournisseurs peut être beaucoup plus grande que celle des paiements d’intérêts sur les ministères. Dans un cas examiné par le BOA, le fournisseur avait terminé les travaux en décembre et devait recevoir le dernier paiement de retenue de 16 741 $ à la mi-février. Le fournisseur a communiqué avec le BOA à la fin de juin, car il n’est pas parvenu à parler à quiconque au ministère pouvant l’aider. Le fournisseur a finalement reçu le paiement le 30 juillet, ce qui signifie qu’il n’a été payé que 7 mois après avoir terminé les travaux. Le ministère, qui aurait dû automatiquement inclure les intérêts dans ce paiement différé, a alors exigé que le fournisseur présente une facture distincte pour les intérêts, qui a été payée en août.

Heureusement, le fournisseur en cause a été en mesure d’absorber le montant dû, mais de tels retards affectent de façon disproportionnée les petites entreprises qui n’ont pas forcément les réserves de trésorerie nécessaires pour payer leurs fournisseurs et leurs sous-traitants pendant qu’elles attendent que le ministère paye le montant dû. Afin de respecter leurs propres obligations dans la chaîne d’approvisionnement, les fournisseurs peuvent être obligés d’accepter une facilité de crédit (probablement à un taux plus élevé que les intérêts sur le paiement), ou, dans des situations graves, de contracter une dette importante, de faire défaut sur des contrats de sous-traitance et d’être forcés à effectuer des mises à pied.

4.3 Causes profondes des paiements en retard

L’article 34 est une mesure de protection fédérale visant à garantir que les fonds publics sont dépensés conformément aux modalités d’un contrat approuvéNote de bas de page 5. Sans celle-ci, les ministères risquent de payer de mauvais montants pour les travaux reçus, tout comme de payer le mauvais fournisseur, de payer pour des travaux incorrects ou d’exposer les fonds publics à la fraude. Bien qu’on ne puisse nier son importance, le BOA a observé que ce sont les retards pendant l’attestation prévue par l’article 34 qui entraînent presque tous les paiements en retard ou ralentis évalués dans cette étude. Des retards pendant l’attestation prévue par l’article 34 ont été constatés dans 80 des 93 paiements examinés par le BOA.

4.3.1 Temps requis pour inspecter les travaux et la facture

Des retards durant l’inspection ministérielle se produisent pendant que le ou les représentants du ministère vérifient la présence de lacunes et d’écarts dans les travaux ou la facture au cours des 15 premiers jours suivant, respectivement, leur exécution ou sa présentation au ministère. Toutefois, dans certains cas, on a observé que c’est l’avis de retard que reçoit un ministère du fournisseur qui l’incite à entamer ces inspections. Par conséquent, non seulement le paiement avait déjà été perçu comme étant en retard par les fournisseurs, d’où l’avis de « retard », mais puisque les fonds doivent être libérés « […] aussi près que possible de la date d’échéance, mais non postérieurement Note de bas de page 19 », les fournisseurs ont dû attendre la période de paiement fédérale de 30 jours pour que le paiement soit déposé dans leurs comptes.

Il convient de noter que conformément à la section 4.1.11.2 de la Directive sur la délégation des pouvoirs de dépenser et des pouvoirs financiers du Conseil du Trésor, la même personne ne peut exercer les pouvoirs prévus à l’article 34 et à l’article 33 pour une même transactionNote de bas de page 20. Bien que cette mesure puisse être efficace pour réduire la fraude, car elle empêche une même personne de pouvoir à la fois accepter le travail et verser des paiements, elle a aussi l’effet regrettable d’ajouter une étape administrative supplémentaire pendant la période de paiement. Un ministère a indiqué que son processus d’approbation en vertu de l’article 34 comportait à lui seul une liste de vérification en 11 points, qui peut exiger que plus d’une personne vérifie tous les aspects de la liste de vérification. Par exemple, le responsable technique peut confirmer l’exécution des travaux, la facture peut être envoyée à l’autorité contractante et le gestionnaire du centre de ressources du ministère peut être celui qui traite la liste de vérification et doit donc obtenir les apports des deux autres pour confirmer que les 11 points ont tous été vérifiés. Une fois que cette personne confirme que la vérification des 11 points a été effectuée et que l’attestation prévue par l’article 34 a eu lieu, un envoi est alors effectué (point 12) pour approbation en vertu de l’article 33 et pour un paiement par l’intermédiaire du SNP de SPAC (point 13) au receveur général (point 14), après quoi les fonds sont finalement déposés dans le compte du fournisseur (point 15). Cela signifie qu’il y a en fait 15 points où une erreur pourrait être commise pendant que les données sont vérifiées ou transmises entre les étapes.

En général, ces étapes internes peuvent ajouter des jours ou des semaines au temps total requis pour payer les fournisseurs. En plus de l’incidence financière susmentionnée sur le fournisseur, ces retards entraînent également des frais d’intérêts comptabilisés dans le budget du ministère, ce qui pourrait avoir une incidence sur d’autres approvisionnements en raison d’un manque de fonds.

4.3.2 Fréquence de rejet des travaux ou de la facture

Un deuxième type de délai – le rejet des travaux ou de la facture – témoigne de l’importance de l’attestation prévue par l’article 34 et du fait de s’assurer que le gouvernement ait obtenu ce qu’il est contractuellement tenu de recevoir. Cette exigence représente une responsabilité partagée entre les ministères et les fournisseurs. Si un contrat ne définissait pas adéquatement la condition acceptable des travaux ou les renseignements devant figurer sur la facture, l’un ou l’autre pourrait être rejeté en fonction d’interprétations différentes de ce que le contrat exigeait. Après chaque rejet, il faut accorder plus de temps pour que le fournisseur corrige les travaux ou la facture et pour que le ministère réexamine les travaux ou la facture avant que l’article 34 puisse être appliqué.

Dans 11 des 93 paiements, les retards étaient attribuables à l’article 34, déterminant a) qu’il n’y avait pas de contrat écrit; ou b) que les travaux ou la facture témoignaient d’une modification non documentée des exigences du contrat. Dans de telles circonstances, l’attestation en vertu de l’article 34 ne peut être accordée, car les travaux ne correspondent pas au contrat. La faute peut revenir à l’une ou l’autre des parties. Par exemple, si le fournisseur a modifié la portée des travaux (comme en livrant un article de remplacement) sans l’autorisation écrite du ministère (comme par une modification au contrat), le paiement ne peut être effectué même si le produit était jugé acceptable. Dans de tels cas, si le contrat n’est pas modifié pour permettre la livraison de l’article de remplacement, le fournisseur sera toujours tenu d’exécuter, à ses frais, les travaux nécessaires pour respecter la portée initiale du contrat. Dans les cas où le ministère demande une modification de la portée des travaux, l’autorité contractante devrait émettre une modification au contrat, après consultation à la fois du fournisseur et du responsable technique afin de légitimer la modification. Bien que cela puisse causer un léger retard dans l’exécution des travaux, du point de vue du fournisseur, un retard à cette étape est préférable à l’obligation de corriger le changement après l’exécution des travaux. L’exemple le plus simple serait qu’un représentant du ministère demande à un fournisseur de livrer 15 unités d’un article quelconque au lieu des 14 unités précisées dans le contrat. Une modification doit être rédigée pour cette unité supplémentaire avant sa livraison et le processus d’attestation prévu par l’article 34, car de tels changements ne peuvent être effectués après coup : soit le contrat est modifié, avec l’approbation de l’autorité contractante, avant que les travaux supplémentaires ne soient effectués, soit les travaux supplémentaires doivent être régularisés par une « confirmation de commande » après coup.

Les confirmations de commande entraîneront une période de paiement beaucoup plus longue pour les travaux non visés par la portée initiale, car un processus de passation de marchés entièrement nouveau devra être entrepris pour les travaux en questionNote de bas de page 21. Les règles concernant les confirmations de commande reconnaissent effectivement qu’il est parfois impossible d’intégrer une modification au contrat avant que les travaux ne soient effectuésNote de bas de page 22. Dans de tels cas, la confirmation de commande vient corroborer le fait que les travaux particuliers et leurs aspects connexes (description de travail, dates, montant et transfert de propriété intellectuelle) ne sont pas prévus dans le contrat. La confirmation de commande a pour but de documenter les travaux en question et non de légitimer l’ensemble de la transaction ou du contrat. Des 17 dossiers examinés dans le cadre de cette étude d’APC, 5 exigeaient des confirmations de commande. De ces 5 dossiers, 4 ont été traités, c’est-à-dire qu’un paiement a été émis, entre 1 et 18 mois après l’achèvement des travaux. Dans le dernier cas, le ministère a mené une enquête interne afin de déterminer quand l’autorisation avait été accordée pour les travaux modifiés et si cette personne avait l’autorisation appropriée d’apporter la modification. La facture a finalement été payée 546 jours après avoir été présentée.

Même si le fournisseur a respecté sa partie de l’entente et que l’on a finalement décidé que le ministère paierait pour les travaux modifiés, le fournisseur doit absorber le coût financier sur une période indéfinie ou radier entièrement la perte.

5.0 Comment réduire les paiements en retard

5.1 Exemples d’efforts déployés pour répondre aux préoccupations en matière de paiement

5.1.1 Simplification – Inclure des modalités contractuelles clés dans le corps du contrat

SPAC a entrepris des efforts pour simplifier et rationaliser les documents contractuels afin de rendre l’approvisionnement moins fastidieux pour les fournisseurs, et il a mis à l’essai les nouveaux processus de simplification dans un certain nombre de demandes de soumissions. Son objectif est de continuer à simplifier et à réduire davantage la taille des contrats de biens et de services courants et très concurrentiels dans une proportion d’au moins 50 % d’ici 2020Note de bas de page 23.

Le BOA appuie les efforts visant à simplifier et à rationaliser les documents contractuels, et il faut veiller à ne pas créer de nouveaux fardeaux ou de nouveaux défis pour les fournisseurs en raison de la simplification. Les modalités de paiement sont d’une importance primordiale pour le fournisseur et doivent être comprises. Si de telles clauses sont intégrées par renvoi dans les futures ententes contractuelles, il est moins probable qu’elles soient lues et comprises par les fournisseurs. Par conséquent, le BOA croit que les principales modalités contractuelles concernant le paiement devraient être énoncées dans un langage clair et cohérent et incluses dans le corps du contrat.

5.1.2 Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction

La Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction a été adoptée en 2019 afin « [...] de promouvoir la réalisation ordonnée et en temps opportun des projets de construction [...] en traitant du problème de non-paiement des entrepreneurs et des sous-traitants [...]Note de bas de page 24 ». Pour ces types de contrats, le processus de paiement en 5 étapes mentionné ci-dessus est prolongé par une étape supplémentaire qui échappe au contrôle du gouvernement. Pour de nombreux contrats de construction, un entrepreneur principal embauche des entreprises spécialisées (sous-traitants) pour effectuer les travaux, comme un électricien pour réaliser les travaux électriques ou un plombier pour installer des articles de salle de bains. Après que le gouvernement ait payé l’entrepreneur principal, il revient alors à l’entrepreneur principal de payer correctement ses sous-traitants. Il existe maintenant un site Web – Paiement sans délai dans l'industrie de la construction – qui est mis à jour chaque semaine et qui fournit aux sous-traitants, aux gens de métiers et aux fournisseurs des renseignements sur les paiements versés aux entrepreneurs principauxNote de bas de page 25.

Le site Web comprend également un plan d’action pour le paiement rapide fondé sur les principes suivants :

  • Rapidité : Le Ministère [pour lequel les travaux ont été effectués] examinera et traitera les factures dans les meilleurs délais. En cas de différend, Services publics et Approvisionnement Canada paiera les éléments non contestés, tout en s’employant à résoudre la question du montant contesté de façon rapide et équitable.
  • Transparence : Le Ministère rendra publics les renseignements sur les paiements versés au titre des contrats de construction, comme les dates de versement des paiements, ainsi que le nom des entreprises, et les numéros de contrat et de projet; de leur côté, les entrepreneurs devraient communiquer ces renseignements aux paliers inférieurs.
  • Responsabilité partagée : Les payeurs et les bénéficiaires sont tenus de respecter les conditions de leurs contrats, entre autres leurs obligations liées au versement et à la réception des paiements, ainsi que d’adopter les pratiques exemplaires de l’industrie.

Un facteur clé de cette loi pour accélérer les paiements a été de commencer la période de paiement « […] au plus tard le vingt-huitième jour suivant la date de réception de la facture en règleNote de bas de page 26 ». Toutefois, la loi ne précise pas ce qui constitue une « facture en règleNote de bas de page 27 », de sorte que ni les ministères ni les fournisseurs ne peuvent faire autre chose que ce qui est déjà envisagé par la PMCT comme étant une « […] facture adressée en bonne et due forme […]Note de bas de page 28 ».

Un rapport de l’industrie de juin 2018 sur le paiement et l’arbitrage rapides, commandé par SPAC, recommandait d’utiliser la définition de facture en bonne et due forme prévue dans la Loi sur la constructionNote de bas de page 29 de l’Ontario, qui énumère au moins 7 caractéristiques à respecter pour que la facture soit « […] en bonne et due forme […] » et pour que la période de paiement commenceNote de bas de page 30 :

  1. Les nom et adresse de l’entrepreneur.
  2. La date de la facture en bonne et due forme et la période au cours de laquelle les services ou les matériaux ont été fournis.
  3. L’indication de l’autorisation, contractuelle ou autre, en vertu de laquelle les services ou les matériaux ont été fournis.
  4. La description, y compris la quantité s’il y a lieu, des services ou des matériaux qui ont été fournis.
  5. Le montant dû pour les services ou les matériaux qui ont été fournis, ainsi que les conditions de paiement.
  6. Les nom, titre, numéro de téléphone et adresse postale de la personne à qui le paiement doit être envoyé.
  7. Tout autre renseignement prescrit.

Cette clarté aide les fournisseurs à comprendre ces exigences et à y répondre de façon proactive. Le gouvernement fédéral pourrait obtenir la même clarté en indiquant explicitement dans ses contrats les exigences minimales applicables aux travaux et à la facture. L’inclusion de ces détails réduit les chances qu’une exigence obligatoire soit négligée ou mal comprise et permet d’économiser du temps qui serait autrement perdu pour corriger la lacune.

5.2 Concilier les « 30 jours » avec des échéanciers réalistes

Compte tenu de ce qui a été mentionné ci-dessus, il est manifeste que tous les paiements ne sont pas effectués dans les 30 jours suivant l’exécution des travaux. L’énoncé de la PMCT selon lequel « le délai normal de paiement est de 30 jours » peut être trompeur parce que l’on peut manquer l’explication supplémentaire selon laquelle « la période de paiement est calculée à partir de la date à laquelle les services sont rendus ou les biens sont reçus en bon état aux endroits précisés dans le marché, ou encore à partir de la date de réception d’une facture dressée en bonne et due forme, si cette dernière date est postérieureNote de bas de page 31 ». Cependant, « 30 jours » est souvent le seul échéancier explicite qui est communiqué de façon constante aux fournisseurs, qui l’utilisent pour gérer leurs propres opérations, et ils peuvent ne pas tenir compte de l’aspect de la date de réception d’une facture en bonne et due forme . Le critère de l’« examen du public » prévu dans la PMCT serait appuyé par le fait, pour les ministères, de communiquer un calendrier à jour et une explication de tous les échéanciers concernés, surtout en ce qui concerne le délai prévu avant d’obtenir l’approbation en vertu de l’article 34Note de bas de page 32.

5.3 Comprendre ce qui se trouve dans le contrat

Bien que la relation fournisseur-ministère soit guidée par les obligations énoncées dans la LGFP et dans la PMCT, le contrat en particulier forme l’ossature et la structure de cette relation.

Si le ministère utilise les clauses des CCUA susmentionnées ou a son propre ensemble de modalités, les modalités de paiement y seront décrites. Pour assurer un paiement rapide :

  • Les fournisseurs devraient :
    • livrer exactement ce qui était prévu dans le contrat, au bon endroit;
    • s’assurer que la facture correspond exactement à ce qui était prévu dans le contrat;
    • livrer la facture au destinataire précisé dans le contrat le plus près possible de la date de l’exécution des travaux, ou dès que le contrat le permet, et en obtenir la confirmation;
    • faire un suivi auprès du ministère 15 jours après la livraison de la facture pour s’assurer qu’il n’y a pas de lacunes dans les travaux ou la facture.
  • Les ministères devraient :
    • effectuer l’inspection des travaux dès que possible;
    • veiller à ce que les délais (par exemple, les 15 jours) de cette inspection soient respectés;
    • utiliser la bonne date de référence de la facture au moment de saisir les renseignements dans le système de gestion financière afin de calculer correctement la date de paiement de 30 jours;
    • veiller à ce que les fournisseurs soient informés des lacunes des travaux ou de la facture dans les délais prévus au contrat, comme les 15 jours indiqués dans les clauses des CCUA, le cas échéant;
    • permettre au personnel du ministère de traiter les factures lorsque des erreurs mineures et sans conséquence de forme pourraient autrement forcer la correction de la facture.

5.4 Ne pas modifier officieusement le contrat

Ni les fournisseurs ni les ministères ne peuvent apporter unilatéralement des modifications au contrat. Les fournisseurs ne peuvent pas choisir de livrer un article de remplacement, pas plus que les ministères ne peuvent décider de payer un prix inférieur pour les travaux une fois que ceux-ci ont été exécutés.

Si les conditions des CCUA sont utilisées, elles contiennent une disposition portant sur les modifications au contratNote de bas de page 33 :

Pour être en vigueur, toute modification du contrat doit être faite par écrit par l’autorité contractante et le représentant autorisé de l’entrepreneur.

Le contrat contiendra également normalement une clause identifiant l’« autorité contractante » par son nom et un énoncé comme celui-ci :

L’autorité contractante est responsable de la gestion du contrat et toute modification doit être autorisée, par écrit, par l’autorité contractante. L’entrepreneur ne doit pas effectuer de travaux dépassant la portée du contrat ou des travaux qui n’y sont pas prévus suite à des demandes ou instructions verbales ou écrites de toute personne autre que l’autorité contractante.

Toutefois, il n’est pas rare que le fournisseur et le responsable technique du ministère (souvent un gestionnaire de programme ou un expert au sein du ministère) acceptent une modification contractuelle, parfois en raison d’une situation imprévue, comme lorsqu’un fournisseur indique qu’il a pu produire des articles supplémentaires à l’étape de production, ce que le responsable technique ministériel pourrait vouloir accepter. À d’autres moments, le responsable technique et le fournisseur peuvent convenir de certains travaux qui n’étaient pas prévus par le contrat, comme permettre que des heures supplémentaires soient facturées pour des travaux supplémentaires qui ont été effectués dans le cadre de l’exécution des travaux. De plus, le responsable technique et le fournisseur peuvent accepter de modifier le contrat en raison d’une crise ou d’une urgence imprévue, comme une catastrophe naturelle.

Ces modifications doivent être intégrées au contrat par voie de modification avant que les travaux ne soient exécutés afin d’éviter de futurs différends. Comme on l’a mentionné plus haut, lorsque les parties ne modifient pas le contrat avant d’effectuer des travaux non prévus, les parties prennent des risques importants et, en fin de compte, doivent préparer des confirmations de commande pour documenter ces modifications après coup et permettre le paiement.

Il est important pour les fournisseurs de comprendre que les responsables techniques peuvent être plus préoccupés par l’exécution des travaux et la réception du produit final que par les aspects administratifs de la gestion des contrats, et leur attention peut être concentrée ailleurs lorsqu’il est temps de formaliser les modifications contractuelles. Il est donc impératif que le fournisseur et l’autorité technique tiennent l’autorité contractante informée dès que de telles situations se produisent; cela peut être aussi simple que l’envoi par le fournisseur, à l’autorité contractante, d’une copie conforme du courriel au responsable technique confirmant la portée des travaux modifiés. Si l’autorité contractante a des objections à l’inclusion des travaux supplémentaires, ces discussions doivent avoir lieu avant que le fournisseur entreprenne les travaux ou que des différends soient susceptibles de survenir plus tard.

S’il est connu avant le début des travaux supplémentaires que l’autorité contractante ne modifiera pas le contrat pour y intégrer les travaux supplémentaires, le fournisseur ne devrait pas effectuer de travaux supplémentaires. Si les travaux supplémentaires ont déjà été effectués sans modification, le ministère devra amorcer le processus de confirmation de commandeNote de bas de page 34. Cela se traduira par une période de paiement beaucoup plus longue, car un processus de passation de marchés entièrement nouveau devra être entrepris pour les travaux en question, parce que, sans contrat, les travaux ou la facture ne peuvent être attestés conformément à l’article 34, en quel cas le paiement ne peut être effectué.

Dans les cas des confirmations de commande, il n’est pas rare que les ministères mènent des enquêtes administratives sur les circonstances entourant ces ententes, cherchant entre autres à déterminer s’il y a un conflit d’intérêts ou une fraude en cause. Ces processus d’enquête peuvent être menés parallèlement au processus de confirmation de commande, ou, comme dans le cas du BOA examiné dans le cadre de la présente étude d’APC, le processus d’enquête peut devoir se conclure avant que le processus de confirmation de commande puisse être amorcé et que le fournisseur puisse être payé.

5.5 Comprendre que les intérêts peuvent ne pas compenser un paiement en retard

Le personnel ministériel comprend que les intérêts commencent à s’accumuler après le « 30e jour » et peut considérer que les intérêts compensent les semaines ou les mois de retard du paiement. Les fournisseurs, en revanche, sont privés du montant total dû pour les travaux jusqu’à ce que le paiement soit déposé dans leurs comptes. Afin de saisir pleinement les répercussions potentiellement dévastatrices que peuvent avoir les paiements en retard ou différés sur les fournisseurs et les autres membres de la chaîne d’approvisionnement, le personnel ministériel peut établir une analogie avec le nombre de fonctionnaires fédéraux qui ont déclaré avoir été touchés par les échecs du système de paye Phénix.

Dans le cas des petites entreprises, les retards de paiement peuvent représenter une contrainte importante, car elles ne disposent peut-être pas des réserves de trésorerie nécessaires pour patienter ou pour payer les sous-traitants jusqu’à ce que le paiement soit reçu. Cela signifie que les fournisseurs peuvent avoir à obtenir du crédit de leurs banques ou investisseurs et peut-être faire des mises à pied jusqu’à ce que les fonds soient reçus.

5.6 Inciter le gouvernement à payer plus tôt

La section 12.2.10 de la PMCT fournit une justification pour que le personnel ministériel s’écarte de la norme de paiement de 30 joursNote de bas de page 35 :

Exceptions. Lorsqu’il est plus avantageux pour le gouvernement, en raison de facteurs tels que les ristournes, de payer les comptes plus promptement, ou lorsque les dispositions contractuelles relatives au paiement des intérêts diffèrent du délai normal de 30 jours, la période normale de paiement peut être ignorée.

Ainsi, si un fournisseur est prêt à offrir une ristourne pour paiement anticipé, il peut inclure des conditions comme « 2 %/10, 30 nets » indiquant qu’un fournisseur est prêt à accorder une réduction de 2 % du prix si le prix d’achat total est payé dans les 10 jours suivant la réception, sans quoi le montant total est dû dans les 30 joursNote de bas de page 36. Cela incitera le gouvernement à ne pas attendre jusqu’au 30e jour pour verser des paiements.

5.7 Ne pas attendre jusqu’au 30e jour pour payer les fournisseurs

La section 12.2.6.d de la PMCT précise que « [l]es paiements sont organisés de façon à être effectués aussi près que possible de la date d’échéance, mais non postérieurementNote de bas de page 19 ». D’une part, le gouvernement tire profit des intérêts accumulés en conservant l’argent le plus longtemps possible, c’est-à-dire jusqu’au 29e jour de la période de paiement. D’autre part, les fournisseurs canadiens et leurs sous-traitants auraient grandement avantage à être payés dès que possible.

En février 2018, SPAC a lancé un projet pilote destiné à accélérer les paiements aux fournisseurs. Le projet a eu une incidence sur les contrats d’une valeur inférieure à 100 000 $ attribués dans le cadre du Programme des approvisionnements de SPAC, l’objectif étant de traiter les factures d’ici le « 15e jour ». Voici les objectifs du programme :

  • Amélioration des flux de trésorerie des [petites et moyennes entreprises (PME)] qui leur permettra de mieux répondre à leurs besoins financiers
  • Accélération du cycle de la facturation au paiement qui permettra aux PME de se concentrer sur la croissance et l’innovation
  • Réduction du fardeau administratif des PME grâce à l’utilisation accrue des factures électroniques et du dépôt direct
  • Augmentation du niveau de confiance, d’intérêt et de participation des PME à l’égard des possibilités d’approvisionnement du gouvernement du Canada

Le BOA espère que ce projet pourra être étendu à des contrats plus importants et qu’il y aura un nombre croissant de ministères participants.

5.8 Les ministères ratent la date du « 15e jour » où ils doivent aviser les fournisseurs des lacunes

Si des clauses normalisées des CCUA ou des clauses similaires sont utilisées, on y décrit l’obligation du gouvernement d’aviser le fournisseur de toute lacune dans les travaux ou la facture dans les 15 jours suivant la réceptionNote de bas de page 21 :

La période normale de paiement du Canada est de 30 jours. La période de paiement est calculée à compter de la date de réception d’une facture dont le format et le contenu sont acceptables conformément au contrat, ou la date de réception des travaux dans un état acceptable tel qu’exigé au contrat, selon la plus tardive des deux dates. Un paiement est considéré en souffrance le 31e jour suivant cette date, et des intérêts seront calculés automatiquement conformément à [la clause appropriée du contrat].

Si le contenu de la facture et les renseignements connexes nécessaires ne sontpas conformes au contrat, ousi les travaux fournis ne sont pas dans un état acceptable, le Canada avisera l’entrepreneur dans les 15 jours suivant la réception. La période de paiement de 30 jours débute à la réception de la facture révisée ou à la réception des travaux corrigés ou remplacés. Le défaut du Canada d’aviser l’entrepreneur dans les 15 jours n’aura pour conséquence que la date stipulée au paragraphe 1 servira uniquement à calculer l’intérêt sur les comptes en souffrance. [c’est nous qui soulignons]

Le BOA fait observer que la dernière ligne de la clause ci-dessus explique les conséquences pour le gouvernement  du non-respect de ce délai de 15 jours, c’est-à-dire de faire « seulement » ajuster la date afin de calculer les paiements d’intérêts. Cette conséquence pour les ministères de ne pas aviser les fournisseurs des lacunes des travaux ou de la facture n’est pas proportionnelle aux répercussions importantes qu’un fournisseur peut subir pendant qu’il attend le paiement. De plus, à moins qu’un fournisseur n’ait sciemment dévié des exigences du contrat, il n’aurait aucun moyen de savoir qu’il y a un problème dans les travaux ou la facture et que le processus de paiement n’a pas encore commencé. Les ministères devraient veiller à ce que les fournisseurs soient avisés dès que possible, et certainement dans les délais prévus par le contrat (par exemple, 15 jours après l’exécution des travaux ou la réception de la facture), lorsque des lacunes sont constatées dans les travaux ou la facture.

6.0 Conclusion

Les ministères et les fournisseurs peuvent prendre les mesures suivantes pour réduire la fréquence et la durée du retard des paiements dans le processus d’approvisionnement fédéral :

Éducation

  • Concilier les « 30 jours » avec des échéanciers réalistes – Les fournisseurs devraient comprendre à l’avance que la compréhension générale des « 30 jours » n’équivaut pas toujours à la réception du paiement 30 jours après l’exécution des travaux et la réception de la facture par le ministère.
  • Comprendre que les intérêts peuvent ne pas compenser les paiements en retard – Les ministères doivent comprendre que les intérêts imposés par la PMCT qui sont versés pour un paiement en retard ne compensent pas le fardeau financier imposé aux fournisseurs, en particulier les petits et moyens fournisseurs, lorsqu’ils ne reçoivent pas le paiement à temps.

Exigences contractuelles

  • Comprendre ce qui se trouve dans le contrat – Les fournisseurs et les ministères doivent comprendre et respecter les modalités du contrat, y compris les travaux exacts à réaliser, la forme et le contenu appropriés de la facture et le moment où l’inspection des travaux ou de la facture est censée être effectuée.
  • Ne pas modifier officieusement le contrat – Les fournisseurs et les ministères doivent respecter les paramètres du contrat actuel, car, sans entente officielle, l’exécution de travaux au-delà de la portée du contrat peut causer des problèmes importants, y compris des retards de paiement.
  • Simplifier – Inclure les principales modalités contractuelles dans le corps du contrat – Les ministères devraient éviter d’exiger des fournisseurs qu’ils consultent d’autres documents, et ce, afin que l’on comprenne bien les exigences relatives au paiement.

Inspection et traitement par le gouvernement

  • Inciter le gouvernement à payer plus tôt – La PMCT permet aux fournisseurs qui offrent une ristourne pour paiement anticipé d’être payés avant le « 30e jour » si cette ristourne est « avantageuse » pour le ministère.
  • Ne pas attendre jusqu’au 30e jour pour payer les fournisseurs – Il faut envisager d’étendre le projet pilote de SPAC visant à accélérer les paiements aux fournisseurs, entre autres en incluant des contrats de plus grande valeur et en augmentant le nombre de ministères participants.
  • Ministères ratant la date du « 15e jour » où ils doivent aviser les fournisseurs des lacunes – Reconnaissant les difficultés importantes que subissent les fournisseurs lorsqu’ils ne sont pas payés en temps opportun, les ministères devraient prendre des mesures pour s’assurer que les fournisseurs sont avisés des lacunes dès que possible et dans les délais prévus par contrat.
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