Examen d’une plainte : Acquisition de services de traduction par le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs

Mars 2020

Sur cette page

La plainte

1. Le 10 octobre 2019, le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite d’un fournisseur (le plaignant) concernant un marché attribué par le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs (SCDATA). Le marché portait sur la traduction de documents juridiques du français vers l’anglais, et a été attribué le 30 août 2019 avec une limitation de dépenses de 17 100 $ (taxes non comprises).

2. Le 30 août 2019, le SCDATA a informé le plaignant du rejet de sa soumission, car elle comportait des modalités supplémentaires qui n’étaient pas autorisées, aux termes de la demande de proposition (DDP). Le plaignant a affirmé que le SCDATA aurait dû communiquer avec lui pour clarifier le contenu de sa soumission. Le présent rapport examine les questions clés suivantes soulevées par la plainte :

  • La soumission du plaignant était-elle non conforme?
  • Le SCDATA avait-il l’obligation de clarifier la soumission avant de la juger non conforme?

3. Le 11 octobre 2019, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (le Règlement), et la plainte a été considérée comme déposée.

Mandat

4. L’examen de la plainte a été mené en vertu de l’alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et des articles 7 à 14 inclusivement du Règlement.

5. Les conclusions du présent rapport sont fondées sur les documents fournis au BOA par le plaignant et par le SCDATA, et sur des renseignements pertinents accessibles au public. L’omission du plaignant ou du SCDATA de divulguer des documents ou des renseignements pertinents pourrait avoir une incidence sur les conclusions du présent rapport.

Contexte

6. Le 7 août 2019, le SCDATA a envoyé une DDP concernant la traduction de documents juridiques du français vers l’anglais, sur demande, à cinq fournisseurs. Les soumissionnaires devaient satisfaire à quatre exigences obligatoires et soumettre deux prix : un prix au mot pour les travaux effectués entre la date d’attribution du marché et le 31 mars 2020, et un prix au mot pour une période d’option allant du 1er avril au 30 juin 2020.

7. Le SCDATA a reçu trois soumissions, dont celle du plaignant, avant la date limite de réception des soumissions. L’autorité contractante du SCDATA n’a envoyé que deux de ces soumissions au responsable technique du SCDATA aux fins d’évaluation, car l’autorité contractante a déterminé que la soumission du plaignant n’était pas conforme.

8. Le plaignant a présenté sa soumission en quatre sections : 1) la soumission technique; 2) la soumission financière; 3) les attestations; 4) les renseignements supplémentaires. La page de couverture de chacune des quatre sections de la soumission du plaignant contenait le libellé suivant (clause de non-responsabilité) :

[Traduction] Modalités : Sauf accord écrit contraire de [le plaignant], tous les services fournis par [le plaignant] et tout bon de commande émis sont régis par les modalités de vente [du plaignant] (disponibles sur [le site Web du plaignant]). Les modalités contradictoires ou supplémentaires figurant sur un bon de commande ou tout autre document du client ne s’appliquent pas, sauf accord écrit signé par les deux parties.

9. Dans la lettre de refus du 30 août 2019 envoyée par courriel au plaignant, le SCDATA a indiqué que, conformément aux conditions de la DDP, l’inclusion de ce libellé rendait la soumission non conforme et que la soumission serait rejetée. En réponse, le plaignant a fait remarquer que, dans une partie de sa soumission, il avait expressément accepté les modalités de la DDP. Le plaignant a demandé que sa soumission soit entièrement évaluée et prise en considération aux fins de l’attribution du marché. Le SCDATA a rejeté la demande du plaignant; le plaignant a alors communiqué avec le BOA.

10. Dans sa plainte au BOA, le plaignant a déclaré que les autorités contractantes devaient prendre certaines mesures avant de juger une soumission non conforme. Selon le plaignant, cette décision serait acceptable si le fournisseur n’avait manifestement pas satisfait à une exigence obligatoire, mais que dans le cas présent, où une simple clarification était nécessaire, l’autorité contractante était autorisée à demander des éclaircissements. Le plaignant a déclaré que toute l’affaire aurait pu et aurait dû être résolue par un échange de courriels.

Chronologie des événements

11. La chronologie ci-dessous a été préparée par le BOA et est fondée sur les documents fournis par le SCDATA et par le plaignant, et sur des renseignements pertinents accessibles au public. Elle décrit les principaux événements qui ont conduit au dépôt de la plainte.

12. Le 7 août 2019, le SCDATA a envoyé la DDP à cinq fournisseurs, la date limite de réception des soumissions étant fixée au 13 août 2019. Le SCDATA a reçu trois soumissions : une du plaignant, une de l’éventuel soumissionnaire retenu et une d’un autre fournisseurNote de bas de page 1.

13. L’autorité contractante du SCDATA a envoyé deux des soumissions aux évaluateurs techniques le 15 août 2019. L’autorité contractante n’a pas envoyé la soumission du plaignant aux évaluateurs techniques, l’ayant déjà jugée non conforme. Les évaluateurs ont réalisé leurs évaluations individuelles les 15 et 16 août 2019. Le 19 août 2019, les évaluateurs techniques ont communiqué à l’autorité contractante les résultats consensuels de leur évaluation, et les résultats de leurs évaluations individuelles.

14. Le 29 août 2019, le SCDATA a informé le soumissionnaire retenu qu’il avait soumis la soumission retenue en réponse à la DDP. Un marché signé a été envoyé au soumissionnaire retenu le 30 août 2019. Le soumissionnaire retenu a accusé réception du marché signé le 3 septembre 2019.

15. Le 30 août 2019, le SCDATA a informé le plaignant du rejet de sa soumission, car elle comportait des renseignements supplémentaires qui modifiaient les modalités de la DDP, et que de telles modifications n’étaient pas autorisées. Le 3 septembre 2019, le plaignant a contacté le SCDATA et a expliqué qu’il pensait que sa soumission respectait les modalités de la DDP, en précisant où il avait accepté de se conformer à chaque clause et modalité de la DDP. Le plaignant a demandé que sa soumission soit entièrement évaluée et prise en considération. Le 11 septembre 2019, le SCDATA a rejeté la demande du plaignant et refusé de réexaminer la décision selon laquelle sa soumission était non conforme.

16. Le 11 septembre 2019, le plaignant a communiqué avec le BOA concernant la procédure de plainte du BOA. Le plaignant a autorisé le BOA à entrer en contact avec le SCDATA et à tenter de résoudre le problème de manière informelle. Entre le 11 septembre et le 11 octobre 2019, le BOA a communiqué avec le SCDATA au sujet de la plainte. Cependant, le BOA n’a pas pu résoudre le problème, car le SCDATA a indiqué qu’il n’évaluerait pas la soumission du plaignant. Le 10 octobre 2019, le plaignant a déposé sa plainte auprès du BOA. Le 11 octobre 2019, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement, et la plainte a été considérée comme déposée.

Questions et analyse

Question 1 – La soumission du plaignant était-elle non conforme?

17. Le plaignant a déclaré ce qui suit, soit directement au BOA, soit dans la correspondance et les documents de soumission :

  • Le libellé sur la page de couverture (clause de non-responsabilité), qui figurait sur toutes ses soumissions, était générique et indiquait clairement [Traduction] « [à] moins que [le plaignant] n’en convienne autrement par écrit ».
  • À la page 4 de la partie technique de sa soumission, le plaignant indique ce qui suit : [Traduction] « Nous certifions par la présente que nous avons lu et compris toutes les clauses et modalités de la DDP n° 20190745 et que nous nous engageons à les respecter. »
  • La pièce jointe 2 à la partie 3, Offre de services, que tous les soumissionnaires devaient présenter, était signée par le plaignant et indiquait que si le marché lui était attribué, il [Traduction] « […] accepterait toutes les modalités énoncées dans la partie 6, Clauses du contrat subséquent, qui était comprise dans la demande de soumissions ».
  • Le plaignant a communiqué avec d’autres autorités contractantes avec lesquelles il avait des soumissions en suspens concernant cette question, et leurs réponses ont été les suivantes :

    [Traduction] « Vous avez raison de dire qu’en présentant une soumission signée, un fournisseur accepte les modalités du Canada décrites dans la DDP. L’acceptation des modalités l’emporte sur toute clause de non-responsabilité ».

18. La réponse du SCDATA au BOA énonce ce qui suit :

  • Le SCDATA a pris acte de la déclaration du plaignant à la page 4 de sa soumission et n’a pas contesté le fait que le plaignant a accepté de respecter les clauses et modalités énoncées dans la DDP, lesquelles sont applicables à tout marché subséquent.
  • Toutefois, les modalités de la DDP et celles du plaignant ne s’excluent pas mutuellement et, bien que le plaignant ait accepté par écrit les modalités de la DDP, il n’a pas rejeté ses propres modalités.
  • L’inclusion des modalités du plaignant, sans qu’il soit clairement indiqué dans la soumission qu’elles ne s’appliquent PAS, signifiait que celles-ci étaient considérées comme des modalités supplémentaires faisant partie de sa soumission.
  • Le libellé des pages de couverture de la soumission du plaignant ajoutait des modalités à sa soumission, lesquelles feraient partie de tout marché subséquent à la suite de l’émission d’un marché de type « votre soumission est acceptée ».
  • Il était de la responsabilité du soumissionnaire de s’informer auprès de l’agent de négociation des marchés du SCDATA, avant la clôture des soumissions, de l’incidence de l’ajout de ces modalités.
  • Les propos d’autres autorités contractantes sur cette question ne sont pas pertinents pour la DDP en question.

19. La partie 2 de la DDP, intitulée « Instructions à l’intention des soumissionnaires » contenait la clause suivante :

2.6. Termes et Conditions : En présentant une soumission, le soumissionnaire atteste qu’il est conforme aux articles, aux clauses et aux modalités contenus ou mentionnés dans la présente demande de proposition (DDP) et le présent Énoncé des travaux (EDT) et qu’il les accepte. Toute modification, ou prix conditionnel du soumissionnaire, y compris les suppressions ou tout ajout apporté aux articles, aux clauses et aux modalités contenus ou mentionnés dans la présente DDP feront en sorte que la soumission soit jugée non recevable. [caractères gras ajoutés]

20. La DDP incorporait également les Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels 2003 (2019-03-04) du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA). Les articles suivants s’appliquent à la présente affaire :

  1. 5.2  Il appartient au soumissionnaire :
    1. […]
    2. b) de préparer sa soumission conformément aux instructions contenues dans la demande de soumissions;
    3. […]
    4. f) de fournir une soumission claire et suffisamment détaillée, contenant tous les renseignements demandés concernant les prix, afin de permettre une évaluation complète conformément aux critères établis dans la demande de soumissions.
  2. […]
  3. 5.7 Sauf indication contraire dans la demande de soumissions, le Canada évaluera uniquement la documentation qui accompagnera la soumission du soumissionnaire. Le Canada n’évaluera pas l’information telle les renvois à des adresses de sites Web où l’on peut trouver de l’information supplémentaire, ou les manuels ou les brochures techniques qui n’accompagnent pas la soumission.
  4. […]
  5. 19 Les documents de demande de soumissions comprennent l’ensemble des exigences se rapportant à la demande de soumissions. Toute autre information ou tout autre document fourni au soumissionnaire ou obtenu par lui auprès de qui que ce soit n’est pas pertinent. Les soumissionnaires ne devraient pas présumer que des pratiques utilisées dans des contrats antérieurs vont continuer, à moins qu’elles soient décrites dans la demande de soumissions. Les soumissionnaires ne devraient pas non plus présumer que leurs capacités actuelles rencontrent les exigences de la demande de soumissions simplement parce qu’elles rencontraient des exigences antérieures.

21. La partie 6 de la DDP, intitulée « CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT » contenait la clause suivante :

  1. 6.11 Ordre de priorité des documents

    En cas d’incompatibilité entre le libellé des textes énumérés dans la liste, c’est le libellé du document qui apparaît en premier sur la liste qui l’emporte sur celui de tout autre document qui figure plus bas sur ladite liste.

  2. a) les articles de la convention;
  3. b) les conditions générales supplémentaires 4007 (2010-08-16), Fondement du titre du Canada sur les droits de propriété intellectuelle;
  4. c) les conditions générales 2010B (2018-06-21), Conditions générales – services professionnels (complexité moyenne);
  5. d) Annexe A, Énoncé des travaux;
  6. e) Annexe B, Tableaux de taux;
  7. f) la soumission de l’entrepreneur en date du (inscrire la date de la soumission).

Analyse de la question 1

22. Il faut évaluer quatre considérations avant de déterminer si la soumission du plaignant modifiait les modalités de la DDP et était, par conséquent, non conforme. La pertinence de chaque considération est évaluée ci-dessous.

  1. Le libellé de la clause de non-responsabilité du plaignant n’a pas ajouté aux modalités de la DDP ni ne les a modifiées, et il était conforme aux modalités de la DDP, ce qui signifierait que la soumission du plaignant était conforme. Pour parvenir à cette conclusion, le SCDATA aurait dû examiner les modalités du plaignant sur le site Web de ce dernier afin de déterminer si elles étaient conformes à celles énoncées dans la DDP. Toutefois, cette interprétation n’est pas possible, car les modalités du plaignant n’étaient pas incluses dans sa soumission. Elles y étaient mentionnées seulement par renvoi au site Web du plaignant. L’article 5.7 des Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA, incorporé par renvoi dans la DDP, aborde la question lorsqu’il stipule que « Le Canada n’évaluera pas l’information telle les renvois à des adresses de sites Web où l’on peut trouver de l’information supplémentaire » [caractères gras ajoutés]. Par conséquent, le SCDATA ne pouvait pas accéder au site Web du plaignant pour déterminer si les modalités de ce dernier étaient conformes à la DDP ou si elles l’avaient modifiée. Cette première considération est donc sans fondement.
  2. Le plaignant a accepté par écrit les modalités de la DDP. À la page 4 de la partie technique de sa soumission, le plaignant a attesté ce qui suit : [Traduction] « Nous certifions par la présente que nous avons lu et compris toutes les clauses et modalités de la DDP n° 20190745 et que nous nous engageons à les respecter. » Cette attestation signifierait qu’aucune modification n’avait été apportée à la DDP et que la soumission du plaignant était conforme. Toutefois, le plaignant n’a pas expressément rejeté les modalités citées dans sa propre clause de non-responsabilité. L’inclusion des modalités du plaignant, sans qu’il soit clairement indiqué dans la soumission qu’elles ne s’appliquent pas, signifiait que celles-ci s’ajoutaient aux modalités de la DDP et ne les remplaçaient pas. Il s’agirait donc d’une modification de la DDP. Comme l’indique l’article 5.2 des Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA, il incombe au soumissionnaire de s'assurer que sa soumission est claire. Dans ce cas, le plaignant n’a pas retiré sa propre clause de non-responsabilité et n’a donc pas clairement démontré qu’il acceptait les modalités de la DDP. Cette deuxième considération est donc sans fondement.
  3. Le plaignant a convenu par écrit de n’accepter que les modalités de la DDP, et non celles citées dans la clause de non-responsabilité. Le plaignant a attesté, à la pièce jointe 2 à la partie 3, Offre de services, que s’il obtenait le marché, il accepterait toutes les modalités énoncées dans la partie 6 de la DDP intitulée « CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT ». Cette attestation signifierait qu’aucune modification n’avait été apportée à la DDP et que la soumission du plaignant était conforme. Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, le plaignant n’a pas expressément rejeté le libellé de sa clause de non-responsabilité. En outre, le plaignant a expressément réaffirmé qu’il acceptait le libellé de sa propre clause de non-responsabilité parce que sa soumission faisait partie des CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT énoncées à la section 6.11 de la partie 6 de la DDP. Enfin, le libellé de la pièce jointe 2 à la partie 3 a un aspect conditionnel, c’est-à-dire que le soumissionnaire atteste que « s’il obtient le contrat » [caractères gras ajoutés]. Ce libellé signifie que le plaignant n’acceptait les modalités de la DDP que s’il devenait le soumissionnaire retenu et se voyait attribuer le marché. Toutefois, le respect des modalités de la DDP doit être vérifié au moment de la clôture des soumissions, et non au moment de l’attribution du marché. Au moment de la clôture des soumissions, le plaignant n’avait donc pas accepté les modalités de la DDP sans modification. Cette troisième considération est donc sans fondement.
  4. Le plaignant a déclaré que d’autres autorités contractantes avaient indiqué qu’en présentant une soumission signée, le fournisseur accepte automatiquement les modalités du Canada décrites dans la DDP. Ce principe ne repose sur aucun fondement particulier et n’est pas mentionné dans les Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA, mais s’appuie plutôt sur les conseils d’autres personnes qui ne sont pas impliquées dans le processus de passation de marchés en question. Conformément à l’alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et à l’article 12(1)a) du Règlement, les examens des plaintes par le BOA sont limités aux circonstances du marché en cause, c’est-à-dire celui concernant la DDP n° 20190745. Ainsi, le fait que le plaignant avait précédemment inclus des clauses de non-responsabilité semblables dans d’autres soumissions visant d’autres processus de passation de marchés n’est pas pertinent pour cette plainte. Ce sont plutôt les actions du SCDATA en ce qui concerne cette DDP en particulier qui doivent être prises en considération. De plus, la section 19 des Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA indique que « [l]es soumissionnaires ne devraient pas présumer que des pratiques utilisées dans des contrats antérieurs vont continuer, à moins qu’elles soient décrites dans la demande de soumissions ». Cette quatrième considération est donc sans fondement.

Constatation – Question 1

23. Le BOA estime que la soumission du plaignant était non conforme.

24. Il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de ses soumissions pour s’assurer qu’elles montrent que le soumissionnaire répond aux exigences de la DDP. Dans ce cas, en plus des exigences techniques et financières, la DDP exigeait des soumissionnaires qu’ils répondent à des exigences administratives précises. La clause 2.6 de la DDP précise les conséquences du non-respect de cette exigence administrative particulière :

[…] Toute modification, ou prix conditionnel du soumissionnaire, y compris les suppressions ou tout ajout apporté aux articles, aux clauses et aux modalités contenus ou mentionnés dans la présente DDP feront en sorte que la soumission soit jugée non recevable.

25. La soumission du plaignant comprenait une clause de non-responsabilité qui modifiait les modalités de la DDP en incluant les modalités du plaignant dans sa soumission. Le SCDATA a ensuite appliqué à juste titre le libellé obligatoire de la DDP pour juger la soumission du plaignant non conforme.

Question 2 – Le Service canadien d’appui aux tribunaux administratifs avait-il l’obligation de clarifier la soumission avant d’en déterminer la conformité?

26. Le plaignant a déclaré que si une soumission ne répondait manifestement pas à un critère obligatoire, il était compréhensible que l’autorité contractante déclare cette soumission non conforme. Toutefois, [Traduction] « […] dans le cas où un simple éclaircissement est nécessaire, l’autorité contractante peut demander un éclaircissement. La question aurait pu (AURAIT DÛ) être réglée en 5 minutes dans le cadre d’un échange de courriels ».

27. Dans sa réponse au BOA, le SCDATA a déclaré avoir agi de bonne foi et respecté son devoir d’équité envers les soumissionnaires qui avaient suivi les instructions de la DDP et soumis des soumissions conformes. Il a également déclaré que la révocation des modalités après la clôture des soumissions serait considérée comme une modification à une soumission.

28. La section 10.8.7 de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (PMCT) énonce ce qui suit :

  1. 10.8.7 Les soumissions ou propositions qui répondent aux exigences impératives, mais contiennent une irrégularité mineure, peuvent être considérées si, de l’avis de la direction de l’autorité contractante :
    1. a) l’irrégularité est insignifiante ou négligeable en comparaison du coût total ou de l’importance des biens ou des services à fournir;
    2. b) la présence de l’irrégularité, sa suppression par négociation ou son explication par le soumissionnaire ne peut pas être considérée préjudiciable pour les autres soumissionnaires; et
    3. c) la décision d’accepter de telles soumissions est tout à fait justifiée au vu du dossier.

29. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la DDP incorporait les Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA, qui comprennent les éléments suivants :

  1. 16.1 Lorsque le Canada évalue les soumissions, il peut, sans toutefois y être obligé, effectuer ce qui suit : [caractères gras ajoutés]
    1. a) demander des précisions ou vérifier l’exactitude de certains renseignements ou de tous les renseignements fournis par les soumissionnaires relatifs à la demande de soumissions;

Analyse de la question 2

30. Comme l’indique la section 16.1 des Instructions uniformisées 2003 du Guide des CCUA, le Canada peut clarifier le contenu d’une soumission, mais n’est pas tenu de le faire. Par conséquent, il n’y a aucune obligation légale pour le SCDATA de clarifier les modalités ou les libellés ambigus dans la soumission d’un soumissionnaire.

31. Selon la PMCT, une clarification doit concerner une irrégularité « mineure » ou « insignifiante », et sa présence ou sa suppression ne peut pas être considérée préjudiciable pour les autres soumissionnaires.

32. Le Tribunal canadien du commerce extérieur (l’organe quasi judiciaire qui mène des enquêtes sur les plaintes des fournisseurs potentiels et examine des questions telles que l’évaluation équitable des soumissions et leur conformité aux modalités énoncées dans le processus d’acquisition) a défini comme suit les différences entre la modification et la clarification des soumissions :

Le terme « modification d’une soumission » est utilisé pour décrire des modifications ou des changements inappropriés à une soumission effectués par le soumissionnaire ou par l’entité acheteuse après la date de clôture des soumissions. En revanche, un éclaircissement est une explication d’un aspect existant d’une proposition, qui n’équivaut pas à une révision ou une modification substantielle de la proposition.Note de bas de page 2

L’irrégularité et l’interdiction de la modification des soumissions assurent à chaque soumissionnaire des chances justes et équitables dans le processus d’évaluation des soumissions.

33. Le SCDATA n’était pas tenu de demander des éclaircissements sur la soumission du plaignant. Il aurait pu le faire, mais a choisi de ne pas le faire. Le BOA n’a pas le mandat de créer de nouvelles exigences juridiques telles que l’obligation de demander des éclaircissements aux soumissionnaires, mais il peut fournir des orientations aux autorités contractantes en ce qui concerne les cas où le pouvoir discrétionnaire de demander des éclaircissements pourrait être exercé. Le BOA estime que les organisations fédérales, lorsqu’elles décident de demander ou non des éclaircissements, devraient prendre en considération les éléments suivants :

  1. a) La réponse du soumissionnaire peut-elle altérer ou modifier de manière inappropriée une partie de sa soumission, y ajouter quelque chose ou en supprimer quelque chose? À l’inverse, la réponse du soumissionnaire peut-elle simplement expliquer une modalité de sa soumission, qui reste inchangée et non modifiée?
  2. b) Le besoin d’éclaircissement est-il attribuable au fait qu’un soumissionnaire n’a pas fourni une soumission compréhensible et suffisamment détaillée?
  3. c) Le manque de clarté aurait-il pu être facilement évité si le ministère avait utilisé un libellé différent dans ses documents de demande de soumissions?

Constatation – Question 2

34. Le plaignant a affirmé à juste titre que le SCDATA est autorisé à demander des éclaircissements dans certaines circonstances. Cependant, aucune obligation ou condition ne force le SCDATA à le faire et, par conséquent, le SCDATA n’avait pas à clarifier la soumission avant d’en déterminer la conformité.

Conclusion

35. L’ombudsman de l’approvisionnement a jugé qu’aucune des deux questions soulevées par le plaignant n’était fondée :

  • Les modalités de la DDP indiquent clairement aux soumissionnaires que « … toute modification (…), y compris les suppressions ou tout ajout apporté aux articles, aux clauses et aux modalités contenus ou mentionnés dans la DDP feront en sorte que la soumission soit jugée non recevable (…) ». La soumission du plaignant comprenait une clause de non-responsabilité qui modifiait les modalités de la DDP en incluant les modalités du plaignant dans sa soumission. Par conséquent, pour être juste envers les autres soumissionnaires et pour maintenir l’intégrité du processus de passation de marchés, le SCDATA a dû juger la soumission du plaignant non conforme en raison de l’inclusion de la clause de non-responsabilité.
  • Le plaignant a affirmé à juste titre que le SCDATA est autorisé à demander des éclaircissements dans certaines circonstances. Cependant, aucune obligation ou condition ne force le SCDATA à le faire et, par conséquent, le SCDATA n’avait pas à clarifier la soumission avant d’en déterminer la conformité.
Date de modification :