Examen d’une plainte : Acquisition de services d'inventaire de chiroptères sur les îles du fleuve Saint Laurent par Services Publics et Approvisionnement Canada
Mars 2021
Sur cette page
- La plainte
- Mandat
- Chronologie
- Analyse des questions et constatations
- Question 1 : Les services d’inventaire de chiroptères s’inscrivaient-ils dans la portée de l’offre à commandes individuelle et régionale, et Services publics et Approvisionnement Canada était-il autorisé à attribuer le contrat à l’un des 6 fournisseurs qualifiés dans le cadre de l’offre à commandes individuelle et régionale au moyen d’une commande subséquente?
- Question 2 : Services publics et Approvisionnement Canada avait-il l’obligation d’attribuer le contrat au plaignant?
- Autres observations
- Conclusion
La plainte
1. Le 9 septembre 2020, le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite de la part d’un fournisseur (le plaignant) concernant un contrat attribué par Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) pour le compte d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC). Le contrat portait sur la prestation de services relatifs à la réalisation d’inventaire de chiroptères sur les îles du fleuve Saint-Laurent. Le contrat a été attribué à titre de commande subséquente dans le cadre de l’offre à commandes individuelle et régionale (OCIR) EE517-173360, établie par SPAC pour la prestation de services environnementaux au Québec. Le contrat a été attribué le 3 juillet 2020 et était évalué à 56 487,28 $, taxes comprises.
2. Le plaignant a communiqué avec le BOA pour l’aviser qu’il pensait avoir décelé plusieurs irrégularités dans l’attribution du contrat de SPAC relatif à la réalisation d’inventaire des chiroptères. Le plaignant a allégué que le contrat avait été attribué à une entreprise moins qualifiée pour un prix plus élevé qu’il avait proposé. Le plaignant a également allégué que SPAC avait agi comme si le contrat allait être attribué à un fournisseur unique (c'est-à-dire non concurrentiel) puisque le processus d’appel d’offres se faisait de façon informelle et par l’intermédiaire d’une entreprise du secteur privé. Enfin, le plaignant a fait remarquer qu’un processus concurrentiel n’était pas nécessaire puisque le prix de sa proposition était inférieur au seuil de 40 000 $, taxes comprises.
3. Le présent rapport porte sur les questions suivantes soulevées par la plainte :
- Les services d’inventaire de chiroptères s’inscrivaient-ils dans la portée de l’OCIR, et SPAC était-il autorisé à attribuer le contrat à l’un des 6 fournisseurs qualifiés dans le cadre de l’OCIR au moyen d’une commande subséquente?
- SPAC avait-il l’obligation d’attribuer le contrat au plaignant?
4. Le 11 septembre 2020, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (le Règlement) et la plainte a été considérée comme déposée.
Mandat
5. L’examen de la plainte a été réalisé en vertu de l’alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et en vertu des articles 7 à 14 du Règlement.
6. Conformément au paragraphe 9(2) du Règlement, l’ombudsman de l’approvisionnement a demandé que SPAC fournisse l’ensemble des documents ministériels liés à l’approvisionnement du contrat en question ainsi que les politiques et les lignes directrices en vigueur au moment de l’invitation à soumissionner. L’ombudsman de l’approvisionnement a également demandé au plaignant de lui fournir tout renseignement supplémentaire n’ayant pas déjà été fourni dans le cadre de la plainte.
7. Conformément au paragraphe 11(2) du Règlement, SPAC a demandé le recours à une procédure élaborée d’examen de plainte. Cela permet au plaignant et au ministère ayant attribué le contrat (SPAC) de présenter des observations supplémentaires. Il prolonge également le délai accordé aux parties pour présenter leurs observations, tout en maintenant le calendrier d’examen standard. Le BOA a donné suite à la demande et la procédure d’examen élaborée a été utilisée.
8. Les constatations du présent rapport sont fondées sur les documents fournis par le plaignant et SPAC ainsi que sur des renseignements pertinents accessibles au public. La divulgation, par le plaignant ou SPAC, de documents ou de renseignements pertinents après la publication du présent rapport pourrait avoir une incidence sur les conclusions présentées dans celui-ci.
Chronologie
9. En janvier 2018, SPAC a établi l’OCIR avec 6 fournisseurs qualifiés pour fournir des services environnementaux partout au Québec. Les fournisseurs qualifiés ont été classés en fonction des cotes obtenues au cours du processus d’évaluation, le travail étant attribué selon une échelle mobile de classement, c'est-à-dire que le fournisseur classé au premier rang exécuterait plus de travail que le fournisseur classé au deuxième rang, et ainsi de suite. Le plaignant n’est pas l’un des 6 fournisseurs qui se sont qualifiés en vertu de l’OCIR.
10. Le 28 février 2020, SPAC a communiqué avec le fournisseur s’étant le mieux classé (ci-après appelé « premier fournisseur de l’OCIR ») pour confirmer son intérêt et sa capacité à réaliser des inventaires des amphibiens, des reptiles, des oiseaux migrateurs et des plantes sur certaines îles du fleuve Saint-Laurent entre Montréal et le lac Saint-Pierre.
11. Le 16 mars 2020, SPAC a envoyé au premier fournisseur de l’OCIR une ébauche de l’énoncé des travaux (EDT). Le même EDT a également été envoyé à ECCC pour examen le lendemain. SPAC a avisé le premier fournisseur de l’OCIR de s’attendre à certains changements à l’ébauche de l’EDT à la suite des commentaires d’ECCC. SPAC a informé le premier fournisseur de l’OCIR que l’ébauche de l’EDT devrait lui permettre de planifier et de préparer une offre de service. SPAC confirme également qu’une réunion allait avoir lieu plus tard au cours de la semaine.
12. Après avoir reçu la soumission du premier fournisseur de l’OCIR le 27 avril 2020, ECCC a envoyé un courriel à SPAC le 7 mai 2020 qui contenait 3 exigences supplémentaires, dont l’un consistait à effectuer des inventaires de chiroptères sur ces mêmes îles. Les 2 autres exigences (concernant un inventaire des plantes envahissantes et la caractérisation des associations végétales) n’étaient pas liées au sujet de cet examen. SPAC a transmis ces exigences supplémentaires au premier fournisseur de l’OCIR. Le premier fournisseur de l’OCIR a ensuite demandé une proposition à un sous-traitant potentiel (le plaignant) pour la réalisation d’inventaire de chiroptères.
13. Le 22 mai 2020, le plaignant a présenté sa proposition au premier fournisseur de l’OCIR au montant de 45 431,22 $, taxes comprises. Le premier fournisseur de l’OCIR a fourni le montant de la proposition à SPAC au cours de la semaine du 25 mai 2020.
14. Le 3 juin 2020, SPAC a demandé au premier fournisseur de l’OCIR de lui transmettre la proposition du plaignant, ce que le premier fournisseur de l’OCIR a fait le même jour. De plus, ce jour-là, SPAC a communiqué avec le premier fournisseur de l’OCIR pour lui suggérer d’organiser une conférence téléphonique tripartite avec le plaignant afin de discuter de certains des coûts ainsi que d’autres éléments de la proposition.
15. Le 4 juin 2020, le premier fournisseur de l’OCIR, le plaignant et SPAC ont tenu une conférence téléphonique tripartite.
16. Le 5 juin 2020, le plaignant a envoyé par courriel une explication détaillée de sa proposition directement à SPAC et a inclus le premier fournisseur de l’OCIR dans le courriel (c'est-à-dire en « copie conforme »).
17. Le 7 juin 2020, le plaignant a envoyé une proposition révisée de 34 000,89 $, taxes comprises, au premier fournisseur de l’OCIR qui, à son tour, l’a transmise à SPAC le 8 juin 2020.
18. Le 12 juin 2020, SPAC a informé le premier fournisseur de l’OCIR que le volet de l’inventaire des chiroptères avait été retiré de l’EDT.
19. Le 15 juin 2020, le premier fournisseur de l’OCIR a informé le plaignant que SPAC et ECCC avaient décidé de ne pas retenir les services du plaignant pour réaliser les travaux d’inventaire des chiroptères car ils avaient obtenu une meilleure offre d’un concurrent et avaient décidé de retirer les services d’inventaire de chiroptères des exigences du premier fournisseur de l’OCIR.
20. Entre le 22 juin et le 23 juin 2020, le plaignant a envoyé 4 courriels à SPAC pour demander le nom du fournisseur sélectionné et le montant de la commande subséquente visant la réalisation des inventaires de chiroptères, sans recevoir de réponse. Peu après, le plaignant a déposé une demande à ECCC en vertu de la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir des renseignements sur l’attribution du contrat.
21. Le 3 juillet 2020, SPAC a émis la commande numéro 700520992 à un autre fournisseur qualifié dans le cadre de l’OCIR (« deuxième fournisseur de l’OCIR ») pour qu’il effectue les services d’inventaire de chiroptères, au montant de 56 487,28 $, taxes comprises.
22. Le 21 août 2020, le plaignant a reçu en réponse une lettre d’ECCC datée du 19 août 2020 indiquant qu’aucun document lié à sa demande n’a été trouvé et suggérant au plaignant de déposer une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP) à SPAC, l’autorité contractante, puisqu’il s’agissait de documents contractuels.
23. Le 24 août 2020, le plaignant a présenté une demande à SPAC en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
24. Le 8 septembre 2020, le plaignant a reçu une réponse à sa demande d’AIPRP de la part de SPAC, qui a fourni le nom du détenteur d’OCIR 2, la date d’attribution du contrat et le montant du contrat.
25. Le 9 septembre 2020, le plaignant a présenté sa plainte au BOA.
26. Le 21 septembre 2020, le BOA a informé le plaignant et SPAC qu’il y aurait un examen officiel de la plainte.
Analyse des questions et constatations
Question 1 : Les services d’inventaire de chiroptères s’inscrivaient-ils dans la portée de l’offre à commandes individuelle et régionale, et Services publics et Approvisionnement Canada était-il autorisé à attribuer le contrat à l’un des 6 fournisseurs qualifiés dans le cadre de l’offre à commandes individuelle et régionale au moyen d’une commande subséquente?
27. Le plaignant a déclaré qu’un processus concurrentiel n’était pas nécessaire puisque le prix de sa proposition était inférieur au seuil de 40 000 $, taxes comprises. Puisqu’une OCIR avait été émise pour la prestation de services environnementaux au Québec, cela soulève la question plus vaste de savoir si les services d’inventaire de chiroptères relevaient de la portée de l’OCIR et si SPAC a agi correctement en attribuant le contrat en tant que commande subséquente en vertu de l’OCIR.
28. Le BOA n’a pas la compétence requise pour examiner le processus selon lequel les 6 fournisseurs ont été qualifiés dans le cadre de l’OCIR en raison des limites du mandat législatif de l’ombudsman de l’approvisionnement. Toutefois, le BOA peut examiner les commandes subséquentes (c'est-à-dire les contrats) accordées en vertu de l’OCIR et déterminer si les services d’inventaire de chiroptères s’inscrivent dans la portée de l’OCIR.
29. Le Guide des approvisionnements de SPAC (le Guide) comprend des politiques et des procédures rédigées à l’intention des agents de négociation des contrats de SPAC qui aident ces derniers à offrir des services d’approvisionnement à titre de fournisseur de services communs. La section 3.5 du Guide est particulièrement pertinente dans le cas de la plainte présentée au BOA, car elle décrit le processus à suivre pour savoir s’il faut utiliser un instrument d’achat établi (par exemple l’OCIR) ou une autre méthode d’approvisionnement. Cette section précise qu’avant de déterminer une nouvelle méthode d’approvisionnement pour l’exigence, l’agent de négociation des contrats doit d’abord s’assurer que le bien ou le service n’est pas déjà disponible au moyen d’un instrument d’achat existant. Les clients devraient être encouragés à utiliser les offres à commandes ou les arrangements en matière d’approvisionnement obligatoires ou non obligatoires pour satisfaire aux exigences, si possible.
30. Comme il a été mentionné ci-dessus, le premier fournisseur et le deuxième fournisseur se sont qualifiés en vertu de l’OCIR en question. La durée de l’OCIR était de 2 ans et comprenait 2 périodes d’option d’un an à exercer à la discrétion de SPAC. Les 2 périodes d’option ont été exercées, et la date de fin de l’OCIR est le 31 octobre 2021.
31. Des offres à commandes existent pour un éventail de biens et de services. Certaines sont destinées à tous les ministères dans toutes les provinces et tous les territoires, tandis que d’autres ont une portée plus limitée. Dans ce cas précis, l’OCIR a été établie uniquement pour être utilisée par SPAC et pour le compte d’autres ministères en vue d’acquérir des services environnementaux particuliers au Québec.
32.Les offres à commandes sont également obligatoires ou non obligatoires. Si une offre à commandes est obligatoire, elle doit servir à acheter des biens et des services qui relèvent de sa portée. Dans le cas présent, l’OCIR n’est pas obligatoire.
33. En ce qui concerne les types de travaux qui peuvent être réalisés dans le cadre de l’OCIR, ils comprennent ce qui suit :
C 1.3 Inventaire visant une ou plusieurs espèces de divers milieux, tel que :
- Faune terrestre
- Faune aquatique
- Flore terrestre
- Flore aquatique
1.3.1 Préparation du plan et du protocole d’inventaire;
1.3.2 Réalisation d’inventaire et, sur demande, préparation d’un document de présentation des résultats (tableaux, figures ou autres);
1.3.3 Réalisation de l’analyse et/ou interprétation des résultats d’inventaire et préparation d’un rapport ou d’avis d’expert. »
Analyse de la question 1
34. L’OCIR a été créé pour fournir, sur demande, des services environnementaux dans des emplacements situés partout au Québec. Comme SPAC est le seul utilisateur autorisé de l’OCIR, il agit à titre de coordonnateur pour d’autres organismes et ministères et est chargé d’émettre les commandes en leur nom. Dans le cas présent, SPAC a émis la commande au nom d’ECCC.
35. L’exigence initiale d’ECCC était d’effectuer un inventaire des amphibiens, des reptiles, des oiseaux migrateurs et des plantes. La raison pour laquelle ECCC n’a pas inclus les travaux d’inventaire de chiroptères dans son exigence originale n’est pas évidente, ni la raison pour laquelle ce travail a été ajouté après que le premier fournisseur de l’OCIR a présenté sa soumission.
36. Le mandat relatif à l’inventaire des chiroptères, comme il est expliqué dans l’EDT de la commande numéro 700520992, stipule que les travaux suivants doivent être effectués :
1. Contexte et mise en situation
[…]
SPAC requiert les services d’un expert-conseil afin de réaliser les inventaires de chiroptères. Dans le cadre de ces inventaires, une attention particulière devra être apportée aux espèces à statut précaire, c’est-à-dire aux espèces en péril protégées en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) et aux espèces désignées menacées ou vulnérables au Québec en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV).
[…]
1.1 Zone d’étude
La zone d’étude inclut 25 îles situées entre Montréal et le lac Saint-Pierre, réparties sur trois archipels, soit l’archipel de Boucherville, l’archipel de Varennes-Verchères et l’archipel du lac Saint-Pierre. […]
[…]
4. Mandat
L’expert-conseil aura comme mandat de réaliser des inventaires de chiroptères sur le territoire ciblé par le projet, en portant une attention particulière sur les espèces à statut précaire. Les résultats d’inventaire permettront de dresser un portrait actuel des archipels et îles ciblés et d’orienter le processus de décision dans le cadre de la création de RNF [réserves fauniques nationales].
[…]
L’inventaire des chiroptères sera réalisé selon le protocole standardisé. Les périodes d’inventaires devront couvrir la période de reproduction et de nidification.
Le consultant effectuera les travaux suivants pour identifier les espèces et les habitats associés aux chiroptères :
- Effectuer l’inventaire des chiroptères sur le territoire d’étude;
- Caractériser l’habitat des espèces présentes;
- Obtenir des indices d’abondance relative pour chaque espèce;
- Localiser les espèces en péril;
- Décrire les habitats utilisés par les espèces en péril.
37. Comme le stipule le paragraphe 12(2) du Règlement : « [L]’ombudsman de l’approvisionnement ne peut substituer son jugement à celui des personnes ayant participé au processus d’acquisition en cause relativement à l’évaluation de toute soumission, sauf si la preuve écrite établissant l’évaluation est insuffisante ou si l’évaluation est déraisonnable ». Bien que cette norme soit destinée à s'appliquer à l'évaluation des soumissions, elle reste une norme utile pour évaluer les actions de SPAC dans ce cas.
38. Un principe clé de l’interprétation des contrats de la common law est que les mots ont leur sens « ordinaire ». Selon le Canadian Oxford Dictionary, une chauve-souris est un mammifère de l’ordre des chiroptères (mammal of the order of Chiroptera)Note de bas de page 1. Un examen plus approfondi de la documentation, qui a porté entre autres sur un rapport environnemental de Statistique Canada sur les espèces en voie de disparition et sur la Loi sur les espèces en péril, indique que les chiroptères sont considérés comme des mammifères terrestres. En se fondant sur l’examen des renseignements pertinents accessibles au public, le BOA admet qu’il est raisonnable de catégoriser les chiroptères parmi la « faune terrestre » et, par conséquent, convient que les travaux d’inventaire de chiroptères relèvent de la portée des services de l’OCIR.
39. Considérant que : 1) les travaux d’inventaire des chiroptères se rapportaient à la faune terrestre couverte par l’OCIR, 2) les travaux devaient avoir lieu au Québec et 3) SPAC a émis la commande au nom d’ECCC, SPAC avait le droit d’attribuer le contrat en vertu de l’OCIR. Puisque le Guide des approvisionnements de SPAC encourage ses agents de négociation des contrats à utiliser les offres à commandes existantes dans la mesure du possible, il s’ensuit que SPAC aurait pu attribuer le contrat à l’un des 6 titulaires de l’OCIR qualifiés.
Constatation – Question 1
40. Le BOA estime que la portée des travaux de la commande numéro 700520992 visant l’inventaire des populations de chiroptères sur les îles du fleuve Saint-Laurent relève de la portée de l’OCIR et, par conséquent, SPAC était autorisé à attribuer le contrat à l’un des 6 fournisseurs qualifiés en vertu de l’OCIR, en l’occurrence le deuxième fournisseur.
Question 2 : Services publics et Approvisionnement Canada avait-il l’obligation d’attribuer le contrat au plaignant?
41. Le plaignant a allégué que SPAC avait attribué le contrat portant sur les travaux d’inventaire de chiroptères à une entreprise moins qualifiée (deuxième fournisseur de l’OCIR) qui demandait un prix plus élevé. Le plaignant a en outre allégué que SPAC avait agi comme si le contrat allait être attribué à un fournisseur unique (c'est-à-dire non concurrentiel) puisque le processus d’appel d’offres s’est fait de façon informelle et par l’intermédiaire d’une entreprise du secteur privé (premier fournisseur de l’OCIR). Le plaignant a également fait remarquer qu’un processus concurrentiel n’était pas nécessaire puisque le prix de sa proposition était inférieur au seuil de 40 000 $, taxes comprises.
42. Dans les documents qu’il a transmis au BOA, SPAC a déclaré que le plaignant avait mal compris le processus de passation de marchés et que l’un des fournisseurs qualifiés de l’OCIR (le premier fournisseur) a sollicité les services du plaignant à titre de sous-traitant potentiel par opposition à ce que SPAC communique directement avec le plaignant en tant qu’entrepreneur potentiel. SPAC a ajouté que le premier fournisseur de l’OCIR s’était déjà qualifié dans le cadre du processus de demande d’offre à commandes (DOC) et qu’il est à la fois courant et autorisé pour les fournisseurs qualifiés de communiquer avec des sous-traitants potentiels pour obtenir des soumissions.
43. Le plaignant a reconnu qu’il comprenait que son rôle était celui d’un sous-traitant du premier fournisseur de l’OCIR. Toutefois, il a soutenu que, puisque le premier fournisseur de l’OCIR ne pouvait pas offrir de services d’inventaire de chiroptères, le plaignant a commencé à traiter directement avec SPAC. Le plaignant a également déclaré qu’un deuxième appel d’offres aurait dû être lancé spécifiquement pour les travaux d’inventaire de chiroptères puisque le premier fournisseur de l’OCIR n’a pas été en mesure d’effectuer les travaux.
44. L’objectif de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (PMCT) est de « permettre l’acquisition de biens et de services et l’exécution de travaux de construction, d’une manière qui contribue à accroître l’accès, la concurrence et l’équité, qui soit la plus rentable […] ».
45. La section 3.5.a. du Guide des approvisionnements de SPAC stipule que la première étape que doivent suivre les acheteurs (par exemple les agents de négociation des contrats) lorsqu’un client leur soumet un nouveau mandat consiste à déterminer si un instrument d’approvisionnement existant a déjà permis d’acquérir le bien ou le service en question. Si c’est le cas, les clients sont encouragés à utiliser les offres à commandes ou les arrangements en matière d’approvisionnement obligatoires ou non obligatoires pour satisfaire aux exigences, dans la mesure du possible.
46. Comme il a été mentionné précédemment, bien que SPAC soit encouragé à utiliser l’instrument d’approvisionnement existant (c'est-à-dire l’OCIR) pour répondre aux exigences, l’OCIR en question n’est pas obligatoire et SPAC n’est pas obligé de l’utiliser. Plus précisément, l’OCIR intègre les conditions générales 2005 (2016-04-04) du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (CCUA), dont voici un extrait :
2005 02 (2006-08-15) Généralités
L’offrant convient qu’une offre à commandes ne constitue pas un contrat et que la publication de la présente offre à commandes et autorisation en matière de commandes subséquentes n’oblige ni engage le Canada à acquérir ou à établir un contrat pour les biens ou les services, ou les deux, énumérés dans l’offre à commandes. L’offrant reconnaît et convient que le Canada a le droit d’acquérir les biens ou les services, ou les deux, énumérés dans l’offre à commandes par le biais d’un autre contrat, une autre offre à commandes ou une autre méthode contractuelle quelconque.
47. Les conditions générales de l’OCIR traitent également du pouvoir des détenteurs d’OCIR de sous-traiter :
2010B 06 (2013-06-27) Contrats de sous-traitance
L’entrepreneur peut confier en sous-traitance la fourniture des biens ou des services qu’il sous-traite normalement. Dans tous les autres cas, il doit obtenir l’accord préalable écrit de l’autorité contractante. L’autorité contractante peut exiger que l’entrepreneur lui fournisse les détails qu’il juge nécessaires du contrat de sous-traitance proposé.
48. Cela est également expliqué à la section D de l’EDT de l’OCIR :
Sous-traitance
Les tâches, rôles et responsabilités du directeur de projet ainsi que du chargé de projet ne peuvent pas être exécutés ni pris en charge par un sous-traitant. De plus, le soumissionnaire s’engage à minimiser le pourcentage des travaux qui sera réalisé en sous-traitance. Le soumissionnaire demeure seul responsable de la qualité des travaux, du respect du budget et du calendrier relativement aux tâches qui seront réalisées en sous-traitance.
L’entrepreneur peut confier en sous-traitance la fourniture des biens ou des services qu’il sous-traite normalement. Dans tous les autres cas, il doit obtenir l’accord préalable écrit de l’autorité contractante. L’autorité contractante peut exiger que l’entrepreneur lui fournisse les détails qu’il juge nécessaires du contrat de sous-traitance proposé.
Analyse de la question 2
49. Les travaux initiaux requis par ECCC (à l’exclusion des services d’inventaire de chiroptères) s’inscrivaient dans la portée d’une OCIR établie et SPAC a choisi à juste titre d’utiliser cette OCIR pour satisfaire aux exigences d’ECCC. Selon SPAC, lorsque ECCC a présenté son mandat initial, le premier fournisseur de l’OCIR était le fournisseur qualifié suivant, de sorte que SPAC a communiqué avec lui pour confirmer sa disponibilité et sa capacité d’exécuter les travaux. Le premier fournisseur de l’OCIR a ensuite présenté une proposition à SPAC.
50. Le mandat a ensuite été modifié pour inclure les services d’inventaire de chiroptères. Étant donné que l’OCIR permet la sous-traitance et que, selon SPAC, le premier fournisseur de l’OCIR n’avait pas l’expertise interne nécessaire pour effectuer ce travail, le premier fournisseur de l’OCIR a demandé une proposition au plaignant.
51. Après avoir reçu la proposition du plaignant le 22 mai 2020, le premier fournisseur de l’OCIR a informé SPAC de la valeur de la proposition, soit 45 431,22 $, taxes comprises. SPAC a ensuite demandé une copie de la proposition, que le premier fournisseur de l’OCIR a transmise à SPAC le 3 juin 2020. Par la suite, SPAC a suggéré que le premier fournisseur de l’OCIR organise une conférence téléphonique tripartite avec le plaignant pour discuter de plusieurs éléments de la proposition du plaignant.
52. Cette conférence téléphonique a eu lieu le 4 juin 2020. Il n’y a pas de compte rendu officiel de ce qui a été discuté au cours de cet appel. Mais, après l’appel :
- le 5 juin 2020, le plaignant a envoyé par courriel une explication détaillée de sa proposition directement à SPAC et a inclus le premier fournisseur de l’OCIR dans le courriel (en « copie conforme »);
- le 7 juin 2020, le plaignant a envoyé au premier fournisseur de l’OCIR une proposition révisée avec un prix réduit établi à 34 000,89 $, taxes comprises. À son tour, le premier fournisseur de l’OCIR a transmis la nouvelle proposition à SPAC le 8 juin 2020.
53. SPAC a informé le BOA que l’examen de la proposition d’un sous-traitant fait partie de son processus habituel d’évaluation lors de l’émission d’une commande subséquente. Le ministère a indiqué que l’évaluation de toute soumission dans le cadre d’une commande subséquente est fondée sur la proposition technique et financière de tous les services requis pour exécuter l’EDT, y compris la sous-traitance. Comme il a été mentionné précédemment, les conditions générales de l’OCIR permettent à un entrepreneur de sous-traiter des travaux qu’il n’exécute habituellement pas; toutefois, l’approbation écrite de SPAC est requise pour sous-traiter des travaux habituellement exécutés par l’entrepreneur. Dans le cas présent, d’après les dossiers fournis par SPAC, il n’était pas clairement précisé si le premier fournisseur de l’OCIR avait la capacité interne et effectuait habituellement des travaux d’inventaire de chiroptères, si l’approbation de SPAC pour la sous-traitance était requise et, par conséquent, s’il était approprié pour SPAC de rencontrer directement un sous-traitant potentiel avant la mise en place de l’un ou l’autre des contrats.
54. Selon SPAC, après le dépôt de la deuxième soumission du plaignant, le premier fournisseur de l’OCIR et le plaignant n’ont pas été en mesure de conclure une entente contractuelle officielle qui aurait permis au plaignant de devenir un sous-traitant. Le 12 juin 2020, après avoir discuté de la situation avec le premier fournisseur de l’OCIR, SPAC a retiré de l’EDT les services d’inventaire de chiroptères.
55. Dans un courriel daté du 15 juin 2020 adressé au plaignant et expliquant pourquoi il n’obtiendrait pas contrat en sous-traitance, le premier fournisseur de l’OCIR a déclaré que SPAC et ECCC avaient obtenu d’autres propositions et reçu une meilleure offre. SPAC a informé le BOA qu’après avoir retiré le volet relatif à la réalisation d’inventaires de chiroptères de l’EDT du premier fournisseur de l’OCIR le 12 juin 2020, il s’est adressé au détenteur de l’OCIR suivant, mais qu’il n’avait pas de proposition financière pour ces services avant la fin de juin.
56. Le premier fournisseur de l’OCIR n’était pas partie à cette plainte, de sorte que le BOA n’a pas reçu d’observations directement de sa part. Le BOA ne sait pas pourquoi le premier fournisseur de l’OCIR a dit au plaignant que les travaux de sous-traitance ne lui seraient pas attribués parce que SPAC et ECCC avaient reçu une meilleure offre d’un concurrent. SPAC a dit au BOA qu’il a retiré les services d’inventaire de chiroptères de l’EDT et qu’il est passé au fournisseur qualifié suivant parce que le premier fournisseur de l’OCIR et le plaignant n’ont pas pu conclure d’entente contractuelle. Quoi qu’il en soit, les faits relatifs à cette plainte ne changent pas : les services d’inventaire de chiroptères ont été retirés de l’EDT du premier fournisseur de l’OCIR et, le 3 juillet 2020, une commande subséquente pour ce travail a été envoyée au deuxième fournisseur de l’OCIR au montant de 56 487,28 $, taxes comprises.
57. Le BOA est d’accord avec l’affirmation du plaignant selon laquelle SPAC aurait pu choisir d’attribuer directement un contrat d’inventaire de chiroptères sans solliciter de propositions d’autres fournisseurs, étant donné que la valeur estimative du service était inférieure au seuil de 40 000 $, taxes comprises. Toutefois, comme il a été mentionné ci-dessus, SPAC était en droit d’opter pour l’attribution du contrat à un fournisseur qualifié (c'est-à-dire le deuxième fournisseur de l’OCIR) au moyen de la méthode de passation de marchés de l’OCIR.
Constatation – Question 2
58. Le BOA conclut que SPAC n’avait aucune obligation d’attribuer le contrat au plaignant. Même si SPAC aurait pu choisir d’attribuer le contrat d’inventaire de chiroptères directement à un fournisseur non qualifié (comme le plaignant), il était en droit d’opter pour l’attribution du contrat à un fournisseur qualifié (c'est-à-dire le deuxième fournisseur de l’OCIR) au moyen d’une commande subséquente en vertu de l’OCIR.
Autres observations
59. Le BOA note que le montant de la commande numéro 700520992 (56 487,28 $, taxes comprises) est supérieur de plus de 22 000 $ à la deuxième estimation du plaignant. Toutefois, les renseignements financiers du plaignant et du deuxième fournisseur de l’OCIR ont été caviardés par SPAC avant d’être soumis au BOA car ils contenaient des renseignements de tiers et qu’ils sont considérés comme confidentiels sur le plan commercial. Le BOA n’est donc pas en mesure de déterminer pourquoi il y avait une différence de prix importante entre les deux propositions et si le contrat attribué pour les services d’inventaire de chiroptères représentait le meilleur rapport qualité-prix pour l’État.
60. Le BOA note également que la participation de SPAC à des discussions tripartites avec un entrepreneur potentiel (premier fournisseur de l’OCIR) et son sous-traitant proposé (le plaignant) peut avoir brouillé les limites concernant les rôles des parties. Il n’est pas recommandé pour les ministères fédéraux de communiquer directement avec un sous-traitant potentiel et de recevoir de la documentation directement d’un sous-traitant avant la mise en place des contrats, à moins que les raisons d’agir ainsi ne soient clairement énoncées par écrit aux parties. La confusion concernant les relations entre les parties est exacerbée par les facteurs suivants :
- Le premier fournisseur de l’OCIR n’a fait que transmettre la proposition initiale du plaignant à SPAC sans indiquer clairement qu’il s’agissait de sa propre proposition en tant qu’entrepreneur principal.
- Le plaignant (qui a reconnu avoir compris son rôle de sous-traitant auprès du premier fournisseur de l’OCIR) a envoyé l’explication détaillée de sa proposition directement à SPAC plutôt qu’au premier fournisseur de l’OCIR.
- SPAC a reçu une explication détaillée de la proposition du plaignant directement du plaignant et n’a pas donné instruction au plaignant de présenter ces renseignements par l’intermédiaire du premier fournisseur de l’OCIR.
61. Le flou résultant des communications entre le Ministère, le contractant et le potentiel sous-traitant aurait pu être évité et chaque partie est en partie responsable de la confusion qui a mené à cette plainte.
62. Le BOA insiste sur la nécessité de transmettre des communications opportunes et précises avec les fournisseurs, soit par le processus d’appel d’offres, soit par des lettres de refus. Dans ce cas particulier, comme le plaignant était considéré comme un sous-traitant potentiel, les circonstances n’ont pas exigé une réponse officielle, c'est-à-dire une lettre de refus, de la part de SPAC. Cela a amené le plaignant à présenter une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information pour obtenir les renseignements demandés.
Conclusion
63. L’ombudsman de l’approvisionnement a jugé qu’aucune des deux questions soulevées par la plainte n’était fondée :
- Puisque l’obligation de mener des travaux d’inventaire de chiroptères sur les îles du fleuve Saint-Laurent relève d’une OCIR établie, SPAC était en droit d’attribuer le contrat à l’un des 6 fournisseurs qualifiés en vertu de l’OCIR, y compris le deuxième fournisseur de l’OCIR, à qui le contrat a finalement été attribué. Par conséquent, SPAC n’était pas tenu d’attribuer le contrat en question au plaignant.
- Nonobstant ce qui précède, le BOA fait remarquer que la participation de SPAC à des discussions tripartites avec un contractant potentiel (premier fournisseur de l’OCIR) et son sous-traitant proposé (le plaignant) peut avoir créé de la confusion concernant les rôles des parties et de fausses attentes de la part du plaignant. Il n’est pas recommandé, pour les ministères fédéraux, de communiquer directement avec un sous-traitant potentiel et de recevoir de la documentation directement d’un sous-traitant avant la mise en place des contrats, à moins que la justification ne soit clairement énoncée aux parties par écrit, ce qui n’a pas été fait dans ce cas-ci.
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