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Acquisition de mobilier de bureau par le ministère de la Défense nationale

Juillet 2025

Courrier :

Bureau de l’ombud de l’approvisionnement
400-410 avenue Laurier Ouest Ottawa, Ontario (ON) K1R 1B7

Numéro sans frais :
1‑866‑734‑5169
Numéro de téléimprimeur :
1‑800‑926‑9105
Adresse courriel :
ombudsman@opo-boa.gc.ca
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Numéro de catalogue : P114-37/2025F-PDF

Numéro international normalisé du livre (ISBN) : 978-0-660-78202-7

Sommaire

Sur cette page

La plainte

1. Le 30 janvier 2025, le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite d’un fournisseur (le plaignant) concernant un contrat attribué par le ministère de la Défense nationale (MDN). Le contrat concernait l’approvisionnement, la livraison et l’installation de mobilier de bureau et a été attribué en vertu de l’arrangement en matière d’approvisionnement (AMA) numéro E60PQ120001/PQ ou E60PQ-140003/PQ établi par Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) lié au mobilier pour les fauteuils de bureau ou les espaces de travail. Le contrat a été attribué le 21 janvier 2025 et a été évalué à 25 471,68 $ (hors taxes).

2. Le plaignant a communiqué avec le BOA pour l’informer qu’il croyait que les évaluateurs du MDN avaient mal évalué sa soumission en déterminant que celle-ci était non conforme parce qu’il ne pouvait pas garantir la livraison à la date exigée.

« … le ministère a demandé si les produits indiqués dans l’appel pouvaient être livrés d’ici le 13 mars 2025. Puisque nous n’avions aucune garantie quant à notre obtention du contrat et du moment où nous recevrions celui-ci […] nous avons répondu ce qui suit : « Nos délais d’exécution sont d’environ 6 à 10 semaines à partir du moment où la commande est passée ». Nous croyons comprendre que, pour cette raison, nous avons été disqualifiés […]. Les délais d’exécution standard dans l’industrie sont d’environ 6 à 10 semaines ».

3. Dans sa plainte, le plaignant a soulevé les questions suivantes :

  1. Le critère technique obligatoire (O2) pour la date d’achèvement des travaux était-il déraisonnable ?
  2. Le ministère de la Défense nationale (MDN) a-t-il correctement évalué la proposition du plaignant par rapport au critère technique obligatoire O2 et le processus utilisé pour modifier le critère O2 était-il équitable, ouvert et transparent ?

4. Le 6 février 2025, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (le Règlement) et elle a été considérée comme déposée.

Mandat

5. L’examen de la plainte a été mené en vertu de l’alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et des articles 7 à 14 du Règlement.

6. Conformément au paragraphe 9(2) du Règlement, l’ombud de l’approvisionnement a demandé au MDN de lui fournir tous les documents ministériels liés au processus d’approvisionnement et à l’attribution du contrat en question ainsi que les politiques et les lignes directrices du MDN en matière d’approvisionnement qui étaient en vigueur au moment de la demande de soumissions. L’ombud de l’approvisionnement a également demandé au plaignant de lui transmettre tout renseignement supplémentaire n’ayant pas déjà été fourni dans le cadre de la plainte.

7. La chronologie des événements et les constatations du présent rapport sont fondées sur les documents fournis par le plaignant et le MDN ainsi que sur des renseignements pertinents accessibles au public. Elles pourraient donc être faussées si le plaignant ou le MDN a omis de divulguer des documents ou des renseignements d’intérêt.

Chronologie des événements

8. Le 22 novembre 2024, le MDN a lancé une demande de propositions (DP) par l’intermédiaire du Service électronique d’appels d’offres du gouvernement (SEAOG) qui se trouve sur le site AchatsCanada. L’appel d’offres était ouvert aux titulaires d’AMA admissibles de SPAC pour les fauteuils de bureau et les espaces de travail. Les soumissionnaires devaient satisfaire à 2 critères obligatoires et soumettre leur proposition de prix. La soumission comportant le prix le plus bas et conforme aux critères obligatoires serait recommandée pour l’attribution du contrat. Tous les travaux (livraison et installation) devaient être achevés d’ici le 31 janvier 2025.

9. Au départ, l’échéance pour la présentation des soumissions était le 5 décembre 2024. Toutefois, cette échéance a été prolongée au 11 décembre 2024. Le MDN a reçu 3 soumissions, dont celle du plaignant.

10. Le 7 janvier 2025, le MDN a envoyé un courriel aux 3 soumissionnaires pour leur demander des renseignements supplémentaires concernant leur soumission. Dans le courriel, on a également demandé aux soumissionnaires de confirmer s’ils pouvaient respecter la nouvelle date de livraison du 13 mars 2025 pour tous les articles demandés. Les 3 soumissionnaires avaient jusqu’au 13 janvier à 14 h pour fournir les renseignements demandés.

11. Le 13 janvier 2025, seulement 2 des 3 soumissionnaires avaient répondu à la demande du MDN (dont le plaignant). Le soumissionnaire qui n’a pas fourni de réponse a été jugé non recevable.

12. Le 13 janvier 2025, en ce qui concerne la nouvelle date de livraison, le plaignant a répondu : « Nos délais sont d’environ 6 à 10 semaines à compter du moment où la commande est passée ».

13. Le 20 janvier 2025, les évaluations individuelles étaient terminées. Le 21 janvier 2025, le MDN a attribué le contrat à l’autre soumissionnaire recevable.

14. Le 27 janvier 2025, une lettre de regret a été envoyée au plaignant, l’informant que sa soumission n’était pas conforme « car la livraison des biens ne pouvait pas être garantie avant le 13 mars 2025 ».

15. Le 27 janvier 2025, le plaignant a répondu au MDN et a déclaré que son délai d’exécution était standard et a demandé au MDN de confirmer que c’était le motif de sa disqualification.

16. Le 29 janvier 2025, le MDN a répondu au plaignant par courriel officiel indiquant : « Des délais d’environ 6 à 10 semaines ne confirment pas que la date de livraison du 13 mars peut être respectée. Il n’y avait pas d’autre référence, référence B ou référence D, pour confirmer la date du 13 mars 2025. Par conséquent, les critères obligatoires critiques n’ont pas été respectés parce que le fournisseur n’a pas pu confirmer que tous les travaux seraient achevés d’ici le 13 mars 2025. À titre de remarque, la « référence B » se rapportait à la soumission technique du plaignant et la « référence D », à la réponse du plaignant au MDN datée du 13 janvier.

17. Le 30 janvier 2025, le BOA a reçu la plainte écrite.

18. Le 19 février 2025, le BOA a informé le MDN et le plaignant qu’il avait lancé un examen de la plainte.

Analyse des questions et constatations

Question 1 : Le critère technique obligatoire (O2) pour la date d’achèvement des travaux était-il déraisonnable ?

19. À ce propos, le plaignant a affirmé ce qui suit :

« Lors de l’évaluation du 7 janvier 2025, le ministère a demandé si les produits indiqués dans l’appel d’offres pouvaient être livrés d’ici le 13 mars 2025. » Puisque nous n’avons aucune garantie quant à notre obtention du contrat, du moment de notre réception de celui-ci et du délai d’exécution requis afin de passer la commande pour commencer la production (si nous obtenions le contrat). Nous avons répondu : « Nos délais de livraison sont d’environ 6 à 10 semaines à partir du moment où la commande est passée ». Nous croyons comprendre que pour cette raison, nous avons été disqualifiés. Au sein de notre industrie, la réponse naturelle est qu’il n’est pas rare de recevoir tous les renseignements nécessaires pour passer une commande un mois après l’attribution d’un contrat. Si cela avait été le cas, devrions-nous encore livrer le produit dans un délai de 3 semaines ? Serions-nous alors considérés comme étant en situation de rupture de contrat si nous ne pouvions pas respecter l’échéance du 13 mars, même si nous avons accepté cette date ? (dans cette industrie, la norme en matière de délais d’exécution est de 6 à 10 semaines). »

20. Dans sa réponse au BOA, le MDN a déclaré ce qui suit :

« On a déterminé qu’il [le plaignant] était non conforme parce qu’il a assorti une condition à sa proposition, une fourchette pour la date de livraison, alors que le Canada avait indiqué par courriel une nouvelle date de livraison pour l’exigence, soit au plus tard le 13 mars 2025. Le plaignant n’a pas répondu qu’il accepterait la nouvelle date d’échéance fixée. Au lieu de cela, il [le plaignant] a choisi d’offrir une fourchette de dates qui s’étendait au-delà de la date du 13 mars. Ce n’est pas acceptable.

S’il [le plaignant] ne comprenait pas le contenu du courriel, il lui incombait de demander des éclaircissements à ce moment-là. Au lieu de cela, le plaignant a pris la décision d’affaires de fournir une réponse à la soumission qui comprenait une plage de dates, ce qui est une proposition assortie de conditions. Il ne s’agit pas d’une réponse standard dans un processus d’appel d’offres, comme l’a déclaré le plaignant. Le plaignant n’a pas soulevé cette préoccupation dans sa réponse initiale à la soumission, pour la période d’appel d’offres se terminant le 11 décembre 2024. À ce moment-là, leur soumission n’était assortie d’aucune condition.

Le Canada n’est pas tenu de modifier davantage le processus d’appel d’offres pour permettre une plage de dates ou de prolonger la période d’exécution du contrat pour convenir à un seul soumissionnaire. Le plaignant a donc été déclaré non conforme.

Compte tenu de la complexité relativement faible de l’exigence, les soumissionnaires devaient respecter l’échéancier du 13 mars. Au début du mois de janvier, le processus d’évaluation, de sélection et d’attribution était bien entamé et l’attribution du contrat était prévue avant la fin janvier (elle a eu lieu le 21 janvier). Si un fournisseur répondant se voit attribuer un contrat et qu’il se produit un retard indépendant de sa volonté au cours de la phase opérationnelle, les raisons du retard seraient examinées par l’État, lequel a le pouvoir exclusif de réviser une date de livraison finale et peut-être de demander une prise en considération de ces raisons. Les raisons du retard doivent être acceptables pour l’État. Cette question est traitée dans les modalités du contrat.

Les soumissionnaires doivent fixer le prix de l’exigence, y compris les facteurs de coûts liés à la livraison et à l’installation. L’État ne peut pas accepter des modifications unilatérales de la part des soumissionnaires. Cela signifierait qu’un soumissionnaire retenu pourrait choisir de retarder intentionnellement la livraison et l’installation. Une entreprise pourrait soumissionner à un prix, puis, après l’attribution du contrat, changer sa source d’approvisionnement prévue pour une autre source connue pour être moins coûteuse, mais nécessitant des délais beaucoup plus longs. Cela aurait pour effet d’augmenter les marges de profit des fournisseurs en leur permettant de retarder intentionnellement la livraison au-delà de l’exigence définie dans la DP, telle que fixée par les concurrents. C’est inacceptable, car cela affaiblit les principaux fondements d’un processus d’approvisionnement défini. »

Analyse—Question 1

21. La Directive sur la gestion de l’approvisionnement (DGA) indique ce qui suit en ce qui concerne l’élaboration des critères d’évaluation :

4.2 Les propriétaires fonctionnels ont les responsabilités suivantes :
[…]
4.2.3.4 définir clairement les énoncés des travaux et les critères d’évaluation technique.

4.5 Les autorités contractantes ont les responsabilités suivantes :
[…]
4.5.8 limiter le nombre de critères techniques obligatoires à ceux jugés être des exigences essentielles pour obtenir les résultats escomptés et s’assurer qu’aucune soumission n’est rejetée inutilement.

22. Le critère technique obligatoire O2 était le suivant :

O2 : Le fournisseur doit confirmer que tous les travaux seront achevés au plus tard le 31 janvier 2025.

23. Ce critère a ensuite été révisé lors de la phase d’évaluation des soumissions afin d’exiger que les travaux soient achevés au plus tard le 13 mars 2025.

24. Selon le libellé du critère O2 (date de livraison initiale ou révisée), le fournisseur devait explicitement et obligatoirement confirmer dans sa soumission que l’approvisionnement, la livraison et l’installation de l’équipement de bureau seraient achevés à la date de livraison précisée afin que sa soumission soit jugée conforme à ce critère.

25. La présente plainte porte sur l’existence et le caractère raisonnable d’une date de livraison précise comme critère obligatoire, étant donné qu’il n’y avait pas d’engagement du ministère quant au moment où une décision d’attribution de contrat serait prise. Le plaignant soutient que sa capacité de s’engager à une telle date de livraison a été affectée par le délai d’exécution nécessaire pour commander les biens, ce qu’il ne ferait que si, et quand, le contrat lui était attribué. Sans connaître les résultats de la décision d’attribution du contrat, le plaignant n’a pas été en mesure de confirmer que les travaux seraient achevés à la date de livraison souhaitée par le MDN.

26. Les entités contractantes (dans ce cas-ci, le MDN) ont le droit de déterminer les exigences opérationnelles, y compris les échéanciers de livraison, et d’élaborer des critères d’évaluation obligatoires pour refléter ces besoins, à condition que cela soit fait dans une optique raisonnable.

27. Dans sa décision de mai 2021 dans l’affaire Luminaction Inc. c. SPAC (PR-2020-084, paragraphes 59 et 60), le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a noté que les entités contractantes possèdent « le pouvoir discrétionnaire de définir les modalités d’une DP afin de répondre à des besoins opérationnels légitimes, pourvu que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé de façon raisonnable. Ce pouvoir s’étend à la prescription d’exigences techniques obligatoires concernant les biens et les services faisant l’objet du contrat, y compris les délais de livraison […] le gouvernement n’est pas tenu d’adapter ses exigences pour tenir compte de la situation de chaque soumissionnaire potentiel, comme pour les délais de livraison […] Autrement, il ne serait jamais possible de se procurer un produit de manière urgente. »

28. Dans sa décision de mai 2016 dans l’affaire Dominion Diving Inc. c. SPAC (PR-2015-048, paragraphe 49), le TCCE a déclaré qu’« il […] incombe au soumissionnaire qui juge qu’une exigence est déraisonnable de prendre des mesures pour obtenir réparation […] ».

29. La DP a été publiée sur AchatsCanada le 22 novembre 2024 avec une date de clôture du 5 décembre 2024, laquelle a ensuite été reportée au 11 décembre 2024. La date précisée pour la livraison et l’installation du mobilier de bureau était le 31 janvier 2025 (environ 7,5 semaines à compter de la date de clôture de la période de soumissions). Alors, à la nouvelle date limite du 13 janvier 2025, les soumissionnaires devaient confirmer qu’ils pouvaient respecter la date de livraison et d’installation modifiée du 13 mars 2025 (environ 8,5 semaines après la date de clôture).

30. Le respect du critère est binaire et, par conséquent, objectif. Compte tenu de la faible complexité de l’exigence, ce délai ne semble pas déraisonnable et n’a pas été signalé comme tel par les fournisseurs au cours du processus de demande de soumissions. Aucune preuve ne démontrait que les fournisseurs avaient soulevé des préoccupations au MDN au sujet de la date limite du 31 janvier, de sorte qu’on ne peut pas conclure que le MDN était au courant ou aurait dû savoir que les soumissionnaires pourraient avoir de la difficulté à se procurer les produits nécessaires en respectant cet échéancier ou l’échéancier révisé et plus éloigné du 13 mars. Le BOA n’a trouvé aucune preuve démontrant que cette exigence n’était pas une exigence opérationnelle légitime pour le MDN.

31. Même si les fournisseurs avaient soulevé de telles préoccupations, cela n’aurait pas nécessairement fait en sorte que le MDN soit obligé de changer la date—seulement que le MDN aurait pu envisager de revoir la date à la lumière d’un champ concurrentiel potentiellement restreint ou de reformuler le critère pour stipuler que l’achèvement des travaux serait prévu dans un certain délai à compter de l’attribution du contrat. Bien que certains fournisseurs aient pu juger que cette dernière stratégie était préférable, puisqu’elle pourrait aider à soutenir leurs stratégies d’approvisionnement, c’est au MDN qu’il incombe d’établir les exigences en fonction des besoins opérationnels.

32. Ce critère, bien qu’il soit admissible en tant que besoin opérationnel, n’a peut-être pas été un moyen efficace pour le MDN d’obtenir les travaux achevés à la date souhaitée. Premièrement, pour respecter le critère O2 tel qu’il est libellé, les soumissionnaires n’avaient qu’à confirmer que les travaux seraient achevés à la date future fixée dans ce critère, et non de garantir que ces travaux seraient achevés en respectant cette échéance. Les engagements à l’égard des attentes futures ne peuvent pas être vérifiés en avance pendant le processus d’évaluation. De plus, les soumissionnaires qui ont fourni cette confirmation seraient jugés conformes à ce critère. Cependant, cet énoncé n’exige aucune preuve immédiate de leur capacité à livrer les produits. De plus, la livraison réelle est un problème abordé à l’étape de l’administration du contrat, et non à l’étape de l’attribution de celui-ci.

33. En outre, ce critère, tel qu’il est rédigé, peut également avoir créé des défis pour les fournisseurs en raison de facteurs indépendants de leur volonté. Par exemple, le MDN aurait pu attribuer le contrat le 30 janvier et, selon le libellé du critère, fixer au lendemain la livraison et l’installation exigées (une attente évidemment irréaliste). Cependant, de manière plus réaliste dans ce scénario, les ministères peuvent choisir de simplement modifier la date de livraison une fois le contrat attribué. La modification d’une date de livraison obligatoire après l’attribution d’un contrat soulève des préoccupations quant à l’équité du processus d’approvisionnement, car la date de livraison ferme étant un critère obligatoire aurait pu disqualifier des soumissionnaires autrement qualifiés ou les décourager de soumissionner, ce qu’ils auraient fait s’ils avaient connu la date de livraison révisée.

34. Pour ces raisons, les ministères sont mis en garde contre l’intégration de dates de livraison, fermes, telles que le 31 janvier ou le 13 mars, dans les critères d’évaluation, en particulier dans les cas où le contrat peut ne pas être attribué en temps opportun. En pareil cas, il serait préférable d’indiquer que la livraison est exigée dans les X jours suivant l’attribution du contrat.

35. Pour leur part, les fournisseurs sont avertis qu’ils ont l’obligation positive, s’ils ont des préoccupations, de poser des questions avant la clôture de la période de soumissions. Dans sa décision rendue en juillet 2014 dans l’affaire StenoTran Services Inc. c. Service administratif des tribunaux de justice (SATJ) (PR-2013-046, paragraphe 64), le TCCE a déclaré que « Si StenoTran doutait que les exigences soient réalistes, elle aurait dû poser des questions au SATJ avant de présenter sa soumission ».

Constatation—Question 1

36. L’ombud de l’approvisionnement a conclu que l’exigence du critère technique obligatoire O2, selon laquelle les soumissionnaires doivent confirmer que tous les travaux seraient achevés à une date précise, n’était pas déraisonnable, car elle était binaire et donc objective, n’était pas impossible à respecter et semblait refléter une exigence opérationnelle légitime.

Question 2 : Le ministère de la Défense nationale (MDN) a-t-il correctement évalué la proposition du plaignant par rapport au critère technique obligatoire O2 et le processus utilisé pour modifier le critère O2 était-il équitable, ouvert et transparent ?

37. Concernant les critères d’évaluation au cours du processus de demande et d’évaluation des soumissions, la Directive stipule ce qui suit :

4.3 Les autorités contractantes ont les responsabilités suivantes :
4.3.1 exécuter la fonction d’approvisionnement au nom du ministère ou de l’organisme et établir des contrats et des ententes contractuelles fondés sur des principes solides en matière d’approvisionnement, notamment l’équité, l’ouverture et la transparence, afin d’obtenir l’optimisation des ressources ;

De plus,

4.5 Les autorités contractantes ont les responsabilités suivantes :
[…]
4.5.7 concevoir et mener à bien le processus d’évaluation des soumissions et l’évaluation financière, et faire preuve de diligence raisonnable;

38. Le Manuel d’administration de l’approvisionnement (MAA) du MDN stipule à l’article 3.3.9.8 que les autorités contractantes sont responsables de s’assurer que le responsable technique (RT) évalue toutes les soumissions reçues par rapport aux exigences et à tous les critères d’évaluation qui ont été fournis dans la méthode de la demande de soumissions, à l’exception de l’évaluation financière.

39. Le MAA du MDN indique également à l’alinéa 3.3.4.5(b)(i) que, pour l’évaluation des propositions de DP publiées conformément à un AMA, le RT effectue l’évaluation en fonction des critères publiés dans le document d’arrangement en matière d’approvisionnement et de demande de soumissions.

40. De plus, en ce qui concerne la gestion des questions et réponses pendant la phase de demande de soumissions, le MAA du MDN stipule à l’alinéa 7.3.6.2 c) que tout renseignement communiqué à un fournisseur concernant un projet de marché à l’égard d’un marché proposé doit également être communiqué à tous les fournisseurs suffisamment à l’avance pour que ces derniers puissent en tenir compte et répondre à la demande de soumissions.

Analyse—Question 2

41. La DP a été publiée sur AchatsCanada le 22 novembre 2024 et comprenait 2 critères techniques obligatoires :

O1 : Le fournisseur doit être en mesure de fournir et d’installer tous les articles demandés.
O2 : Le fournisseur doit confirmer que tous les travaux seront achevés au plus tard le 31 janvier 2025.

42. Comme indiqué précédemment, la date de clôture de la période de soumissions était le 11 décembre 2024 et 3 soumissions ont été reçues.

43. Le 7 janvier 2025, l’autorité contractante du MDN a envoyé un courriel aux 3 soumissionnaires pour leur demander des renseignements supplémentaires et a indiqué une nouvelle date de livraison :

« La nouvelle date de livraison requise sera le 13 mars 2025. Vous devez confirmer que vous pouvez respecter cette date pour tous les articles demandés. »

44. 1 des 3 soumissionnaires n’a pas répondu au courriel et sa soumission a donc été jugée non recevable. Le plaignant a répondu : « Nos délais d’exécution sont d’environ 6 à 10 semaines à partir du moment où la commande est passée », ce qui n’a pas confirmé sa capacité à terminer les travaux avant la date limite révisée du 13 mars 2025. Ainsi, il a été jugé non conforme au critère obligatoire O2. L’autre soumissionnaire a été jugé conforme au critère obligatoire O2 et s’est vu attribuer le contrat.

45. Dans sa réponse au BOA concernant cette plainte, le MDN a déclaré ce qui suit :

« On a déterminé qu’il [le plaignant] était non conforme parce qu’il a assorti une condition à sa proposition, une fourchette pour la date de livraison, alors que le Canada avait indiqué par courriel une nouvelle date de livraison pour l’exigence, soit au plus tard le 13 mars 2025. Le plaignant n’a pas répondu qu’il accepterait la nouvelle date d’échéance fixée. Au lieu de cela, il [le plaignant] a choisi d’offrir une fourchette de dates qui s’étendait au-delà de la date du 13 mars. Ce n’est pas acceptable. »

46. Les évaluations individuelles au dossier faisaient également référence à la réponse du plaignant au sujet de l’échéance du 13 mars 2025 et à la confirmation du plaignant que le délai d’exécution requis serait d’« environ 6 à 10 semaines » comme raison de son exclusion.

47. Dans sa décision de décembre 2015 dans l’affaire Tektronix Canada Inc. c. SPAC (PR-2015-041, paragraphe 16), le TCCE a déclaré : « Pour sa part, l’institution fédérale est tenue, lorsqu’elle évalue une soumission, de s’assurer que cette dernière satisfait entièrement et strictement aux exigences obligatoires énoncées dans les documents d’appel d’offres. » Le TCCE a ajouté (au paragraphe 17) que « si la soumission n’est pas conforme aux exigences, l’institution fédérale n’a donc d’autre choix que de déclarer la soumission non conforme. » Par conséquent, la soumission du plaignant en réponse à la date de livraison révisée du 13 mars 2025 ne respectait pas strictement le critère O2 en fonction de cette révision et le ministère n’a pas eu d’autre choix que de déclarer cette soumission non conforme.

48. Cependant, le MDN a modifié le critère technique obligatoire O2 après la clôture des soumissions le 11 décembre 2024. Bien que le MDN aurait pu apporter le changement au moyen d’une modification de l’appel d’offres avant la clôture de la période de soumissions, le fait d’effectuer celle-ci après la clôture de la période de soumissions a entraîné la création d’un nouveau critère obligatoire qui exigeait le ministère à annuler l’appel d’offres et à en émettre un nouveau à tous les titulaires d’AMA qualifiés. Das ce cas, modifier le critère O2 après la clôture de la période de soumissions et n’informer que 3 titulaires d’AMA qualifiés signifiait que le processus n’avait pas fait l’objet d’une concurrence ouverte et qu’il était injuste pour les autres titulaires d’AMA qualifiés qui aurait pu décider de présenter une soumission s’ils avaient été mis au courant de la nouvelle date de livraison.

49. Comme l’a fait remarquer le TCCE dans l’affaire Luminaction susmentionnée (PR-2020-084, paragraphe 49), « L’objectif d’un marché public équitable et transparent est atteint par un processus dans le cadre duquel les mêmes règles s’appliquent uniformément à tous les soumissionnaires. Les règles qui régissent l’appel d’offres sont établies à l’avance, de sorte que tous les soumissionnaires potentiels les connaissent. Cela ne se produit pas lorsque les critères d’évaluation sont, pour des raisons pratiques, modifiés ou reformulés par les évaluateurs après la clôture de l’appel d’offres. »

50. En raison de la valeur estimative du contrat, l’approvisionnement a dû être affiché sur AchatsCanada afin que tous les titulaires d’AMA répondant aux exigences du MDN aient la possibilité de présenter une soumission. Les fournisseurs qui n’ont pas présenté de soumission en raison de la date de livraison initiale du 31 janvier 2025 auraient pu participer en fonction de la nouvelle date du 13 mars 2025, si cette dernière avait été la date de livraison et d’installation initiale.

51. Pour garantir l’équité du processus concurrentiel, il faut indiquer aux fournisseurs les critères en fonction desquels ils doivent être évalués. De plus, les modifications aux critères obligatoires ne doivent être apportées qu’au cours de la période d’appel d’offres et de manière à ce que tous les soumissionnaires potentiels soient informés d’une façon équitable et transparente. Cette façon de procéder permet aux soumissionnaires de prendre des décisions éclairées quant à leur participation ou non au processus d’approvisionnement, aide à appuyer la présentation de soumissions recevables et garantit l’utilisation de règles équitables pour tous les soumissionnaires.

Constatations—Question 2

52. L’ombud de l’approvisionnement a conclu que le MDN n’avait pas évalué correctement la demande du plaignant par rapport au critère technique obligatoire O2 puisque le processus suivi par le MDN pour modifier le critère obligatoire O2 après la clôture de la période de soumission n’était pas conforme aux normes d’équité, d’ouverture et de transparence. Le nouveau processus (c.-à-d. exiger la conformité rigoureuse à la nouvelle date de livraison après la clôture de la période de soumission) et la raison de la modification n’ont pas été communiqués aux soumissionnaires actuels de façon claire et transparente et n’ont pas été communiqués du tout aux autres titulaires d’AMA qualifiés. Bien qu’on puisse demander aux soumissionnaires de préciser leur soumission après la clôture des soumissions, ils ne peuvent pas soumettre de nouveaux renseignements qui n’ont pas été fournis avant la clôture de la période de soumissions. De la même façon que le MDN n’a pas le droit de demander de nouveaux renseignements aux soumissionnaires actuels après la clôture de la période de soumissions ni d’évaluer les nouveaux renseignements à travers la conformité rigoureuse d’un nouveau critère obligatoire.

53. Bien que l’ombud reconnaisse que des situations pouvant nécessiter des modifications à des éléments essentiels d’un projet peuvent survenir après la clôture de la période de soumissions et avant l’attribution du contrat, il est primordial dans ces cas-ci d’annuler le processus et de donner la chance à tous les titulaires d’AMA qualifiés de présenter une soumission en fonction de la modification de l’élément essentiel. Le nouveau processus devrait expliquer les raisons du nouvel appel d’offres de façon claire et transparente et souligner les modifications précises. Selon la nature des modifications, le ministère pourrait être en mesure de réduire la période du nouveau processus d’appel d’offres afin d’assurer la livraison du projet en temps opportun. En suivant cette méthodologie, les règles et les attentes seront claires pour les soumissionnaires participant au deuxième processus. De plus, si le besoin de modifier un élément essentiel découle de retards administratifs internes, cette circonstance pourrait être évitée en modifiant le libellé des critères obligatoires tel que suggéré ci-dessus, dans l’analyse de la question 1, et en exigeant une date de livraison dans les « X jours suivant l’attribution du contrat ». Cela permettrait de s’assurer que tout retard ministériel ne risque pas les soumissionnaires et ne nécessiterait pas un nouvel appel d’offres comme c’était le cas ici.

Conclusion

54. En ce qui concerne la question 1, l’ombud de l’approvisionnement a conclu que le critère technique obligatoire (O2) pour une date d’achèvement (c.-à-d. la date de livraison) n’était pas déraisonnable puisqu’il était binaire et donc objectif, qu’il n’était pas impossible à respecter et qu’il semblait refléter une exigence opérationnelle légitime.

55. En ce qui concerne la question 2, l’ombud de l’approvisionnement a conclu que le MDN n’avait pas évalué correctement la demande du plaignant par rapport au critère technique obligatoire O2 puisque le processus suivi par le MDN pour modifier le critère obligatoire O2 après la clôture de la période de soumission n’était pas conforme aux normes d’équité, d’ouverture et de transparence.

Indemnité

56. Afin de recommander le versement d’une indemnité au plaignant, le paragraphe 13(2) du Règlement exige ce qui suit :

« Si un appel d’offres a été lancé, le plaignant doit avoir soumissionné à l’égard du marché de l’État visé par la plainte, à moins qu’il n’ait pu le faire en raison des actions du ministère contractant ».

57. Étant donné qu’un processus concurrentiel a eu lieu et que le plaignant a présenté une soumission, l’ombud peut recommander le versement d’une indemnité conformément au paragraphe 13(1) du Règlement.

58. À la demande du BOA, le plaignant a fourni le montant des coûts engagés dans la préparation de sa soumission qui s’élevaient à 1166,00 $.

Recommandation

59. Conformément à l’alinéa 13(1)b) du Règlement, l’ombud de l’approvisionnement recommande que le MDN verse au plaignant une indemnité de 1166,00 $ pour les coûts engagés dans la préparation de sa soumission.

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