Examen des pratiques d’approvisionnement : Examen des contrats non concurrentiels

Décembre 2016
Promouvoir l'équité, l'ouverture et la transparence du processus d'approvisionnement du gouvernement fédéral

Introduction

Contexte

  1. L’alinéa 22.1(3)a) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux confère à l’ombudsman de l’approvisionnement le pouvoir d’examiner les pratiques d’approvisionnement des ministères afin d’évaluer leur équité, leur ouverture et leur transparence.
  2. Le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) examine toutes les plaintes écrites et les problèmes portés à son attention au moyen de communications liées à l’approvisionnement, afin de déterminer si elles soulèvent des problèmes ou des risques systémiques possibles sur les plans de l’équité, de l’ouverture et de la transparence. Le BOA classe tous les problèmes à l’aide des composantes clés du processus d’approvisionnement.
  3. Une analyse de ces problèmes, réalisée dans le cadre du processus annuel d’élaboration du plan de l’examen des pratiques d’approvisionnement du Bureau, a permis de cibler plusieurs problèmes potentiels concernant les éléments de la stratégie d’approvisionnement.
  4. La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor ne précise pas en quoi consiste une stratégie d’approvisionnement ni ce qu’elle devrait contenir, mais elle indique la façon dont les contrats doivent être organisés. Plus précisément, l’article 2 de la Politique est libellé comme suit : « Les marchés publics doivent être organisés de façon prudente et intègre, et ils doivent […] résister à l’examen du public au chapitre de la prudence et de l’intégrité, faciliter l’accès, encourager la concurrence et constituer une dépense équitable de fonds publics[.] » Aux fins du présent examen, on entend par stratégie d’approvisionnement, la méthode de sélection des fournisseurs et d’invitation utilisée, en tenant compte de ce qui suit :
    • une description du bien ou du service à acquérir pour répondre au besoin;
    • une analyse du marché ou de l’industrie qu’on sollicitera pour répondre au besoin;
    • une définition de l’énoncé des travaux;
    • les facteurs socioéconomiques possibles (p. ex. programmes de marchés réservés aux entreprises autochtones ou les programmes de développement régional);
    • le mécanisme d’approvisionnement qui doit être utilisé;
    • les motifs pour lesquels le processus d’approvisionnement sera réalisé à l’aide d’une approche concurrentielle ou non concurrentielle. Au moment de prendre cette décision, les organisations fédérales doivent s’assurer qu’elle est conforme aux lois, aux règlements et aux politiques applicables.
  5. Une évaluation des risques associés aux problèmes classés par le BOA selon les composantes de la stratégie d’approvisionnement a été menée. Cette évaluation portait sur la probabilité que les problèmes surviennent et leurs répercussions sur l’équité, l’ouverture et la transparence. L’évaluation des problèmes potentiels que présentent les composantes de la stratégie d’approvisionnement a révélé que les problèmes suivants étaient les plus susceptibles de survenir et qu’ils entraîneraient les répercussions les plus importantes sur l’équité, l’ouverture et la transparence :
    • recours inapproprié à un contrat non concurrentiel;
    • utilisation non uniforme des contrats non concurrentiels au sein des organisations fédérales et entre celles-ci;
    • confusion entre les organisations fédérales concernant les limites d’un contrat non concurrentiel;
    • modification de contrats déjà attribués au-delà des limites d’un contrat non concurrentiel;
    • attribution de contrats à répétition;
    • fractionnement de contrats.
  6. De plus, le BOA a appris de ses fournisseurs que les organisations fédérales peuvent manipuler les exigences pour éviter de lancer un appel d’offres. Le BOA a été informé des deux pratiques suivantes :
    • le fractionnement des contrats, c’est-à-dire : a) le fractionnement d’un besoin qui dépasse un certain niveau de pouvoir délégué en deux ou plusieurs contrats, de manière que chaque contrat cadre avec un niveau de pouvoir délégué; b) l’attribution d’un contrat d’une valeur correspondant à un niveau de pouvoir délégué, puis la modification subséquente de ce contrat afin d’éviter de lancer un appel d’offres ou de contourner une approbation requise;
    • attribution répétitive de contrats non concurrentiels au même fournisseur.

    Si les contrats non concurrentiels sont utilisés d’une manière contraire aux directives applicables, les organisations fédérales pourraient limiter inutilement la concurrence et exercer de façon inadéquate leur pouvoir délégué, ce qui peut augmenter les risques liés à l’équité, à l’ouverture et à la transparence.

  7. L’analyse effectuée indique que le recours à des contrats non concurrentiels pourrait poser certains problèmes. Par conséquent, conformément au paragraphe 4(1) du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement, l’ombudsman de l’approvisionnement a déterminé qu’il existait des motifs raisonnables d’examiner les contrats non concurrentiels.

Historique

  1. Bien que la concurrence soit la norme, le paragraphe 10.2.1 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor reconnaît les quatre exceptions prévues dans le Règlement sur les marchés de l’État, lesquelles permettent aux organisations fédérales de se soustraire à l’obligation de lancer un appel d’offres dans le cadre d’un processus concurrentiel. Ces quatre exceptions sont les suivantes :
    1. « [L]es cas d’extrême urgence où un retard serait préjudiciable à l’intérêt public;
    2. les cas où le montant estimatif de la dépense ne dépasse pas, selon le cas :
      1. 25 000 $,
      2. 100 000 $, s’il s’agit d’un marché portant sur la prestation de services d’ingénieurs ou d’architectes ou d’autres services nécessaires à la planification, à la conception, à la préparation ou à la surveillance de la construction, de la réparation, de la rénovation ou de la restauration d’un ouvrage, ou
      3. 100 000 $, s’il s’agit d’un marché que doit conclure le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada responsable de l’Agence canadienne de développement international et qui porte sur la prestation de services d’ingénieurs ou d’architectes ou d’autres services nécessaires à la planification, à la conception, à la préparation ou à la surveillance d’un programme ou projet d’aide au développement international;
    3. les cas où la nature du marché est telle qu’un appel d’offres ne servirait pas l’intérêt public;
    4. les cas où le marché ne peut être exécuté que par une seule personne ou une seule entreprise. »
  2. L’exception b) autorise les organisations fédérales à conclure des contrats non concurrentiels si ces contrats respectent des seuils financiers précis. Cependant, si l’exception a), c) ou d) est invoquée, la valeur du contrat non concurrentiel pouvant être conclu par une organisation fédérale doit cadrer avec le pouvoir délégué à cette dernière. L’Appendice C de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor présente les limites de passation de contrats de base et les exceptions applicables aux contrats non concurrentiels et aux modifications de tels contrats pour les organisations fédérales.
  3. Le pouvoir de conclure un contrat au nom du gouvernement fédéral est établi dans la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, la Loi sur la gestion des finances publiques et les lois habilitantes des organisations fédérales.
  4. La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux confère au ministre des Services publics et de l’Approvisionnement le pouvoir exclusif d’acquérir des biens. Le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement a délégué ce pouvoir aux ministres des organisations fédérales, dont la majorité a obtenu le pouvoir d’acquérir des biens d’une valeur maximale de 25 000 $.
  5. La loi habilitante d’une organisation fédérale confère au ministre de celle-ci le pouvoir d’acquérir des services. À leur tour, les agents des achats et les gestionnaires de programme, obtiennent le pouvoir d’acquérir des biens et des services en concluant des contrats et en modifiant les contrats au moyen d’un instrument appelé « délégation de pouvoirs », approuvé par le ministre de l’organisation fédérale.
  6. Les limites maximales du pouvoir délégué sont établies dans l’Appendice C de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Certaines organisations fédérales se sont vues déléguer le pouvoir de conclure des contrats non concurrentiels d’une valeur supérieure pour certains biens et services en raison de leurs besoins opérationnels. Si la valeur d’un contrat non concurrentiel est supérieure au pouvoir délégué du ministère, ce dernier peut demander à Services publics et Approvisionnement Canada de mener un processus concurrentiel, autrement il doit obtenir l’approbation du Conseil du Trésor.

Critères et objectif de l’examen

  1. L’objectif de l’examen des pratiques était de déterminer si les contrats non concurrentiels ont été accordés et si les modifications subséquentes ont été établies conformément aux articles pertinents de la Politique sur les marchés du Conseil, de la Loi sur la gestion des finances publiques et du règlement connexe, et s’ils respectent les principes de l’équité, de l’ouverture et de la transparence, définis de la façon suivante par le BOA :
    • Équité : Traiter tous les fournisseurs actuels et potentiels de manière équitable.
    • Ouverture : Offrir à tous les fournisseurs potentiels l’occasion de soumissionner les marchés publics.
    • Transparence : Fournir, en temps opportun, des renseignements à la population canadienne de manière à faciliter l’examen des décisions prises et des mesures mises en œuvre.
  2. Le mandat prescrit par la loi de l’ombudsman de l’approvisionnement est d’examiner les pratiques ministérielles d’acquisition de matériel et de services pour en évaluer l’équité, l’ouverture et la transparence, et de formuler au ministère pertinent des recommandations pour les améliorer. Comme, de par leur nature, les contrats non concurrentiels ne sont pas ouverts, le présent examen est axé sur l’équité et la transparence.
  3. Les contrats non concurrentiels conclus par certains ministères ont été examinés à l’aide des cinq critères prédéfinis qui sont indiqués ci-après. Les pratiques de passation de contrats ministérielles ont également été examinées selon ces critères qui, une fois en place, devraient contribuer individuellement et collectivement à des pratiques d’approvisionnement conformes aux lois, aux règlements et aux politiques applicables. De plus, ces pratiques devraient permettre de s’assurer que les contrats sont accordés et que les modifications connexes sont publiées d’une manière qui respecte les principes d’équité et de transparence. Les critères de l’examen sont les suivants :
    1. la justification du recours à un contrat non concurrentiel figure au dossier et est conforme aux exigences des politiques;
    2. la justification de la modification figure au dossier, est conforme aux exigences des politiques et a été approuvée comme il se doit;
    3. il n’y a eu aucun fractionnement du contrat;
    4. il n’y a eu aucune attribution de contrats à répétition;
    5. des mesures de contrôle étaient en place pour prévenir le fractionnement de contrats et la passation de contrats à répétition.

Étendue et méthode

  1. La portée de l’examen couvrait les contrats de biens et de services non concurrentiels accordés et les modifications connexes publiées entre le 30 novembre 2013 et le 30 novembre 2015.
  2. Les ministères indiqués ci-–après ont été inclus dans la portée de l’examen, car ils affichaient un pourcentage de modifications des contrats non concurrentiels plus élevé que la moyenne des autres organisations fédérales, comparativement à la valeur des contrats attribués. De plus, les trois organisations suivantes n’avaient pas fait l’objet d’un examen des pratiques d’approvisionnement du BOA au cours des cinq dernières années :
    • Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC);
    • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC);
    • Statistique Canada (StatCan).
  3. Le BOA a demandé à ces trois ministères de fournir des données sur tous les contrats non concurrentiels attribués et toutes les modifications établies qui cadraient avec la portée de cet examen. Voici un résumé des données fournies :
Tableau 1.1 : Contrats non concurrentiels
Ministère Nombre de contrats Valeur (en M$)
AAC 10 432 27,8
IRCC 580 22,3
StatCan 1 338 71,8
  1. La méthode d’examen comprenait :
    • des entrevues auprès des employés des ministères pertinents;
    • un examen et une analyse des documents, dont le Règlement sur les marchés de l’État, la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, l’Avis sur la Politique des marchés 2007-04 – Marchés non concurrentiels, et les politiques, les directives, les lignes directrices et les délégations de pouvoirs ministérielles;
    • une analyse des données visant les contrats et les modifications à risque élevé, la possible passation de contrats à répétition et les éventuels fractionnements de contrats;
    • un examen d’un échantillon discrétionnaire de dossiers relatifs aux contrats attribués par les ministères, selon les critères pertinents.

Pourquoi est-ce important?

  1. Selon le Rapport sur les acquisitions de 2014, durant l’année civile 2014, le gouvernement du Canada a attribué 4 301 contrats non concurrentiels d’une valeur de plus de plus 25 000 $, soit 16,61 % du nombre total de contrats d’une valeur de plus de 25 000 $ attribués. Les dépenses engagées dans le cadre de contrats non concurrentiels d’une valeur de plus de 25 000 $ s’élevaient à 2,2 G $, soit 8,24 % de la valeur totale des contrats de plus de 25 000 $ attribués par le gouvernement du Canada. Le BOA a constaté que le Rapport sur les acquisitions de 2014 ne traitait pas des contrats non concurrentiels d’une valeur inférieure à 25 000 $; par conséquent, le nombre total de contrats non concurrentiels et leur valeur totale ne sont pas accessibles au public.
  2. L’article 1 de la Politique sur les marchés du Conseil indique ce qui suit : « L’objectif des marchés publics est de permettre l’acquisition de biens et de services et l’exécution de travaux de construction, d’une manière qui contribue à accroître l’accès, la concurrence et l’équité, qui soit la plus rentable ou, le cas échéant, la plus conforme aux intérêts de l’État et du peuple canadien. » Pour répondre aux exigences de cette politique, en particulier celles liées à l’accès, à la concurrence et à l’équité, l’obligation de lancer un appel d’offres a été imposée comme norme. Cependant, dans certaines circonstances, le Règlement sur les marchés de l’État et la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor autorisent la conclusion de contrats non concurrentiels. Si les circonstances requises pour conclure ou modifier un contrat non concurrentiel n’ont pas été respectées ou que les circonstances ont été respectées par la manipulation ou l’adoption de pratiques exemplaires inacceptables, des risques liés à l’équité, à l’ouverture ou à la transparence peuvent se poser.

Observations

Échantillon de contrats non concurrentiels

  1. Un échantillon discrétionnaire de 30 contrats non concurrentiels d’AAC, d’IRCC et de StatCan a été formé, pour un total de 90 dossiers. Les critères de sélection de l’échantillon mettaient l’accent sur les contrats non concurrentiels et les modifications à de tels contrats présentant le plus grand risque d’incohérence avec la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Parmi les facteurs de risque figuraient les contrats qui semblaient dépasser les limites du pouvoir délégué, les contrats non concurrentiels modifiés à de nombreuses reprises, les contrats non concurrentiels d’une valeur de plus de 25 000 $ et les contrats non concurrentiels qui semblaient fractionnés.
  2. Les dossiers ont été examinés afin de déterminer si des contrats non concurrentiels et des modifications à ces contrats avaient été établis d’une manière non conforme à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Les dossiers n’ont pas tous été utilisés pour évaluer chaque critère.

Contrats non concurrentiels

  1. Vingt dossiers par ministère, pour un total de soixante dossiers, ont été évalués afin de déterminer si des contrats non concurrentiels avaient été attribués conformément à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor.
  2. Le BOA a examiné les sous-critères suivants pour établir si des contrats non concurrentiels avaient été attribués d’une manière conforme aux articles applicables de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, de la Loi sur la gestion des finances publiques et du règlement connexe, et dans le respect des principes de l’équité et de la transparence :
    • la décision de ne pas lancer d’appel d’offres a été incluse dans le dossier, ainsi que la justification de cette décision;
    • la décision de ne pas lancer d’appel d’offres était conforme à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor;
    • le contrat respectait le pouvoir délégué du ministère.
  3. Le paragraphe 10.2.6 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor précise ce qui suit : « Le recours à l’une quelconque des quatre exceptions à la règle de l’appel d’offres doit être pleinement justifié, et les raisons doivent figurer au dossier du marché [.] » Le BOA a examiné chaque dossier pour vérifier s’il contenait une justification. Le BOA a constaté que 58 des 60 dossiers examinés contenaient une justification de la décision de ne pas lancer d’appel d’offres.
  4. Les deux contrats où la justification avait été omise provenaient d’AAC. Au cours des rencontres avec le BOA à la suite de l’examen des dossiers, le personnel d’AAC a reconnu que les dossiers de ces deux contrats étaient incomplets et il a été en mesure de fournir les deux justifications manquantes de la décision de ne pas procéder à un appel d’offres. Bien qu’AAC ait été en mesure de fournir les justifications sur demande, l’absence de justification au dossier d’approvisionnement pourrait présenter des risques pour le Ministère pour ce qui est de la démonstration de la conformité au paragraphe 10.2.6 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor.
  5. Les paragraphes 10.2.2 à 10.2.5 de la Politique sur les marchés établissent les circonstances dans lesquelles chacune des quatre exceptions au processus concurrentiel autorisées en vertu du Règlement sur les marchés de l’État peuvent être invoquées. De plus, l’Avis sur la Politique des marchés 2007-04 – Marchés non concurrentiels fournit des exemples d’utilisations acceptables des quatre exceptions. Le BOA a examiné les justifications au dossier afin d’établir si elles respectaient la Politique sur les marchés. Dans l’ensemble des 60 dossiers, la justification de la décision de ne pas lancer d’appel d’offres était conforme à la Politique. Voici certaines des justifications les plus courantes observées par le BOA :
    • situations d’urgence où un retard peut entraîner une situation réelle ou imminente mettant des vies en danger;
    • catastrophes où un retard peut entraîner des décès, une perte de qualité de vie ou une perte de sécurité pour la population canadienne;
    • contrats visant à atténuer un écart socioéconomique;
    • contrats où un seul fournisseur était en mesure de fournir le bien ou le service en raison de droits d’auteur ou de droits de brevet;
    • contrats où un seul fournisseur était en mesure de fournir le bien ou le service pour des raisons de compatibilité technique ou de spécifications;
    • contrats où un seul fournisseur était en mesure de fournir le service;
    • contrats inférieurs au seuil requis pour lancer un appel d’offres (25 000 $ dans la majorité des cas).
  6. Des trois ministères faisant l’objet de l’examen, AAC était le seul ministère à qui un pouvoir supérieur au pouvoir habituel (c-à-d. 25 000 $) a été délégué pour l’acquisition des biens suivants de façon non concurrentielle : bétail, aliments et litière pour bétail. Dans ces circonstances, AAC peut conclure des contrats non concurrentiels d’une valeur maximale de 40 000 $.
  7. Lorsque le BOA a vérifié si des contrats avaient été attribués dans le respect du pouvoir délégué du ministère, il a pu confirmer que c’était le cas pour 59 des 60 contrats. Un contrat attribué par AAC dépassait le seuil de 25 000 $ du pouvoir délégué pour l’achat de biens. Le seuil était dépassé de 154 $. Au cours des rencontres avec le BOA à la suite de l’examen des dossiers, AAC a déclaré que ce dépassement était attribuable à une erreur administrative causée par un mauvais calcul des taxes.
  8. Des 60 dossiers évalués pour déterminer si des contrats non concurrentiels avaient été attribués conformément à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, 57 des 60 dossiers (95 %) respectaient ce critère, démontrant ainsi un processus d’approvisionnement équitable et transparent. Les trois dossiers contenant des erreurs provenaient d’AAC.

Modifications aux contrats non concurrentiels

  1. Pour chaque ministère, le BOA a examiné 12 dossiers où des contrats concurrentiels avaient été modifiés au moins une fois. Au total, 36 dossiers où des modifications avaient été apportées ont été évalués.
  2. Le BOA a examiné les sous-critères suivants pour établir si des modifications aux contrats non concurrentiels avaient été apportées d’une manière conforme aux articles applicables de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, de la Loi sur la gestion des finances publiques et du règlement connexe, et dans le respect des principes de l’équité et de la transparence :
    • la justification de la modification a été consignée et versée au dossier;
    • tous les efforts nécessaires ont été déployés pour éviter un financement initial inadéquat, une planification préalable inappropriée et des procédures administratives non adaptées;
    • la modification respectait le pouvoir délégué du ministère.
  3. L’article 2.6 de l’Appendice H – Approbation des propositions contractuelles indique ce qui suit : « Lorsqu’on demande l’approbation de l’augmentation de valeur d’un marché (par exemple, besoins supplémentaires du client, sous-estimation du coût, travaux complémentaires exclus du marché original) il faut expliquer minutieusement pourquoi les coûts dépasseront le montant initial du marché […] » Le BOA a vérifié si la justification de la modification avait été consignée et versée au dossier. Dans l’ensemble des 36 dossiers examinés, le BOA a pu trouver une justification expliquant pourquoi une modification au dossier était requise.
  4. Le paragraphe 12.9 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor prévoit ce qui suit : « Il faut tout faire pour éviter […] un financement initial insuffisant, […] une planification préalable insuffisante [… et] des procédures administratives qui ne conviennent pas, [ce qui nécessite des modifications]. » De plus, tous les travaux supplémentaires qui sont prévisibles devraient être inclus dans la valeur du contrat initial.
  5. Afin de déterminer si les modifications respectaient les exigences de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, le BOA a examiné la justification de chaque modification requise afin de déterminer la prévisibilité de celle-ci. On a établi que les modifications imprévisibles étaient conformes à la Politique. Toutes les modifications considérées comme prévisibles devaient être incluses dans le contrat initial à titre d’option. Si une option n’était pas utilisée pour une modification considérée comme prévisible, une erreur était signalée, puisque le contrat n’avait pas été planifié correctement ou qu’un financement inadéquat avait été accordé. Souvent, les modifications étaient de nature administrative. Toute modification administrative ayant des répercussions sur l’équité ou la transparence était également considérée comme une erreur.
  6. Le BOA a établi que 31 des 36 dossiers contenant des modifications étaient conformes à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Les cinq dossiers contenant des erreurs se répartissent comme suit :
    • AAC : 4
    • IRCC : 1
  7. Quatre dossiers d’AAC contenaient des erreurs, car les modifications associées à chaque dossier étaient considérées comme prévisibles lors de la conclusion des contrats. Par conséquent, la valeur des biens ou des services acquis par l’intermédiaire des modifications aurait dû être incluse dans les contrats initiaux. Au cours des rencontres avec le BOA à la suite de l’examen des dossiers, le personnel d’AAC a indiqué au Bureau que les quatre dossiers provenaient du même bureau régional. Ce bureau utilisait une pratique qui consistait à modifier un bon de commande (c-à-d. un contrat) à de nombreuses reprises durant plusieurs mois afin d’obtenir un volume plus important de certains biens ou services, ce qui entraînait une hausse de la valeur du contrat. Le bon de commande était ensuite fermé avant de dépasser 25 000 $. Même si le seuil au-dessus duquel les organisations fédérales sont tenues de lancer un appel d’offres n’était pas dépassé dans les contrats individuels examinés, la valeur totale de tous les contrats attribués à chaque fournisseur était supérieure au seuil de 25 000 $. Dans 3 des 4 dossiers examinés, la valeur de l’ensemble des modifications s’élevait à plus de 100 % de la valeur du contrat initial. L’ampleur des modifications et la valeur totale de tous les contrats attribués à chaque fournisseur amènent à se demander si l’approche de l’AAC, soit de ne pas lancer d’appel d’offres, était conforme au Règlement sur les marchés de l’État.
  8. Le BOA a établi qu’un dossier d’IRCC contenait une erreur en raison d’une procédure administrative inadéquate. Pendant l’exécution du contrat, qui a été attribué à l’aide d’une offre à commandes (OC), IRCC s’est rendu compte que des services supplémentaires étaient requis. IRCC a demandé verbalement ces services supplémentaires au fournisseur; cependant, l’unité responsable de l’approvisionnement n’a pas été informée qu’une modification au contrat été nécessaire. Le contrat a été modifié plusieurs mois après que les services eurent été demandés et fournis. Les ententes verbales et les modifications apportées après coup posent des risques potentiels, car elles peuvent entraîner des conflits quant aux services fournis ou aux retards dans les paiements.
  9. Après avoir examiné les modifications aux contrats non concurrentiels pour déterminer si elles respectaient le pouvoir délégué d’un ministère, le BOA a conclu que les modifications apportées aux 36 contrats étaient conformes au pouvoir délégué du Ministère.

Fractionnement des contrats

  1. Le paragraphe 11.2.7 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor est libellé comme suit : « Les autorités contractantes doivent s’abstenir de fractionner des marchés, ou des modifications apportées à des marchés, pour se soustraire à l’obligation d’obtenir soit l’approbation exigée par la Loi ou par la Directive du Conseil du Trésor sur les marchés, soit l’approbation des cadres compétents du ministère ou de l’organisme. » Les besoins susceptibles d’avoir été fractionnés dans plus d’un contrat ont été ciblés dans l’échantillon de 30 dossiers de chaque ministère. Le BOA s’est concentré sur les indicateurs d’un éventuel fractionnement de contrats suivants :
    1. un contrat d’une valeur inférieure à un seuil en vertu duquel une approbation supplémentaire aurait été nécessaire a été attribué, puis il a été modifié afin d’en augmenter la valeur au-delà du seuil. Le BOA a relevé :
      1. des contrats inférieurs au seuil de 25 000 $ attribués, puis modifiés afin d’en augmenter la valeur au-delà du seuil de 25 000 $, car ils auraient excédé le seuil financier établi pour l’une des exceptions prévues par le Règlement sur les marchés de l’État
      2. des contrats de service d’une valeur inférieure au seuil de 100 000 $ attribués, puis modifiés afin d’en augmenter la valeur au-delà du seuil de 100 000 $, car ils auraient pu excéder le pouvoir délégué d’un ministère;
    2. deux contrats ont été attribués au même fournisseur simultanément, consécutivement ou à intervalles réguliers.
  2. Au total, 17 cas de fractionnement de contrats éventuels ont été ciblés par ministère, soit 12 cas liés à l’utilisation de modifications et 5 cas liés à l’attribution d’un deuxième contrat au même fournisseur. Au total, le BOA a évalué 51 cas d’éventuel fractionnement de contrats. Pour déterminer s’il y avait eu fractionnement de contrats, le BOA a examiné si les biens ou les services autorisés dans la modification ou dans le deuxième contrat auraient dû être inclus dans le contrat initial.
  3. Dans 50 des 51 cas, aucune preuve d’un fractionnement de contrat n’a été décelée. Le BOA a déterminé qu’il n’y avait eu aucun fractionnement de contrat, car dans la majorité des cas, les biens ou les services autorisés dans la modification étaient prévisibles lors de l’attribution du contrat initial, la modification a été apportée par l’inclusion d’une année d’option dans le contrat initial, ou deux contrats qui semblaient s’apparenter visaient des biens ou des services non liés.
  4. Un cas de fractionnement de contrat a été ciblé au sein de StatCan. Le BOA a relevé deux contrats non concurrentiels de services de déménagement de mobilier attribués consécutivement au même fournisseur. Les deux contrats avaient été demandés par le même gestionnaire de projet et avaient été attribués de façon non concurrentielle sous le prétexte que leur valeur était inférieure à 25 000 $. Comme les services rendus dans les deux contrats étaient identiques, le BOA a conclu qu’ils auraient dû être regroupés. StatCan a enfreint le paragraphe 11.2.7 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor en fractionnant le besoin et en attribuant deux contrats non concurrentiels alors qu’un contrat concurrentiel était requis. Ce faisant, StatCan a négligé de respecter le principe de l’ouverture en privant d’autres fournisseurs de la possibilité de soumissionner.

Attribution de contrats à répétition

  1. La Politique sur les marchés du Conseil du Trésor ne contient aucun énoncé explicite interdisant la passation de contrats à répétition. Cependant, les paragraphes 4.1.3 et 10.7.1 de la Politique précisent que toutes les entreprises qualifiées devraient se voir accorder une chance égale de soumissionner les travaux de l’État. Bien que les contrats non concurrentiels soient restrictifs de par leur nature, les organisations fédérales devraient tout de même tenir compte de ces sections de la Politique sur les marchés lorsqu’ils choisissent les « entreprises qualifiées » auxquelles des contrats non concurrentiels devraient être attribués.
  2. Le BOA a analysé les données fournies par les trois ministères concernant les contrats non concurrentiels afin de cibler les fournisseurs ayant obtenu plusieurs contrats. Dans chaque ministère, cinq fournisseurs se sont vus attribuer plusieurs contrats, soit un total de quinze fournisseurs. Le BOA a cherché à déterminer pourquoi des contrats multiples avaient été attribués aux mêmes fournisseurs, et a demandé aux trois ministères de répondre aux questions suivantes :
    • Pourquoi ce fournisseur est-il un fournisseur de choix?
    • Y a-t-il d’autres fournisseurs en mesure de fournir le même bien ou service?
    • Quels efforts déployez-vous pour fournir une chance égale aux autres fournisseurs?
    • Avez-vous pensé à attribuer une OC? Si non, pourquoi?
  3. Le BOA a posé ces questions afin de déterminer s’il existait des raisons valables d’attribuer plusieurs contrats non concurrentiels à ces fournisseurs et de connaître les efforts déployés pour fournir aux autres fournisseurs potentiels une chance égale de soumissionner aux travaux de l’État, conformément aux paragraphes 4.1.3 et 10.7.1 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Le BOA a demandé aux ministères s’ils avaient envisagé d’utiliser des OC, car cet instrument pourrait permettre à d’autres fournisseurs éventuels de soumissionner les travaux de l’État, conformément à la Politique sur les marchés.
  4. Les trois ministères ont été en mesure de fournir des réponses pour chacun des fournisseurs. Les réponses obtenues ont permis au BOA de conclure qu’il y avait eu des cas de passation de contrats non concurrentiels à répétition; cependant, aucun cas n’a été jugé non conforme à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Voici certaines des réponses fournies par les ministères :
    • Les trois ministères ont affirmé que, dans certains cas, les biens ou les services avaient été acquis auprès de fournisseurs titulaires d’une OC ou d’un arrangement en matière d’approvisionnement (AMA). Dans certains cas, des articles supplémentaires non inclus dans l’OC ou l’AMA étaient requis. Pour des raisons de compatibilité, ces articles avaient dû être acquis auprès du titulaire de l’OC ou de l’AMA. Les ministères ont informé le BOA que des efforts étaient déployés afin d’inclure les articles fréquemment utilisés dans l’OC ou l’AMA.
    • Les trois ministères ont déclaré que, dans certains cas, les biens ou les services avaient été acquis auprès d’un fournisseur en particulier, car il s’agit du seul fournisseur en mesure de fournir ces biens ou ces services pour des raisons de droits d’auteur, de brevets ou de compatibilité technique.
    • StatCan et IRCC ont indiqué que, dans le cadre du processus contractuel, des soumissions étaient requises pour les contrats d’une valeur de plus de 1 000 $ et de 5 000 $, respectivement. Cependant, pour les transactions de faible valeur de moins de 1 000 $ et de 5 000 $, respectivement, il n’est pas toujours très rentable de solliciter des soumissions. Pour ce qui est des contrats inférieurs aux seuils, StatCan et IRCC ont expliqué qu’ils avaient fait appel à certains fournisseurs, car ils avaient proposé les prix les plus concurrentiels lorsque des soumissions avaient été sollicitées par le passé.
    • AAC a déclaré que pour certains fournisseurs sélectionnés par le BOA, il s’était consciemment efforcé de répartir les achats à d’autres fournisseurs qualifiés s’ils étaient en mesure de fournir les mêmes services. Le BOA a examiné les données contractuelles afin de vérifier cette affirmation et a découvert que des contrats non concurrentiels avaient également été attribués à d’autres fournisseurs, comme l’a déclaré AAC.

Mesures de contrôle visant à prévenir le fractionnement de contrats et la passation de contrats à répétition

  1. Le paragraphe 5.1.1 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor précise qu’« [i]l incombe aux ministères et aux organismes de veiller à ce que soient mis en place et appliqués des cadres de contrôle suffisants pour assurer une diligence raisonnable et une administration judicieuse des fonds publics ». Le paragraphe 11.1.1 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor encourage les ministères « à instituer un mécanisme officiel de contestation pour toutes les propositions contractuelles ». Un cadre de contrôle efficace peut prévenir l’adoption de pratiques d’approvisionnement indésirables, améliorer le respect des politiques et des procédures d’approvisionnement et ainsi encourager des pratiques d’approvisionnement équitables, ouvertes et transparentes.
  2. Le BOA a constaté que les trois ministères avaient mis en place des mesures de contrôle pour prévenir le fractionnement de contrats et la passation de contrats à répétition. Le BOA n’a toutefois pas vérifié si les mesures de contrôle prises par les ministères fonctionnaient comme prévu. Néanmoins, les constatations concernant le fractionnement de contrats et la passation de contrats à répétition tirées de cet examen indiquent que les mesures de contrôle établies semblaient, à une exception près, fonctionner comme prévu pour prévenir l’adoption de ces pratiques.
  3. Voici un résumé des mesures de contrôle établies par les trois ministères, qui devraient prévenir l’attribution de contrats à répétition ou de contrats fractionnés, si elles fonctionnent comme prévu :
    • Les trois ministères ont mis en place des politiques et des lignes directrices internes sur l’approvisionnement. Après l’examen de ces politiques et de ces lignes directrices, le BOA a constaté qu’elles contenaient les principes que ces organisations devaient appliquer lors de l’acquisition de biens et de services, Plus précisément, elles exigent que les acquisitions effectuées par les ministères résistent à l’examen du public au chapitre de la prudence et de la probité, qu’elles facilitent l’accès, qu’elles encouragent la concurrence et qu’elles constituent une dépense équitable de fonds publics. Si ces principes sont respectés, il ne devrait pas y avoir de fractionnement de contrats ni de passation de contrats à répétition. Les politiques et les lignes directrices internes d’AAC et d’IRCC interdisent explicitement le fractionnement de contrats.
    • Les trois ministères ont donné de la formation à leurs employés. Comme c’est le cas pour l’ensemble des employés fédéraux, les employés des ministères pouvaient suivre une formation par l’intermédiaire de l’École de la fonction publique du Canada. De plus, AAC et IRCC ont élaboré une formation interne sur l’approvisionnement. Cette formation traite de l’importance d’acquérir des biens et des services d’une manière qui contribue à accroître l’accès, la concurrence et l’équité.
    • Les trois ministères ont utilisé des listes de vérification des transactions. Ces listes de vérification ont permis aux ministères de s’assurer que certaines mesures étaient prises avant d’attribuer un contrat non concurrentiel. Par exemple, IRCC et StatCan demandaient aux membres de leur personnel d’examiner si le contrat était répétitif ou fractionné. IRCC exigeait également que les contrats octroyés par le passé soient inclus dans la liste de vérification des contrats d’une valeur de plus de 10 000 $. Ce type de mesure permettrait à un agent des achats de détecter les cas de fractionnement de contrats ou de passation de contrats à répétition avant l’attribution d’un contrat.
    • StatCan exigeait l’approbation d’un agent supérieur pour tous les contrats non concurrentiels de plus de 1 000 $ et les modifications connexes avant leur attribution. L’examen effectué par un agent supérieur peut réduire la probabilité que des contrats répétitifs ou fractionnés soient conclus.
    • Les trois ministères ont mis sur pied un comité d’examen des contrats. En règle générale, ce comité est composé de plusieurs employés du ministère chargés de surveiller le processus d’approvisionnement. La mission du comité est d’examiner certains contrats définis dans son mandat. Tous les comités d’examen des contrats des ministères ayant fait l’objet de l’examen ont le mandat d’examiner les contrats non concurrentiels selon des critères prédéfinis. Par exemple si un éventuel fractionnement de contrat était détecté au sein d’IRCC, le comité d’examen des contrats serait chargé d’examiner le contrat avant son attribution. Les listes de vérification utilisées par IRCC aideraient l’agent octroyant le contrat à déterminer si le comité était tenu d’examiner le contrat avant de l’attribuer. Les comités d’examen des contrats d’AAC et de StatCan ont le mandat d’examiner toute modification apportée à un contrat non concurrentiel qui porte la valeur de celui-ci à plus de 25 000 $.
    • IRCC et StatCan ont tous deux mené des activités régulières d’assurance de la qualité des dossiers d’approvisionnement. Ces activités sont réalisées par un agent autre que l’agent des achats ayant traité le dossier, et les résultats sont communiqués à la direction. Selon les procédures d’assurance de la qualité utilisées au sein d’IRCC, l’agent devait utiliser des indicateurs de risque qui, s’ils étaient observés, pourraient indiquer un éventuel fractionnement de contrats ou une possible passation de contrats à répétition, un traitement de faveur à l’égard d’un fournisseur en particulier, une demande de modification pour des travaux hors de la portée, un fractionnement des exigences et des modifications au contrat sans justification à l’appui. Les procédures d’assurance de la qualité utilisées à StatCan exigent que l’agent examine le nombre total de modifications apportées à un contrat et la valeur de celles-ci, la valeur initiale du contrat et la valeur totale du contrat, ainsi que la justification du contrat et de toute modification subséquente. Ces renseignements peuvent servir à déterminer s’il y a fractionnement d’un contrat. En plus des procédures liées au fractionnement de contrats et à la passation de contrats à répétition, IRCC et StatCan ont utilisé des procédures pour vérifier si les contrats étaient conformes à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Les procédures d’assurance de la qualité peuvent justifier les faibles taux d’erreur observés durant l’examen des dossiers.

Conclusion

  1. StatCan et IRCC ont réussi à démontrer de façon constante que les contrats non concurrentiels ont été attribués et que les modifications à ceux-ci ont été établies selon les exigences de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor et que, par conséquent, ils respectaient les principes de l’équité et de la transparence.
  2. Des 30 dossiers d’AAC examinés, 7 des 30 contrats n’ont pas été attribués conformément à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Voici quelques-unes des erreurs décelées :
    • un dossier dépassait le pouvoir délégué de 25 000 $;
    • quatre dossiers d’un bureau régional concernaient des modifications à des contrats non concurrentiels qui n’étaient pas conformes à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor;
    • deux dossiers ne contenaient aucune justification du recours à un contrat non concurrentiel.
  3. Des 51 fichiers évalués afin de déceler d’éventuels fractionnements de contrats, un dossier de StatCan présentait un cas de fractionnement. Le BOA n’a relevé aucun cas où un fournisseur s’est vu attribuer plusieurs contrats non concurrentiels (c-à-d. contrats répétitifs) d’une manière non conforme à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor.
  4. Les trois ministères visés par l’examen ont mis en œuvre des mesures de contrôle pour prévenir le fractionnement de contrats et la passation de contrats à répétition. Certaines de ces mesures, en particulier l’assurance de la qualité des dossiers d’approvisionnement, sont importantes pour contribuer à s’assurer que les contrats non concurrentiels sont attribués selon les exigences des politiques.

Recommandations

  1. AAC devrait accroître sa surveillance des contrats non concurrentiels et des modifications connexes, plus particulièrement dans ses bureaux régionaux, afin de veiller à ce que ses pratiques d’approvisionnement respectent les exigences de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor et appuient les principes de l’équité, de l’ouverture et de la transparence.

Réponse des ministères

  1. Conformément à l’article 5 du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement, l’ombudsman de l’approvisionnement a donné à AAC l’occasion de commenter la recommandation proposée dans le cadre de cet examen et les raisons de celle-ci. Les trois ministères faisant l’objet de l’examen ont eu la possibilité de commenter les constatations de l’examen et les commentaires formulés ont été pris en compte avant le parachèvement et la publication du rapport.
  2. En réponse à la recommandation, AAC a formulé le commentaire suivant :

    AAC examinera les possibilités et renforcera sa capacité de surveillance de l’approvisionnement pour les contrats non concurrentiels et les modifications connexes afin d’assurer l’harmonisation avec les exigences de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor.
    [Traduction]

Autres observations

Dans le cadre de l’examen, le BOA a créé un échantillon discrétionnaire de 30 dossiers par ministère, soit un total de 90 dossiers. Tous les dossiers ont été tirés des données contractuelles fournies par les ministères, lesquelles devaient viser uniquement les contrats non concurrentiels.

Six contrats attribués par AAC ont été sélectionnés à partir de l’échantillon discrétionnaire, car ils respectaient les critères de sélection suivants :

  • quatre contrats dépassaient la limite de 40 000 $ pour les contrats de biens non concurrentiels fixée dans l’Appendice C de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor;
  • deux contrats ont été sélectionnés afin de déceler un éventuel fractionnement de contrats, car ils avaient été attribués le même jour au même fournisseur.

Les six contrats étaient tous liés à l’acquisition de bétail. Lors des discussions initiales entre le BOA et AAC à propos des contrats non concurrentiels d’acquisition de bétail, dont quatre semblaient dépasser la limite des contrats non concurrentiels, AAC a affirmé que cette limite et, par extension, son pouvoir délégué n’avait pas été dépassé pour les raisons suivantes :

  • AAC considérait que les six contrats d’acquisition de bétail étaient de nature concurrentielle, et il a le pouvoir de conclure des contrats concurrentiels pour des acquisitions de bétail d’une valeur pouvant atteindre 400 000 $.
  • L’acquisition de bétail peut supposer l’acquisition de nombreux animaux. AAC considérait que l’achat de chaque animal ou « lot » d’animaux constituait un contrat unique; par conséquent, la valeur de chaque animal ou « lot » était inférieure au seuil des contrats non concurrentiels.

De plus, AAC a affirmé qu’un mauvais code avait été attribué aux six contrats d’acquisition de bétail et que ceux-ci auraient dû être codés en tant que contrats concurrentiels, puisque le bétail avait été acquis lors de ventes aux enchères et que le Ministère considérait qu’une vente aux enchères était une acquisition concurrentielle. AAC a proposé au BOA que ces contrats soient exclus de la portée de l’examen, comme ils étaient concurrentiels de l’avis du Ministère.

Avant de décider d’exclure les contrats du présent examen, le BOA a demandé à AAC de lui fournir des documents qui justifieraient son affirmation selon laquelle les acquisitions de bétail étaient concurrentielles. Les documents transmis par AAC ne démontraient pas clairement si les contrats avaient été attribués de façon concurrentielle ou non concurrentielle. Pour résoudre l’impasse et s’assurer que l’examen serait réalisé dans les délais précisés dans le Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement, le BOA a sélectionné six autres contrats pour remplacer les contrats d’acquisition de bétail. Les résultats de cet examen ne tiendraient donc pas compte des six contrats d’acquisition de bétail.

Après la phase d’évaluation de l’examen et en réponse aux questions du BOA, AAC a tenté de clarifier ses pratiques d’acquisition de bétail en affirmant ce qui suit : « Bien que l’appel d’offres par vente aux enchères soit en soi de nature très concurrentielle, du point de vue du [Règlement sur les marchés de l’État], de l’accord commercial [sic] et de la délégation des pouvoirs, ces contrats sont considérés comme non concurrentiels, car le libellé de ce règlement ne traite pas précisément de ce bien unique » [Traduction]. AAC a également affirmé que « chaque transaction est considérée comme un contrat en soi – une transaction est définie comme l’offre d’un “lot” d’animaux aux fins de soumission et d’acceptation. Un “lot” peut comprendre un ou plusieurs animaux selon la vente aux enchères. À la fin de la vente, les transactions sont regroupées dans notre système financier (SAP) pour assurer l’efficacité des paiements. Comme l’identification des transactions individuelles (contrats) d’une valeur de plus de 10 000 $ une fois qu’elles sont regroupées dans SAP exigerait des efforts considérables, à l’avenir, AAC divulguera de façon proactive toutes les acquisitions de bétail dans le cadre de [rapports de divulgation proactive] peu importe la valeur totale en dollars de la saisie SAP ». [Traduction] 

Les mesures proposées par AAC en matière de divulgation proactive peuvent accroître la transparence des rapports sur l’acquisition de bétail du Ministère. Cependant, les pratiques adoptées par AAC pour l’acquisition de bétail présentent des risques pour le Ministère en raison des incohérences possibles avec la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor et le Règlement sur les marchés de l’État. Plus particulièrement :

  • AAC est d’avis que le fait que chaque transaction, qu’elle vise un seul animal ou un « lot » d’animaux, est considérée comme un contrat en soi semble contraire au paragraphe 11.2.7 de la Politique sur les marchés, qui précise que « [l]es autorités contractantes doivent s’abstenir de fractionner des marchés, ou des modifications apportées à des marchés […] ». L’Appendice A de la Politique des marchés du Conseil du Trésor définit le fractionnement de marché comme étant « la division inutile d’un besoin global en plusieurs marchés plus modestes, contournant ainsi les limites de durée des engagements ou la nécessité de faire approuver le marché ». À cet égard, il est difficile d’établir comment AAC définit ses besoins, à l’échelle nationale ou régionale, pour ce qui est de l’acquisition de bétail. Si on ajoute à cela le fait qu’AAC traite chaque transaction comme un contrat individuel, cette approche présente des risques potentiels pour le Ministère.
  • On ignore les mécanismes de contrôle mis en place par AAC pour s’assurer que l’acquisition de bétail est effectuée d’une manière conforme aux pouvoirs délégués pour la passation de contrats. Si les six contrats d’acquisition de bétail sélectionnés par le BOA étaient considérés comme non concurrentiels (et le BOA fait remarquer que les documents contenus dans chacun des six dossiers indiquaient que le bétail avait été acquis lors de « ventes privées », ce qui suppose des contrats non concurrentiels), quatre contrats dépassaient le pouvoir délégué du Ministère et deux contrats pourraient être considérés comme des contrats fractionnés.
  • D’après les renseignements fournis par AAC, il est difficile de déterminer comment le Ministère s’assurera que tous les rapports publics concernant les acquisitions de bétail reflètent avec exactitude la nature concurrentielle ou non concurrentielle des contrats, conformément aux exigences de divulgation proactive et au paragraphe 1.2 de l’Appendice K de la Politique sur les marchés.

Recommandations

AAC devrait :

  1. consigner la raison pour laquelle il traite chaque acquisition de bétail comme un contrat distinct et s’assurer que cette raison est conforme, s’il y a lieu, à la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, au Règlement sur les marchés de l’État et aux accords commerciaux du Canada;
  2. préciser si l’acquisition de bétail lors de ventes aux enchères est considérée par le Ministère comme concurrentielle ou non concurrentielle, et consigner cette explication;
  3. déterminer si la surveillance ciblée des acquisitions de bétail est requise, de manière à s’assurer que le personnel détenant les pouvoirs délégués d’acquisition de bétail exerce correctement les pouvoirs concurrentiels et non concurrentiels;
  4. s’assurer que tous les rapports publics concernant les acquisitions de bétail reflètent avec exactitude la nature concurrentielle ou non concurrentielle de chaque contrat.

En réponse à ces recommandations, AAC a fourni le commentaire suivant :

AAC consultera Services publics et Approvisionnements Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada afin de clarifier, de documenter et de mettre en œuvre les ajustements nécessaires au processus pour assurer que l’acquisition de bétail respecte la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, les Règlements sur les marchés de l’État et les obligations en matière de présentation de rapport.

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