Acquisition de services d'expert-conseil en processus opérationnels par Service correctionnel du Canada

Avril 2019

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La plainte

1. Le 15 octobre 2018, le Bureau de l'ombudsman de l'approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite d'un fournisseur (le plaignant) concernant un contrat attribué par Service correctionnel du Canada (le Ministère). Le contrat concernait la prestation de services d'expert-conseil en processus opérationnels, visant à [traduction] « examiner un certain nombre de domaines d'activités proposés, dont le modèle de ressources humaines général de son organisation de services d'alimentation. »

2. Le contrat, d'une valeur de 52 841,95 $ (taxes en sus), a été attribué le 7 août 2018.

3. Le plaignant soulève des préoccupations quant à la façon dont le Ministère a suivi le processus d'évaluation, ainsi que les résultats de ce processus. Le présent rapport examine les questions clés suivantes soulevées par la plainte :

  • Y-a-t-il eu des erreurs dans le calcul, par le Ministère, des mois d'expérience pertinente d'une ressource proposée?
  • Les projets sont-ils été jugés à tort comme n'étant pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil?

4. Le 16 octobre 2018, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l'ombudsman de l'approvisionnement (le Règlement), et la plainte a été considérée comme déposée.

Mandat

5. L'examen de la plainte a été mené en vertu de l'alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et des articles 7 à 14 inclusivement du Règlement.

6. Conformément au paragraphe 9(2) du Règlement, l'ombudsman de l'approvisionnement a demandé au Ministère de fournir les documents et les renseignements nécessaires à l'examen. La demande visait tous les documents ministériels liés à l'attribution du contrat en question, ainsi que les politiques et les lignes directrices en matière d'approvisionnement du Ministère en vigueur au moment de la demande de soumissions. L'ombudsman de l'approvisionnement a également demandé au plaignant de lui fournir tout renseignement supplémentaire n'ayant pas déjà été fourni dans le cadre de la plainte.

7. Le Ministère a fourni au BOA des documents associés à l'attribution du contrat en question. Il n'a pas transmis de politiques ou de lignes directrices ministérielles sur l'approvisionnement; toutefois, ses politiques étaient accessibles sur le site Web du Ministère. Le plaignant a fourni des copies d'objets de correspondance administrative supplémentaires entre lui-même et le Ministère, ces copies n'ayant pas été présentées dans le cadre de la plainte.

8. Les constatations du présent rapport sont fondées sur les documents fournis par le Ministère et par le plaignant, ainsi que sur des renseignements pertinents accessibles au public. L'omission du Ministère ou du plaignant de divulguer des documents ou des renseignements pertinents pourrait avoir une incidence sur les constatations du présent rapport.

Contexte

Arrangement en matière d'approvisionnement pour ProServices

9. En juin 2018, le Ministère a lancé une demande de propositions (la demande de soumissions) aux termes de l'Arrangement en matière d'approvisionnement pour ProServices (l'AMA pour ProServices). L'AMA pour ProServices est un outil d'approvisionnement obligatoire à l'échelle du gouvernement fédéral pour la prestation de services professionnels d'une valeur inférieure au seuil prévu dans l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il s'agit d'une méthode d'approvisionnement qui permet aux utilisateurs identifiés de lancer des propositions à partir d'un bassin de fournisseurs préqualifiés pour des besoins précis.

10. L'AMA pour ProServices compte 13 volets englobant 158 catégories de services professionnels. Chaque volet de l'AMA pour ProServices et bon nombre des catégories de services professionnels sont assortis de leur propre grille de notation, aussi appelée « grille souple ». Les ministères se servent d'une grille souple pour évaluer les ressources proposées par un soumissionnaire en réponse à une demande de soumissions. Des points sont attribués pour les études, l'attestation professionnelle et l'expérience pertinentes. Le total des points détermine si une ressource proposée est considérée comme possédant un niveau d'expertise subalterne, intermédiaire ou supérieur dans une catégorie donnée.

11. Au moment de demander des propositions dans le cadre de l'AMA pour ProServices, les ministères acheteurs précisent la catégorie et le niveau d'expertise (c'est-à-dire subalterne, intermédiaire ou supérieur) nécessaire pour son besoin. En guise de réponse, les soumissionnaires proposent des ressources possédant l'éducation, l'attestation professionnelle et l'expérience pertinentes pour la catégorie. Afin d'être envisagée pour l'attribution d'un contrat, une ressource proposée doit atteindre le nombre minimum de points précisé dans la grille souple pour le niveau d'expertise exigé.

La demande de soumissions

12. La demande de soumissions pour le contrat en cause précisait que le Ministère avait besoin d'une ressource de niveau supérieur dans la catégorie 9.5 de l'AMA pour ProServices – Expert-conseil en processus opérationnels.

13. La demande de soumissions comprenait un seul critère technique obligatoire, O1, qui provenait d'une grille souple de l'AMA pour ProServices. Pour respecter le critère O1, la ressource proposée du soumissionnaire devait pouvoir être considérée comme un expert-conseil en processus opérationnels de niveau supérieur en obtenant 95 points, tel qu'il est décrit ci dessous :

Critère technique obligatoire, O1

La ressource proposée du soumissionnaire doit respecter la grille souple sous 9.5 Expert-conseil en processus opérationnels, niveau supérieur, aux termes de l'Arrangement en matière d'approvisionnement pour ProServices.

Grille souple du volet des services aux ressources humaines 9.5 Expert-conseil en processus opérationnels

Niveaux d'expertise

  • Supérieur : Minimum de 95 points
  • Intermédiaire : Minimum de 70 points
  • Subalterne : Minimum de 50 points

Études pertinentes dans la catégorie d'expert-conseil

  • Université (grade de doctorat, de cycle supérieur, ou de premier cycle) : 35 points
  • Diplôme ou certificat de niveau collégial : 25 points
  • Diplôme d'études secondaires : 20 points

Attestation professionnelle

  • Attestation professionnelle pertinente : 15 points

Expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil

  • De 1 à 2 années : De 12 à 23 mois – 10 points
  • De 2 à 4 années : De 24 à 47 mois – 20 points
  • De 4 à 6 années : De 48 à 71 mois – 30 points
  • De 6 à 8 années : De 72 à 95 mois – 40 points
  • De 8 à 10 années : De 96 à 119 mois – 50 points
  • 10 années et + : 120 mois et + – 60 points

14. Les procédures d'évaluation pour cet approvisionnement étaient décrites dans la section 4.1 de la demande de soumissions, comme suit : [traduction]

  1. Les soumissions seront évaluées en conformité avec toutes les exigences de la demande de propositions, y compris les critères d'évaluation techniques et financiers.
  2. Les soumissions seront évaluées par une équipe d'évaluation, composée de représentants de la Couronne.

15. Dans la méthode de sélection, soit la section 4.2 de la demande de soumissions, il était indiqué que [traduction] « la soumission recevable affichant le prix évalué le plus bas sera recommandée pour l'attribution d'un contrat ».

Chronologie des événements

16. La chronologie ci-dessous a été établie en fonction des documents fournis par le Ministère et le plaignant. Elle décrit les principaux événements qui ont conduit au dépôt de la plainte.

17. Le 13 juin 2018, le Ministère a envoyé la demande de soumissions par courriel à 14 fournisseurs préqualifiés dans le cadre de l'AMA pour ProServices, dont le plaignant. La date d'échéance pour présenter une proposition était le 20 juin 2018 à 14 h.

18. Le 20 juin 2018 :

  • À 10 h 39, le Ministère a reçu une proposition de l'un des fournisseurs préqualifiés qui avaient été invités à soumissionner.
  • À 12 h 17, le Ministère a émis une modification par courriel afin de reporter d'un jour la période de soumission. D'après un courriel ministériel interne, ce changement avait été apporté dans l'espoir de recevoir plus de propositions. La nouvelle date de clôture a été fixée au 21 juin 2018 à 14 h.
  • À 13 h 25, le plaignant a présenté sa proposition.

19. Le 21 juin 2018 à 14 h, la période de soumission a pris fin. Le Ministère a reçu deux propositions.

20. Entre le 27 juin et le 18 juillet 2018, les membres de l'équipe d'évaluation du Ministère (composée de trois personnes) ont évalué individuellement les propositions reçues.

21. Le 27 juillet 2018, l'équipe d'évaluation du Ministère a achevé son évaluation par consensus des propositions reçues. Le Ministère a déterminé que la ressource proposée du plaignant n'avait pas obtenu le nombre minimum de points requis pour être considérée comme un expert-conseil en processus opérationnels de niveau supérieur.

22. Le 30 juillet 2018 :

  • À 12 h 15, le Ministère a envoyé par courriel une lettre de refus au plaignant, indiquant que le contrat était attribué à un autre fournisseur (le fournisseur retenu). La lettre précisait le nom du fournisseur retenu et la valeur du contrat. La lettre indiquait par ailleurs que la ressource proposée du plaignant avait reçu 75 points et n'avait pas obtenu le minimum de 95 points exigé dans la demande de soumissions.
  • À 15 h 18, le plaignant a répondu au courriel du Ministère. Le plaignant a demandé une ventilation montrant comment les points avaient été attribués pour sa ressource proposée.

23. Le 1er août 2018, le Ministère a répondu au plaignant en présentant une grille souple avec les résultats d'évaluation de la ressource proposée du plaignant. La grille souple montrait que la ressource proposée avait reçu un total de 75 points : 35 sur 35 pour les études, 0 sur 15 pour l'attestation professionnelle et 40 sur 60 pour l'expérience. Les commentaires écrits pour la composante de l'expérience du critère O1 indiquaient que deux projets figurant dans la proposition (no 20 et 21) n'étaient pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels et n'avaient pas été comptés.

24. Le 7 août 2018, le Ministère a attribué le contrat au fournisseur retenu, d'une valeur de 52 841,95 $, taxes applicables en sus. La valeur de ce contrat était supérieure au montant présenté dans la proposition financière du plaignant.

25. Le 15 août 2018, le plaignant a envoyé un courriel au Ministère, demandant une réunion d'information en personne pour discuter de l'évaluation de sa proposition.

26. Le 28 août 2018, la réunion d'information a eu lieu.

27. Le 19 septembre 2018 :

  • À 7 h 51, le plaignant a envoyé un courriel au Ministère afin de résumer la réunion d'information et de demander un nouveau calcul des points de sa ressource proposée. Le courriel indiquait ceci :
    • Le plaignant ne croyait pas qu'il avait reçu une [traduction] « justification claire ou raisonnable » de la raison pour laquelle les projets no 20 et 21 avaient été jugés non pertinents.
    • Le plaignant croyait que le Ministère avait mal calculé les points pour l'expérience pertinente.
    • Pendant la réunion d'information, le Ministère a indiqué que d'autres projets, en plus des projets no 20 et 21, avaient été jugés non pertinents.
    • Le Ministère s'était engagé à réévaluer la proposition du plaignant, et les résultats de cette deuxième évaluation seraient communiqués au plaignant.
    • Le Ministère n'a pas fourni au plaignant de liste d'autres projets qui avaient été jugés non pertinents lors de l'évaluation initiale.
  • À 10 h 13, le Ministère a répondu en s'excusant du délai de la transmission des renseignements au plaignant et a indiqué qu'il préparait une réponse et qu'il communiquerait dès que possible avec le plaignant.

28. Le 21 septembre 2018, le Ministère a envoyé un courriel au plaignant avec les résultats de la deuxième évaluation de sa proposition. Le courriel comprenait une nouvelle grille souple et un résumé de l'évaluation. La grille souple montrait que les points attribués pour les études et l'attestation professionnelle restaient inchangés; toutefois, la note pour l'expérience pertinente avait augmenté, passant de 40 à 50 points. Dans l'ensemble, la ressource proposée du plaignant obtenait 85 points. Ce résultat était de 10 points de plus que lors de la première évaluation, mais demeurait inférieur au minimum de 95 points exigé pour que la proposition soit considérée comme recevable.

29. Le 24 septembre 2018, le plaignant a envoyé un courriel au Ministère, demandant des éclaircissements sur les résultats de la deuxième évaluation de sa proposition. Plus précisément, le plaignant cherchait à confirmer sa compréhension de la façon dont les numéros de projet figurant dans la grille souple et le résumé de l'évaluation concordaient avec sa proposition, et à clarifier si certains projets étaient ou non considérés comme de l'expérience pertinente.

30. Le 26 septembre 2018, le Ministère a envoyé un courriel au plaignant avec une grille souple révisée et des réponses à chacune des questions que le plaignant avait soulevées. Les révisions ne touchaient pas la note générale, qui était toujours de 85 points.

31. Le 5 octobre 2018, le plaignant a envoyé un courriel au Ministère concernant les résultats de la deuxième évaluation de sa proposition. Il contestait le dénombrement, par le Ministère, des mois d'expérience pertinente. Le courriel faisait aussi état du désaccord du plaignant avec la détermination du Ministère selon laquelle six des projets du plaignant ne représentaient pas de l'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels.

32. Le 15 octobre 2018, le BOA a reçu la plainte écrite du plaignant.

33. Le 16 octobre 2018, le Ministère a écrit au plaignant en réponse au courriel du 5 octobre de ce dernier. Le Ministère a affirmé que la haute direction avait examiné le dossier et que la proposition était toujours jugée non conforme.

34. Le 16 octobre 2018, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement et que celle-ci était considérée comme déposée.

Le processus d'évaluation

35. Pour la première évaluation, les propositions techniques ont été évaluées individuellement par des membres d'une équipe d'évaluation composée de trois personnes. Les résultats de ces évaluations individuelles ont été consignés dans des formulaires d'évaluation individuels qui ont été signés et datés par l'évaluateur. Pour la proposition du plaignant, les trois évaluations individuelles ont attribué 40 points pour l'« expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil » et 75 points dans l'ensemble.

36. Malgré la cohérence de la notation, la forme et la teneur des commentaires écrits pour la composante de l'expérience pertinente au critère O1 variaient dans les trois évaluations individuelles. Un évaluateur a simplement précisé le nombre total de mois d'expérience pertinente, un autre a énuméré les projets qui étaient considérés comme de l'expérience pertinente, et le troisième a indiqué que les projets à partir d'un certain point dans la proposition n'avaient pas été comptés parce qu'ils ne constituaient pas de l'expérience d'expert-conseil. Les commentaires écrits à la main par les évaluateurs sur les formulaires d'évaluation individuels sont représentés ci-dessous :

Expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil
Évaluations individuelles Points Commentaires écrits
Évaluateur 1 40 74 mois d'expérience de projet, compte tenu d'un certain chevauchement de projets
Évaluateur 2 40 78 mois – actuel + no 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 15, 17, 19
Évaluateur 3 40 EXPÉRIENCE : de 6 à 8 ans :
40 points À partir du projet 20 à la page 38 du curriculum vitæ, il ne s'agit pas d'expérience d'expert-conseil

37. Dans sa réponse au BOA , le Ministère a affirmé que les évaluations individuelles avaient été suivies d'une évaluation par consensus. La réponse comprenait aussi un document désigné comme le rapport d'évaluation consensuelle, qui comprenait les résultats du consensus général des évaluations techniques. Le rapport d'évaluation consensuelle, datant du 27 juillet 2018, indiquait que la ressource proposée du plaignant avait reçu un total de 75 points, soit 20 de moins que le seuil minimum pour être considéré comme un expert-conseil en processus opérationnels de niveau supérieur. Les commentaires écrits indiquaient ceci [traduction] : « 78 mois d'expérience pertinente, les projets 20 à 23 sont disqualifiés parce qu'ils ne sont pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels ».

38. Le 1er août 2018, le Ministère a communiqué au plaignant les résultats de la première évaluation de sa proposition. Le document envoyé au plaignant ne concordait toutefois pas avec le rapport d'évaluation consensuelle. Même si les résultats indiquaient toujours que 40 points avaient été attribués pour l'expérience pertinente, il y avait des différences quant aux projets jugés non pertinents. Plutôt que de désigner les projets no 20 à 23 comme n'étant pas pertinents, les résultats envoyés au plaignant indiquaient que [traduction] « [l]es projets no 20, 21 (à partir de la page 38 de la proposition technique) ne sont pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels et n'ont pas été comptés ». La réponse du Ministère au BOA ne comportait pas d'explication de la variation entre les deux documents. Le plaignant a affirmé s'être fait dire que « lorsque le formulaire a été rempli, la personne qui le remplissait a inclus simplement ce qui se trouvait devant elle, soit les renseignements que les examinateurs lui avaient donnés ».

39. Le plaignant a examiné les résultats d'évaluation qu'il a reçus et a déterminé que même sans compter les projets no 20 et 21 comme de l'expérience pertinente, sa ressource proposée [traduction] « possédait toujours suffisamment de mois d'expérience pour recevoir les 60 [points] au complet et que le contrat aurait donc dû être attribué en raison de notre prix plus bas ». Le plaignant a ensuite demandé une réunion d'information en personne avec le Ministère afin de passer en revue les résultats d'évaluation et [traduction] « de comprendre la façon dont les calculs étaient faits et les décisions étaient prises ».

40. La réunion d'information a eu lieu le 28 août 2018. À ce moment, le Ministère a révélé que d'autres projets, en plus des projets no 20 et 21, avaient été jugés non pertinents dans la catégorie d'expert-conseil. D'après le résumé de la réunion d'information donné par le plaignant, ce dernier a demandé [traduction] « des documents exposant en détail les projets qui avaient en fait été refusés pendant le processus d'examen initial et les raisons données à ce moment pour leur refus; [toutefois], aucune preuve n'a été produite....Personne dans la salle n'a pu donner de réponse complète ou définitive quant aux projets qui avaient réellement été refusés ou la raison pour laquelle ils l'avaient été. »

41. D'après un courriel ministériel interne, l'autorité contractante n'avait pas tous les détails à propos des projets qui avaient été jugés pertinents et de ceux qui ne l'avaient pas été au moment de la réunion d'information. Dans sa réponse au BOA , le Ministère a affirmé qu'il [traduction] avait « créé une mesure de suivi pour une évaluation de suivi à réaliser et des documents à fournir [au plaignant] avec d'autres détails de l'évaluation et une liste complète des projets inclus et exclus afin de transmettre tous les renseignements essentiels, de dissiper toute confusion et d'assurer l'entière transparence et ouverture du processus d'évaluation ».

42. Le Ministère a réalisé sa deuxième évaluation technique de la proposition du plaignant dans les semaines qui ont suivi la réunion d'information. Cette évaluation a été réalisée par l'autorité contractante et par un autre agent de passation des marchés. Aucune de ces personnes ne faisait partie de l'équipe qui avait réalisé la première évaluation technique. Les résultats de la deuxième évaluation ont été envoyés au plaignant le 21 septembre 2018. Le courriel du Ministère se lisait comme suit :

[Traduction]
Le Ministère a achevé une évaluation approfondie de la proposition. J'ai donc inclus l'évaluation de la grille souple, qui comprend une liste des projets qui ont été inclus et jugés pertinents dans la catégorie d'expert-conseil et de ceux qui ont été exclus ou n'étaient pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil. De plus, j'ai inclus un rapport de résumé d'évaluation qui montrera plus en détail la justification et les raisons pour lesquelles les projets ont été exclus et n'ont pas compté dans l'évaluation. Veuillez passer en revue les renseignements ci joints. N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez des questions ou des préoccupations.

43. Le plaignant a répondu en demandant des éclaircissements sur les résultats de la deuxième évaluation. Par la suite, le 26 septembre 2018, le Ministère a répondu aux questions du plaignant et a précisé les projets qui étaient ou non considérés comme pertinents dans la catégorie d'expert-conseil.

44. Le BOA a examiné le formulaire d'évaluation de la grille souple et le résumé de l'évaluation qui s'y rattachait, rempli par le Ministère. Comparativement à la première évaluation, les commentaires du Ministère présentaient les résultats de la deuxième évaluation de façon plus complète et plus instructive. Le formulaire d'évaluation de la grille souple énumérait tous les projets jugés pertinents et non pertinents dans la catégorie d'expert-conseil. Le résumé de l'évaluation présentait des commentaires expliquant pourquoi le Ministère avait déterminé que six projets (no 13, 16, 18, 20, 22 et 23) n'étaient pas pertinents.

45. Un changement important survenu entre la première évaluation et la deuxième concernait le projet no 21. Même si la première évaluation avait établi que le projet no 21 ne représentait pas de l'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil, la deuxième évaluation avait jugé le projet pertinent. Le Ministère n'a toutefois compté que 29 mois d'expérience pour le projet no 21, qui était d'une durée totale de 66 mois. En réponse aux questions du plaignant concernant la deuxième évaluation, le Ministère a affirmé que [traduction] « le projet 21 a été reconnu comme était pertinent et 29 mois ont été comptés ». Le Ministère n'a pas expliqué pourquoi seulement 29 mois sur 66 ont été comptés.

46. Dans la deuxième évaluation, le Ministère a déterminé que, dans l'ensemble, la proposition démontrait 101 mois d'expérience pertinente dont les 29 mois pour le projet no 21. D'après ce résultat, la note pour l'expérience pertinente a augmenté, passant de 40 à 50 points, et la note totale a été révisée, passant de 75 à 85 points. Il n'y a eu aucun changement aux notes pour les études ou l'attestation professionnelle.

47. Le 5 octobre 2018, le plaignant a envoyé un courriel à l'autorité contractante à propos des résultats de la deuxième évaluation de sa proposition. Le plaignant n'était pas d'accord avec le dénombrement, par le Ministère, de 29 mois d'expérience pour le projet no 21. Le courriel se lisait comme suit :

[Traduction]
Dans notre soumission, nous n'avons déclaré que 29 mois pour le projet no 21 puisque ce projet et le projet no 22 se chevauchaient de 37 mois et que nous déclarions aussi ce projet. Toutefois, le projet 22 a été refusé au motif qu'il n'était pas pertinent, ce qui veut dire qu'il n'y a plus de chevauchement de 37 mois entre les projets no 21 et 22, permettant ainsi de compter les 66 mois au complet du projet no 21 dans le cadre de notre soumission.

48. Le plaignant a affirmé que sa proposition démontrait 138 mois d'expérience pertinente en fonction des projets jugés pertinents par le Ministère, et non 101 mois tel qu'il était indiqué dans la grille souple. Si le Ministère avait effectué le calcul correctement, soutient le plaignant, la ressource proposée de ce dernier aurait reçu le maximum de 60 points pour l'expérience pertinente et 95 points dans l'ensemble. Le courriel faisait aussi état du désaccord du plaignant avec la détermination du Ministère selon laquelle six des autres projets du plaignant ne représentaient pas de l'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels.

49. La réponse du Ministère au BOA indiquait qu'après réception du courriel du plaignant, la haute direction a entrepris une évaluation indépendante de la proposition [traduction] « afin de répondre aux préoccupations soulevées [par le plaignant] à propos du processus ».

50. Dans une lettre datant du 16 octobre 2018, un gestionnaire supérieur ministériel a informé ainsi le plaignant :

[Traduction]
En réponse à votre lettre datant du 5 octobre 2018, la présente lettre vise à confirmer que j'ai examiné le dossier et vos commentaires et que la soumission est toujours jugée non conforme.
N'hésitez pas à communiquer avec moi si vous avez besoin de plus amples renseignements.

51. La lettre ne comportait aucun raisonnement à l'appui de la décision du gestionnaire supérieur. Elle ne mentionnait pas non plus qu'une autre évaluation avait été réalisée. La lettre indiquait plutôt que l'opposition du plaignant avait été transmise à un échelon supérieur et que le gestionnaire supérieur avait confirmé le résultat de la deuxième évaluation.

52. À la suite du lancement de cet examen, la réponse du Ministère au BOA a donné davantage de pistes de réflexion quant aux raisons pour lesquelles le gestionnaire supérieur avait jugé la proposition du plaignant non conforme. Le Ministère a affirmé ceci : [traduction] « À la suite d'un examen approfondi des tâches accomplies dans le cadre des projets 20 et 21 relativement à la catégorie, les deux projets ont été jugés non pertinents, parce que les tâches et les fonctions exécutées dans ce poste ne faisaient pas partie de la portée des tâches d'un expert-conseil en processus opérationnels ». À cet égard, plus précisément, en ce qui concerne la pertinence du projet no 21, le gestionnaire supérieur n'était pas d'accord avec les résultats de la deuxième évaluation.

53. La preuve écrite de la première évaluation n'indiquait pas clairement les projets qui étaient jugés pertinents et ceux qui ne l'étaient pas. Cela semble être la raison pour laquelle le Ministère a réalisé la deuxième évaluation. La preuve écrite de l'examen du gestionnaire supérieur ne comprenait pas non plus d'explications indiquant pourquoi certains projets comptaient et d'autres ne comptaient pas. Seule la deuxième évaluation comportait une preuve écrite suffisante à l'appui de l'évaluation. La documentation de la deuxième évaluation indiquait non seulement les projets jugés pertinents, mais aussi ceux qui n'avaient pas compté comme de l'expérience pertinente, en donnant les raisons de ces décisions.

54. Étant donné que la preuve écrite était insuffisante pour appuyer à la fois la première évaluation et l'examen du gestionnaire supérieur, l'analyse suivante des questions soulevées dans la plainte est fondée sur la deuxième évaluation.

Analyse des questions et constatations

Question 1 – Y-a-t-il eu des erreurs dans le calcul, par le Ministère, des mois d'expérience pertinente d'une ressource proposée

55. Le plaignant a affirmé ce qui suit :

[Traduction]
Le calcul des mois qui nous ont été attribués pour notre soumission comportait au moins une erreur très grave et, apparemment, quelques autres erreurs plus mineures. Même si certaines des erreurs mineures étaient en notre faveur, l'erreur la plus importante nous portait préjudice. Elle se rapportait au dénombrement inexact, par le Ministère, des chevauchements de projets. Plus précisément, le Ministère a retranché par erreur les mois d'un projet accepté qui chevauchaient un projet refusé. Dans notre proposition, nous avions dénombré correctement tous les mois qui se chevauchaient entre les projets que nous présentions pour démontrer notre expérience.

56. La réponse du Ministère au BOA a été la suivante :

[Traduction]
Un élément du calcul des mois d'expérience et du chevauchement entre les projets et la pertinence était l'incohérence des renseignements figurant dans la soumission. Le comité d'évaluation a fait observer que les projets proposés numérotés dans la proposition [du plaignant] (pages 5 à 8) ne correspondaient pas aux numéros de projet figurant dans la proposition technique du soumissionnaire (pages 20 à 43). Le comité d'évaluation a dû tenir compte de cette incohérence de la numérotation des projets, et il a décidé d'utiliser les projets numérotés et mentionnés dans la proposition technique de la page 20 à 43. Cette numérotation de projets et les mois d'expérience mentionnés dans la section 4.0 Critères techniques obligatoires de la proposition étaient incompatibles avec les mentions faites dans d'autres sections de la proposition ainsi qu'avec les dates de projet et le nombre de mois indiqués.

Exigences Question

57. L'engagement du gouvernement du Canada visant à promouvoir l'équité, l'ouverture et la transparence du processus d'appel d'offres est énoncé à l'article 40.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

58. La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (PMCT) renforce l'engagement qui est pris dans la LGFP. La section 10.7.27 de la PMCT indique notamment ceci :

On devrait faire connaître aux entreprises qui présentent des propositions les critères d'évaluation et l'importance accordée à chacun d'eux. … [Les facteurs d'évaluation] ainsi que leur importance relative doivent être fixés au préalable et appliqués avec rigueur. Ils doivent être inclus dans l'appel d'offre au même titre que les exigences à satisfaire. … Il est essentiel de faire preuve d'équité envers tous les soumissionnaires et d'une grande transparence dans le processus de sélection.

59. Les Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels du Guide des clauses et conditions uniformisées d'achat (CCUA) 2003 (2017-04-27) ont été incorporées par renvoi dans la demande de soumissions et en faisaient partie intégrante. Les articles suivants des Instructions uniformisées s'appliquent à la présente affaire :

5.2f) Il appartient au soumissionnaire de fournir une soumission claire et suffisamment détaillée, contenant tous les renseignements demandés concernant les prix, afin de permettre une évaluation complète conformément aux critères établis dans la demande de soumissions.

16.1a) Lorsque le Canada évalue les soumissions, il peut, sans toutefois y être obligé, … demander des précisions ou vérifier l'exactitude de certains renseignements ou de tous les renseignements fournis par les soumissionnaires relatifs à la demande de soumissions.

60. D'après le site Web de l'AMA concernant ProServices, qui était accessible en suivant un lien dans la demande de soumissions :

L'expérience doit être démontrée et directement reliée à la catégorie. Lorsque l'offrant/fournisseur … doit fournir des renseignements sur l'expérience des ressources proposées, il doit donner tous les détails concernant l'endroit, le moment (le mois et l'année) et les moyens (les activités réalisées et les responsabilités assumées) qui ont permis d'acquérir les qualifications ou l'expérience visées. … Les mois d'expérience indiqués pour un projet dont l'échéancier chevauche celui d'un autre projet figurant comme référence ne seront comptés qu'une fois.

Analyse Question

61. La proposition du plaignant faisait référence à l'expérience de projet dans deux endroits. La section 4.0 de la proposition du plaignant présentait un tableau résumant les projets achevés, et l'annexe 5 comprenait des profils de projet plus détaillés.

62. Le tableau à la section 4.0 de la proposition énumérait 19 projets qui, ensemble, indiquaient que la ressource proposée comptait plus de 10 ans (120 mois) d'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil. Pour chaque projet, le tableau précisait :

  • le nom du client
  • le rôle ou le titre de la ressource proposée
  • les dates de début et de fin du projet (mois et année)
  • la durée du projet (nombre de mois)
  • le nombre de mois censés compter comme de l'expérience (N.B. : BOA a fait observer que ce n'était précisé que pour les projets dont la durée chevauchait celle d'un autre projet.)

63. Le tableau renvoyait aussi à l'annexe 5, où plus de détails étaient exposés à propos de l'expérience de projet de la ressource proposée. L'annexe 5 comportait 23 projets numérotés, dont les 19 projets énumérés dans la section 4.0 ainsi que 4 autres. L'annexe 5 comprenait un résumé de projet pour les 23 projets numérotés et une liste de produits livrables et de tâches pour la plupart des projets.

64. Le BOA a observé des incohérences quant à la numérotation des projets dans la proposition du plaignant, tel qu'il avait été mentionné dans la réponse du Ministère. Les numéros de projet dans la section 4.0 ne correspondaient pas aux numéros de projet à l'annexe 5. Cette situation a eu une incidence sur la capacité du Ministère d'effectuer une évaluation selon les critères établis dans la demande de soumissions, au motif que le plaignant n'avait pas fourni de proposition claire, tel qu'il était exigé dans les Instructions uniformisées mentionnées au paragraphe 59. Le Ministère avait l'option, mais non l'obligation, de demander des éclaircissements pour des renseignements de la proposition, dont la numérotation des projets. Il n'a pas demandé de tels éclaircissements au plaignant. Il a plutôt affirmé que l'expérience de la ressource proposée avait été évaluée en fonction des projets no 1 à 23 tels qu'ils étaient décrits à l'annexe 5 (pages 20 à 43) de la proposition.

65. La grille souple de la deuxième évaluation de la proposition du plaignant a montré que 14 des 23 projets numérotés de l'annexe 5 ont compté comme de l'expérience pertinente. L'évaluation a permis de constater que ces projets avaient démontré cumulativement 101 mois d'expérience dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels, soit l'équivalent de 50 points selon le régime de notation décrit dans la demande de soumissions.

66. Le BOA a relevé plusieurs exemples où le Ministère avait correctement tenu compte des chevauchements de projets au moment de calculer les mois d'expérience pertinente. Par exemple, le Ministère a compté les projets no 5 et 6 comme de l'expérience pertinente. Il a inclus la durée complète de quatre mois du projet no 5, mais seulement huit mois sur dix pour le projet no 6 afin de tenir compte du chevauchement de projets. Le BOA a créé le tableau ci dessous pour démontrer la façon dont le Ministère a correctement tenu compte du chevauchement entre les projets no 5 et 6.

Nota : Sans objet dans le tableau ci-dessous renvoie au mois qui est à l’extérieur de la date de début ou de fin de projet.

Chevauchement entre les projets 5 et 6
Numéro de projet Dates de projet Durée en mois Jugé pertinent Mois comptés 2014
Janv Fev Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sep Oct Nov Dec
5 01-2014 à 04-2014 4 Oui 4 1 1 1 1 s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o.
6 03-2014 à 12-2014 10 Oui 8 s.o. s.o. 0 0 1 1 1 1 1 1 1 1

67. Dans un autre exemple, le Ministère avait correctement calculé les mois d'expérience pertinente lorsque deux projets avaient des échéanciers qui se chevauchaient, mais un seul projet a été jugé constituer de l'expérience pertinente. Dans ce cas, le Ministère a établi que le projet no 13 n'était pas pertinent, et il n'a donc pas compté ses sept mois comme de l'expérience. Le projet no 14 et le projet no 13 se chevauchaient; toutefois, les mois d'expérience énumérés pour le projet no 13 n'ont pas compté et les évaluateurs ont inclus correctement les quatre mois complets pour le projet no 14. Cela est représenté dans le tableau suivant, créé par le BOA.

Nota : Sans objet dans le tableau ci-dessous renvoie au mois qui est à l’extérieur de la date de début ou de fin de projet.

Chevauchement entre les projets 13 et 14
Numéro de projet Dates de projet Durée en mois Jugé pertinent Mois comptés 2009
Janv Fev Mars Avril Mai Juin Juil Aout Sept Oct Nov Dec
13 01-2009 à 07-2009 7 Non 0 0 0 0 0 0 0 0 s.o. s.o. s.o. s.o. s.o.
14 01-2009 à 04-2009 4 Oui 4 1 1 1 1 s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o.

68. À l'exception du projet no 21, le Ministère a compté la durée entière de tous les projets jugés pertinents, ou la durée entière moins tout chevauchement avec un autre projet pertinent. Pour le projet no 21, le Ministère n'a compté que 29 des 66 mois du projet. Rien dans la description du projet à l'annexe 5 n'expliquerait pourquoi le Ministère n'a compté que 29 mois. Le Ministère n'a pas non plus expliqué son raisonnement dans les documents fournis au BOA.

69. Le tableau qui figurait dans la section 4.0 de la proposition du plaignant comprenait des dates de début et de fin ainsi qu'une durée (mesurée en nombre de mois) pour chaque projet énuméré. Dans les cas où deux projets se chevauchaient, le plaignant avait aussi précisé le nombre de mois censés compter comme de l'expérience pertinente. Pour le projet no 21 (tel qu'il était numéroté à l'annexe 5), la section 4.0 indiquait de décembre 1999 à mai 2005 (66 mois, 29 dénombrés). Le projet suivant (projet no 22, tel qu'il était numéroté à l'annexe 5) indiquait de septembre 2000 à septembre 2003 (37 mois).

70. Il y avait 29 mois où les projets no 21 et 22 ne se chevauchaient pas. Voilà pourquoi le plaignant n'a déclaré que 29 mois d'expérience pertinente pour le projet no 21, d'après son courriel au Ministère datant du 5 octobre 2018. Le Ministère a toutefois déterminé que le projet no 22 n'était pas pertinent dans la catégorie d'expert-conseil. Ce faisant, il a éliminé la possibilité de compter deux fois les mois de chevauchement entre ces deux projets.

Constatation Question

71. L'ombudsman de l'approvisionnement a constaté que le Ministère a commis une erreur dans le calcul des mois d'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels. Si le Ministère avait compté les 66 mois au complet pour le projet no 21, la ressource proposée du plaignant aurait obtenu 60 points pour l'expérience pertinente et les 95 points exigés pour être considérée comme un expert-conseil en processus opérationnels de niveau supérieur. Cette erreur aurait pu être causée, en partie, par des incohérences entre la section 4.0 et l'annexe 5 dans la proposition du plaignant. Le Ministère aurait pu surmonter ces incohérences en demandant des éclaircissements au plaignant; or il a plutôt choisi d'évaluer l'expérience pertinente en fonction des projets énumérés à l'annexe 5. En fin de compte, le Ministère n'a pas expliqué pourquoi il n'avait pas compté les 66 mois au complet pour le projet no 21 tel qu'il était présenté à l'annexe 5 de la proposition.

Question 2 – Les projets sont-ils été jugés à tort comme n'étant pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil

72. Le plaignant a affirmé ce qui suit :

[Traduction]
[Pendant la réunion d'information], nous avons présenté notre position selon laquelle nous croyions que les projets refusés étaient manifestement pertinents, que leur description dans notre proposition évoquait leur pertinence et qu'ils avaient été systématiquement acceptés comme étant pertinents dans cette catégorie dans la réponse à des DDP [demandes de propositions] quasiment identiques dans cette catégorie par le passé. Nous avons demandé une explication quant à savoir pourquoi ces projets avaient été refusés alors qu'ils semblaient manifestement pertinents dans la catégorie, mais nous n'avons reçu aucune justification claire ou raisonnable de leur refus. On nous a simplement dit que leur pertinence était déterminée à la discrétion de l'examinateur.

Le 21 septembre, [le Ministère] nous a envoyé [les résultats de] sa nouvelle évaluation…. Avec sa liste des projets nouvellement refusés, il avait aussi inclus des justifications des refus. Ces justifications donnaient fortement l'impression qu'au mieux, la pertinence des projets était évaluée uniquement en comparaison avec le titre de la catégorie (Expert-conseil en processus opérationnels) plutôt qu'en comparaison avec les 20 tâches et services individuels qui définissent cette catégorie.

73. La réponse du Ministère au BOA a été la suivante :

[Traduction]
L'agent de passation des marchés et les membres du comité d'évaluation [du Ministère] ont assisté à la réunion d'information, pendant laquelle [le plaignant] a demandé [au Ministère] d'expliquer pourquoi les projets 20 et 21 avaient été rejetés. Le comité d'évaluation a indiqué que ces projets n'étaient pas pertinents, puisque les rôles et les tâches ne faisaient pas partie de la portée du travail d'un expert-conseil en processus opérationnels. [Le plaignant] a soutenu que les tâches étaient pertinentes pour le poste d'expert-conseil en processus opérationnels et que ces projets n'avaient pas été exclus auparavant par d'autres ministères lors d'évaluations passées. [Le Ministère] a expliqué que les autres processus n'étaient pas pertinents au cours de ce processus d'évaluation.

Exigences Question

74. La demande de soumissions indiquait que le Ministère était responsable d'évaluer les propositions afin de déterminer si l'expérience, les études et l'attestation professionnelle des ressources proposées étaient reliées à la catégorie expert-conseil en processus opérationnels.

75. D'après le site Web de l'AMA pour ProServices, l'expérience « doit être démontrée et directement reliée à la catégorie ».

76. Le site Web de l'AMA pour ProServices présente une liste de tous les volets et de toutes les catégories de ProServices. Chaque catégorie comprend une liste non exhaustive de services qui peuvent être requis dans la catégorie de l'expert-conseil. Pour la catégorie 9.5 – Expert-conseil en processus opérationnels, la liste comprend 20 services.

77. Tel qu'il a été mentionné dans la question 1, les Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels du Guide des CCUA 2003 (2017-04-27) ont été incorporées par renvoi dans la demande de soumissions et en font partie intégrante. L'article 19 des Instructions uniformisées va comme suit :

Les documents de demande de soumissions comprennent l'ensemble des exigences se rapportant à la demande de soumissions. Toute autre information ou tout autre document fourni au soumissionnaire ou obtenu par lui auprès de qui que ce soit n'est pas pertinent. Les soumissionnaires ne devraient pas présumer que des pratiques utilisées dans des contrats antérieurs vont continuer, à moins qu'elles soient décrites dans la demande de soumissions. Les soumissionnaires ne devraient pas non plus présumer que leurs capacités actuelles rencontrent les exigences de la demande de soumissions simplement parce qu'elles rencontraient des exigences antérieures.

78. Lors de son examen de l'évaluation de la proposition du plaignant, l'ombudsman de l'approvisionnement est lié au paragraphe 12(2) du Règlement, qui indique ceci : « L'ombudsman de l'approvisionnement ne peut substituer son jugement à celui des personnes ayant participé au processus d'acquisition en cause relativement à l'évaluation de toute soumission, sauf si la preuve écrite établissant l'évaluation est insuffisante ou si l'évaluation est déraisonnable. »

79. Une preuve écrite suffisante a été fournie à l'appui de la deuxième évaluation; toutefois, le caractère raisonnable de l'évaluation par le Ministère de six autres projets, selon laquelle ceux-ci n'étaient pas pertinents dans la catégorie d'expert-conseil, nécessitait une analyse approfondie. Pour déterminer si une évaluation est déraisonnable, l'ombudsman de l'approvisionnement est orienté par la norme d'examen bien établie du Tribunal canadien du commerce extérieur (Tribunal), qui a été présentée ainsi :

Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu'il conclurait qu'une évaluation est déraisonnable et substituerait son jugement à celui des évaluateurs si ceux-ci ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d'un soumissionnaire, n'ont pas tenu compte de renseignements d'importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d'une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n'ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure.

Analyse Question

80. La deuxième évaluation par le Ministère a révélé que neuf des projets numérotés de l'annexe 5 de la proposition ne donnaient pas d'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels. Dans son courriel au Ministère du 5 octobre 2018, le plaignant a indiqué que trois de ces projets (no 1, 7 et 11) n'avaient pas été présentés comme étant pertinents. Par conséquent, le BOA a limité son analyse aux six projets (no 13, 16, 18, 20, 22 et 23) qui n'avaient pas été comptés comme étant pertinents par le Ministère et que le plaignant avait effectivement présentés comme de l'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil.

Résultats de demandes de soumissions antérieures

81. Même si le plaignant a indiqué que les projets rejetés de sa proposition [traduction] « avaient été systématiquement acceptés comme étant pertinents … dans cette catégorie dans le passé », les Instructions uniformisées mentionnées dans le paragraphe 77 informaient les fournisseurs qu'ils « ne devraient pas présumer que des pratiques utilisées dans des contrats antérieurs vont continuer ». Les résultats d'évaluation de demandes de soumissions antérieures, dont ceux des demandes de soumissions antérieures visées par cet AMA, ne pouvaient influencer l'évaluation des propositions dans le cadre de cette demande de soumissions.

Caractère raisonnable du fait de considérer les six projets comme non pertinents

82. À la suite de la deuxième évaluation, le Ministère a fourni des commentaires écrits au plaignant afin d'expliquer sa décision de ne pas compter les six projets mentionnés dans le paragraphe 80 comme étant de l'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil. Le résumé de l'évaluation préparé par les évaluateurs expliquait les raisons pour lesquelles ces derniers n'ont pas compté ces six projets, et le formulaire d'évaluation de la grille souple comprenait une liste complète des résultats d'évaluation pour les 23 projets numérotés de la proposition du plaignant. La documentation de la deuxième évaluation ne montrait pas que les évaluateurs ne s'étaient pas appliqués ou avaient passé outre des renseignements essentiels figurant dans la proposition.

83. Il se dégageait dans les commentaires écrits des évaluateurs un thème commun à cinq des six projets qui n'étaient pas comptés comme de l'expérience pertinente. Pour ces cinq projets (no 16, 18, 20, 22 et 23), les évaluateurs ont déterminé que les travaux accomplis n'étaient pas directement liés aux services qui définissent la catégorie de ressource. Ce raisonnement montrait que les évaluateurs avaient correctement interprété la portée du besoin.

84. Toutefois, les raisons données pour ne pas compter le projet no 13 étaient incompatibles avec la portée des services pour la catégorie d'expert-conseil en processus opérationnels sur le site Web de l'AMA pour ProServices. Au moment d'expliquer la raison pour laquelle le projet no 13 n'avait pas été compté, les évaluateurs ont affirmé l'avoir [traduction] « lié à l'examen, par un expert-conseil, d'un modèle opérationnel déjà établi et à la surveillance de la stratégie de planification et de perfectionnement des RH … ». Pourtant, la portée des services des experts conseils en processus opérationnels trouvée sur le site Web de l'AMA pour ProServices comprend « réviser les méthodes de travail et la structure organisationnelle en place » et « donner des conseils aux groupes des systèmes des ressources humaines et des technologies de l'information (TI) sur les exigences en matière de discipline ». Si le projet no 13 avait été compté comme de l'expérience pertinente, après avoir tenu compte du chevauchement de projets, la ressource proposée du plaignant aurait reçu trois mois de plus d'expérience. Cela n'aurait eu aucune incidence sur le nombre de points attribués.

85. La demande de soumissions ne comprenait qu'un critère technique obligatoire, O1, qui englobait trois composantes : les études, l'attestation professionnelle et l'expérience pertinentes. Les évaluateurs ont fondé leur évaluation sur le critère O1 de la façon décrite dans la demande de soumissions. Il n'y avait aucune preuve selon laquelle des critères non divulgués auraient été appliqués pendant l'évaluation de la proposition du plaignant.

86. À la réunion d'information suivant la première évaluation de la proposition du plaignant, le Ministère a été incapable d'expliquer entièrement les résultats d'évaluation. La deuxième évaluation a été ordonnée par le Ministère dans le but d'accroître la transparence et l'ouverture du processus d'évaluation. Même si les évaluations ne sont pas habituellement effectuées après l'attribution des contrats, les éléments de preuve n'indiquent pas que les évaluateurs auraient mené l'évaluation d'une façon inéquitable sur le plan procédural.

Constatation Question

87. Le BOA a constaté que la preuve écrite était suffisante pour appuyer la deuxième évaluation, par le Ministère, de la proposition du plaignant. De plus, à l'exception de l'évaluation du projet no 13, l'évaluation n'a pas été jugée déraisonnable. L'ombudsman de l'approvisionnement ne substituera pas son opinion au jugement des évaluateurs pour cinq des six projets considérés comme étant dépourvus d'expérience pertinente dans la catégorie d'expert-conseil. L'évaluation du projet no 13 a été jugée déraisonnable, et la ressource proposée du plaignant aurait donc dû recevoir trois mois de plus d'expérience pertinente. Ces trois mois de plus n'auraient pas eu d'incidence sur le nombre de points attribués.

Conclusion

88. Le Ministère a commis une erreur dans le calcul du nombre total de mois de l'expérience pertinente de la ressource proposée du plaignant dans la catégorie des experts conseils en processus opérationnels. La ressource proposée aurait été considérée comme un expert-conseil en processus opérationnels de niveau supérieur si le Ministère avait correctement tenu compte du chevauchement de projets. On aurait donc dû recommander le plaignant pour l'attribution du contrat en tant que soumissionnaire qui a déposé une soumission recevable au prix le plus bas.

Indemnité

89. Afin de recommander le versement d'une indemnité au plaignant, le paragraphe 13(2) du Règlement exige ce qui suit :

Si un appel d'offres a été lancé, le plaignant doit avoir soumissionné à l'égard du marché de l'État visé par la plainte, à moins qu'il n'ait pu le faire en raison des actions du ministère contractant.

90. Étant donné qu'un appel d'offres a été lancé et que le plaignant a présenté une proposition, l'ombudsman peut recommander le versement d'une indemnité conformément au paragraphe 13(1) du Règlement.

Recommandation

91. Conformément au paragraphe 13(1) du Règlement, l'ombudsman de l'approvisionnement recommande que le Ministère verse au plaignant une indemnité d'un montant correspondant à 10 % de la valeur du contrat attribué. L'ombudsman de l'approvisionnement recommande que le Ministère paie le montant suivant : 5 284 $.

Autres observations

92. Conformément au paragraphe 12(1) du Règlement, l'ombudsman de l'approvisionnement doit tenir compte de tous les facteurs pertinents liés au processus d'approvisionnement en question lors de l'examen d'une plainte.

93. Le BOA a observé un autre problème concernant la grille souple utilisée dans la demande de soumissions.

94. Le site Web de l'AMA pour ProServices présente des exigences obligatoires pour les ministères en ce qui concerne l'utilisation de grilles souples dans les demandes de soumissions qui sont lancées au moyen de l'outil, comme suit :

Chaque volet de services a sa propre grille souple distincte. La grille souple mentionne le niveau de point[s] minimum requis pour se qualifier pour chaque niveau d'expertise. Différente[s] quantité[s] de points sont alloué[e]s pour les études pertinentes, [l']attestation professionnelle et [l']expérience pertinente. Cette grille souple doit être utilisée pour toutes les catégories faisant partie d'un volet, à moins d'indication contraire.

95. La demande de soumissions comprenait à tort la grille souple de l'AMA pour ProServices concernant des besoins appartenant au volet 8 – Services aux ressources humaines. Pour les besoins appartenant à la catégorie 9.5 – Expert-conseil en processus opérationnels, le Ministère devait utiliser la grille souple pour le volet 9 – Services conseils en affaires et services de gestion du changement.

96. Par chance, les différences entre la grille souple du volet 8 et celle du volet 9 ne semblent pas avoir influencé les résultats de cette demande de soumissions; par contre, tel ne serait pas toujours le cas. Vu le grand nombre de volets et de catégories de l'AMA pour ProServices, les ministères doivent être attentifs au moment de sélectionner la grille souple appropriée.

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