Acquisition de services d’élimination de bâtiment par Transports Canada
Avril 2024
Sur cette page
- La plainte
- Mandat
- Chronologie des événements
- Question 1 : Le ministère a-t-il correctement évalué la soumission du plaignant?
- Question 2 : Le contrat aurait-il dû être attribué au plaignant?
- Conclusion
- Indemnisation
- Recommandations
La plainte
1. Le 18 octobre 2023, le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite d’un fournisseur (le plaignant) concernant un contrat attribué par Transports Canada (TC). Le contrat portait sur des services d’élimination de bâtiment dans la rivière Mitchinamecus et a été attribué dans le cadre du volet 2 de l’arrangement en matière d’approvisionnement (AMA) pour des services d’élimination de petits bâtiments émis par Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC). Le contrat a été attribué le 6 octobre 2023 et a été évalué à 74 158,88 $.
2. Le plaignant a déclaré qu’il estimait que l’évaluation de sa soumission par TC ne respectait pas les critères décrits dans la demande de propositions (DP).
« Le plan d’élimination de bâtiment que nous avons soumis a été élaboré en fonction des points (a) à (j) de la section Méthodologie de l’annexe B de la DP portant sur le plan d’élimination de bâtiment . Dans la section Méthodologie, il n’est pas fait mention d’une demande de renseignements sur la main-d’œuvre et nous ne sommes pas en mesure de déterminer en quoi l’équipe d’évaluation a eu des raisons de s’interroger sur l’affectation d’une main-d’œuvre adéquate. »
3. La plainte soulevait les questions suivantes :
- Le ministère a-t-il correctement évalué la soumission du plaignant?
- Le contrat aurait-il dû être attribué au plaignant?
4. Le 23 octobre 2023, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (le Règlement), et la plainte a été considérée comme déposée.
Mandat
5. L’examen de la plainte a été mené en vertu de l’alinéa 22.1(3)(b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et des articles 7 à 14 du Règlement.
6. Aux termes du paragraphe 9(2) du Règlement, l’ombud de l’approvisionnement a demandé à TC de lui fournir tous les dossiers ministériels liés au processus d’approvisionnement et à l’attribution du contrat en question, ainsi que les politiques et les lignes directrices en matière d’approvisionnement de TC qui étaient en vigueur au moment de la demande de soumissions. L’ombud de l’approvisionnement a également demandé au plaignant de lui fournir les renseignements supplémentaires qui n’avaient pas déjà été fournis dans le cadre de la plainte.
7. Comme il est indiqué à l’article 11 du Règlement, l’examen d’une plainte pourrait être effectué dans le cadre d’une procédure simple ou d’une procédure élaborée. Cette plainte a été examinée dans le cadre d’une procédure élaborée à la demande du ministère contractant (TC). Conformément aux paragraphes 11(4) et suivants du Règlement, dans le cadre d’une procédure élaborée, le ministère contractant dispose d’un délai de 25 jours ouvrables pour formuler des observations sur la plainte. Ces commentaires sont ensuite transmis au plaignant, qui dispose alors de 10 jours ouvrables pour y répondre. Si le plaignant présente de nouveaux arguments ou éléments de preuve dans sa réponse, le ministère contractant peut y répondre une fois de plus pour ajouter des précisions, dans un délai de 10 jours ouvrables.
8. La chronologie des événements et les constatations du présent rapport sont fondées sur les documents fournis par le plaignant et TC, ainsi que sur des renseignements pertinents accessibles au public. Elles pourraient donc être faussées si le plaignant ou TC a omis de divulguer des documents ou des renseignements d’intérêt.
Chronologie des événements
9. Le 16 février 2022, SPAC a émis un arrangement en matière d’approvisionnement (AMA) à l’intention des fournisseurs qualifiés, dont le plaignant, pour l’élimination de petits bâtiments.
10. Le 31 juillet 2023, la demande de soumissions a été envoyée à 9 fournisseurs qualifiés dans le cadre de l’AMA.
11. Le 11 août 2023, la période de soumission a pris fin. Un total de 3 soumissions ont été reçues, dont 1 du plaignant.
12. Fin août et septembre 2023, 3 évaluateurs de TC ont réalisé des évaluations techniques individuelles des 3 soumissions reçues.
13. Le 27 septembre 2023, une évaluation technique de concertation a été réalisée par 3 évaluateurs de TC. 2 des 3 soumissions (dont celles du plaignant) ont été jugées non conformes à une exigence obligatoire de la demande de soumissions.
14. Le 6 octobre 2023, le contrat a été attribué.
15. Le 6 octobre 2023, des lettres de résultats ont été envoyées aux 3 soumissionnaires. Pour les 2 soumissions jugées non conformes, les lettres indiquaient ce qui suit : « Malheureusement, l’équipe d’évaluation a déterminé que le plan d’élimination de bâtiment n’était pas conforme à toutes les exigences de la demande de soumissions, y compris : Le plan ne contenait pas d’information permettant de déterminer si une main-d’œuvre adéquate serait affectée. »
16. Le 9 octobre 2023, le plaignant a demandé un complément d’information sur le rejet de sa soumission.
« Comme nous aimerions être les soumissionnaires retenus pour l’avenir (notre soumission représentait moins de la moitié de la valeur de la proposition retenue), nous aimerions mieux comprendre ce que l’on entend par “le plan ne contenait pas d’information permettant de déterminer si une main-d’œuvre adéquate serait affectée”
Nous nous sommes efforcés d’organiser notre réponse conformément aux annexes B et C de la demande de propositions (DP) et nous aimerions savoir ce que nous aurions dû faire différemment ou ce que nous aurions dû inclure pour répondre à vos préoccupations.
Nous ne présenterions jamais de soumissions pour des travaux pour lesquels nous n’aurions pas la main-d’œuvre ou les sous-traitants adéquats ». [traduction]
17. Le 10 octobre 2023, l’autorité contractante de TC a demandé au responsable opérationnel de TC plus d’information sur le rejet du plaignant.
18. Le 18 octobre 2023, le responsable opérationnel de TC a fourni à l’autorité contractante de TC une explication des résultats de l’évaluation. Aucun document n’indique que cette explication a été fournie au plaignant.
« Tout d’abord, il n’y avait pas d’explication détaillée de vos activités dans la soumission. Une description de chaque étape du plan d’action aurait été plus optimale.
L’élaboration, à la fois en termes de main-d’œuvre adéquate à laquelle vous faites appel, et la façon dont vous démontrez que les activités seront menées de manière écoresponsable auraient grandement amélioré votre offre.
De plus, pour maintenir une concurrence saine sur le marché de l’élimination des épaves et maximiser le succès de tous, nous pensons que nous pourrions vous rencontrer dans le cadre d’une réunion virtuelle (Teams) ou d’une autre manière pour vous fournir des commentaires. »
19. Le 18 octobre 2023, le plaignant a déposé une plainte auprès du BOA et a indiqué qu’il n’avait toujours pas reçu de réponse à sa demande d’information complémentaire du 9 octobre 2023.
20. Le 27 octobre 2023, le plaignant a eu un entretien avec TC au sujet de sa soumission rejetée. Selon le plaignant :
« Le ministère a rejeté notre proposition parce que nous n’avons pas fourni de précisions sur le personnel et l’équipement. […]
En ce qui concerne leur demande de précisions sur la main-d’œuvre à laquelle nous faisons appel, [le ministère] a déclaré qu’à l’avenir, nous devrions faire référence à la section relative au personnel des critères d’évaluation obligatoires que nous avons soumis lors de notre candidature initiale et de notre acceptation dans le programme (2022). Nous avons du mal à comprendre pourquoi nous ferions référence à un document auquel nous savons qu’il a accès et qui aurait dû constituer la méthode de notre sélection dans l’arrangement en matière d’approvisionnement.
Parallèlement, on nous a demandé d’être précis dans la description de la manière dont la main-d’œuvre serait déployée. Le ministère nous a dit qu’en mentionnant que nous inspecterions le bâtiment à l’aide d’un bateau de travail, nous aurions dû mentionner qu’un capitaine serait à bord du bateau. Le bateau n’est pas un navire autonome et nous ne le pilotons pas à distance depuis la rive. La présence d’un capitaine à bord est implicite. [...] »
Question 1 : Le ministère a-t-il correctement évalué la soumission du plaignant?
21. Le plaignant a déclaré que :
« Le plan d’élimination de bâtiment que nous avons soumis a été élaboré en fonction des points (a) à (j) de la section Méthodologie de l’annexe B de la DP portant sur le plan d’élimination de bâtiment . Dans la section Méthodologie, il n’est pas fait mention d’une demande de renseignements sur la main-d’œuvre et nous ne sommes pas en mesure de déterminer en quoi l’équipe d’évaluation a eu des raisons de s’interroger sur l’affectation d’une main-d’œuvre adéquate. [...] Nous avons présenté une soumission de [xxx] taxes en sus [....] Le contrat attribué s’élevait à 64 500 $, taxes en sus [...] »
22. Voici la réponse du ministère au BOA :
Conformément au processus de demande de soumissions dans le cadre de l’AMA, les soumissionnaires doivent remplir la partie 2 du formulaire de demande de services et fournir dans leur soumission le plan d’élimination de bâtiment, le barème de prix et toute autre information, documentation et/ou attestation obligatoire demandée dans la partie 1.
L’annexe B – Plan d’élimination de bâtiment de la demande de soumissions T3999-230007 indique aux soumissionnaires que le plan d’élimination de bâtiment doit comprendre une liste des sous-traitants auxquels ils feront appel pour réaliser toute partie des travaux. La liste doit inclure le nom du sous-traitant et le travail précis à effectuer.
Transports Canada ne remet pas en question les capacités du personnel clé du soumissionnaire, puisqu’elles ont été vérifiées dans le cadre de sa qualification aux termes de l’AMA. Toutefois, Transports Canada doit également faire preuve de diligence raisonnable si et quand les travaux sont effectués par le personnel clé des sous-traitants qui n’ont pas été préqualifiés dans le cadre de l’AMA.
Lors de l’évaluation technique de la soumission dans le cadre du processus concurrentiel, l’équipe chargée de l’évaluation des soumissions a constaté que la soumission fournie n’était pas suffisamment détaillée pour permettre de déterminer si le soumissionnaire pouvait répondre aux exigences, car le plan ne contenait pas suffisamment d’information pour déterminer si la main-d’œuvre adéquate était affectée.
La section C6.20, Protection de l’environnement, article 4 de l’AMA précise que l’entrepreneur doit disposer de plans et/ou de procédures d’intervention en cas d’urgence environnementale. Les employés de l’entrepreneur et des sous-traitants doivent avoir reçu la formation appropriée en matière de préparation et d’intervention en cas d’urgence. Le personnel de l’entrepreneur exerçant des activités susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement ou d’entraîner des situations de non-conformité doit être compétent en la matière sur la base d’études, de formations ou d’expérience appropriées.
La proposition du soumissionnaire ne comportait pas d’information suffisante pour démontrer qu’il disposait des ressources qualifiées pour réaliser le projet (liste d’entrepreneurs/sous-traitants proposés); par conséquent, Transports Canada a déclaré la soumission non conforme. »
Analyse – Question 1
23. Le 13 mai 2021, la Directive sur la gestion de l’approvisionnement du Conseil du Trésor (la Directive), remplaçant la Politique sur les marchés, est entrée en vigueur et s’appliquait au moment où ce marché a été conclu. Concernant les critères d’évaluation au cours du processus de demande et d’évaluation des soumissions, la Directive prévoit ce qui suit :
4.3.1 Les autorités contractantes ont les responsabilités suivantes : « Exécuter la fonction d’approvisionnement au nom du ministère ou de l’organisme; établir des contrats et des ententes contractuelles fondés sur des principes solides en matière d’approvisionnement, notamment l’équité, l’ouverture et la transparence, afin d’obtenir l’optimisation des ressources. »
Plus loin,
le paragraphe 4.5.7 prévoit que les autorités contractantes sont responsables de « concevoir et mener à bien le processus d’évaluation des soumissions et l’évaluation financière, et faire preuve de diligence raisonnable. »
24. Dans sa décision de juillet 2017 dans l’affaire Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère de la Défense nationale, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a souligné que l’évaluation des critères obligatoires est une question de stricte conformité. Le TCCE a déclaré que : « La norme d’évaluation des soumissions par rapport aux critères obligatoires n’est pas fondée sur la prépondérance des probabilités. […] la conformité des soumissions doit être évaluée de façon rigoureuse et minutieuse. Il ne suffit pas que la soumission “pourrait avoir été” conforme ou qu’il “était plus probable” qu’elle le soit. Une soumission est soit conforme, soit non conforme. »
25. TC a émis la DP dans le cadre de l’AMA pour l’élimination de petits bâtiments. Les procédures d’évaluation et la méthode de sélection étaient décrites au point B6.5 – Méthode de sélection : « Une soumission doit respecter toutes les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation obligatoires pour être déclarée recevable. La soumission recevable avec le prix évalué le plus bas sera recommandée pour attribution d’un contrat. »
26. La DP comportait 2 annexes à remplir par les soumissionnaires. Il s’agissait de celles-ci :
- Annexe B – Plan d’élimination de bâtiment
- Annexe C – Barème de prix
27. Annexe B – Le plan d’élimination de bâtiment était divisé en 3 sections :
- La section 1 demandait aux soumissionnaires qu’ils proposent une méthodologie étape par étape;
- La section 2 demandait aux soumissionnaires qu’ils fournissent un échéancier des travaux préliminaires décrivant la structure de répartition des travaux avec des dates précises;
- La section 3 demandait aux soumissionnaires qu’ils énumèrent les sous-traitants auxquels ils feront appel.
Les 3 sections du plan d’élimination de bâtiment sont fournies ci-après.
Plan d’élimination de bâtiment
1. Méthodologie
Le Plan d’élimination du bâtiment doit, au minimum, décrire étape par étape la méthodologie proposée pour :
- obtenir l’autorisation nécessaire pour effectuer les travaux (selon l’emplacement du bâtiment), le cas échéant;
- inspecter le bâtiment, ce qui comprend les exigences d’essais, avant le début des travaux;
- déterminer les considérations environnementales, le cas échéant;
- récupérer le bâtiment;
- retirer et contenir les liquides avant le transport; sécuriser et/ou éliminer le bâtiment;
- préparer et sécuriser le bâtiment pour le transport;
- transporter le bâtiment vers le site sécurisé ou le site approuvé;
- enlever les matières dangereuses et les autres déchets;
- préparer le bâtiment pour l’élimination; et
- éliminer les matériaux, les déchets, l’équipement et les machines.
Pour chaque étape, l’équipement, les machines ou les mesures de protection de l’environnement nécessaires, le cas échéant, doivent être mentionnés.
2. Calendrier des travaux
Le Plan d’élimination du bâtiment doit comprendre un calendrier préliminaire conforme aux échéances prévues dans la demande de soumissions. Le calendrier doit inclure la structure de répartition du travail et la date précise pour :
- la récupération du bâtiment;
- le transport du bâtiment;
- l’arrivée du bâtiment au site sécurisé ou au site approuvé; et
- la livraison des produits livrables.
3. Sous-traitant
Le Plan d’élimination du bâtiment doit inclure une liste des sous-traitants auxquels on fera appel pour réaliser toute partie des travaux. La liste doit inclure le nom du sous-traitant et le travail précis à effectuer.
28. L’annexe C – Barème de prix précise que les soumissionnaires doivent indiquer le prix de chaque catégorie de dépenses applicable et fournit un tableau dans lequel les soumissionnaires peuvent insérer ces informations. Cette section comprend les informations relatives aux prix qui étaient requises dans le plan d’élimination de bâtiment:
Catégorie de dépenses | Prix | Renseignements additionnels |
---|---|---|
Main-d’œuvre | ______$ | Nombre d’employés : |
Matériel | ______$ | Description : |
Location d’équipement | ______$ | Description : |
Voyage | ______$ | Itinéraire : |
Sous-traitant(s) | ______$ | Nom et travaux à être complétés : |
Autre | ______$ | Type de dépense et détails : |
Autre | ______$ | Type de dépense et détails : |
Autre | ______$ | Type de dépense et détails : |
Autre | ______$ | Type de dépense et détails : |
TOTAL | ______$ |
29. La soumission du plaignant a d’abord été évaluée individuellement par chaque membre de l’équipe d’évaluation. Ces évaluations individuelles ont été suivies d’une évaluation en groupe de la soumission, communément appelée évaluation de concertation, par la même équipe d’évaluation.
30. Au cours de l’évaluation individuelle des soumissions, les évaluateurs ont constaté que la soumission du plaignant ne répondait pas à certaines des exigences obligatoires. En particulier, les évaluateurs ont estimé que la soumission du plaignant n’apportait pas la preuve d’une main-d’œuvre adéquate. Les critères suivants ont été utilisés par les 3 évaluateurs de TC pour leurs évaluations individuelles :
- les méthodes de travail proposées
- les ressources physiques déployées
- la main-d’œuvre adéquate
- démontrer que les opérations seront menées de manière respectueuse de l’environnement.
- les exigences de sécurité démontrées
- le site approuvé pour l’élimination
31. Le BOA a constaté des incohérences entre les exigences obligatoires figurant dans la DP et la grille d’évaluation utilisée par les évaluateurs pour réaliser leurs évaluations individuelles. Tout d’abord, la grille des évaluateurs ne contient que 6 critères, alors que la DP en contient 10 pour la méthodologie, 4 pour le calendrier des travaux et un pour les sous-traitants. De plus, la DP ne contient aucun critère obligatoire concernant une « main-d’œuvre adéquate » de la part du soumissionnaire, contrairement à la grille des évaluateurs.
32. Par ailleurs, aucun des critères figurant dans la grille des évaluateurs individuels ne correspond au libellé des critères de la DP. Par exemple, la grille d’évaluation comprend un critère visant à démontrer que les opérations seront menées dans le respect de l’environnement, tandis que la demande de soumissions comprend un critère visant à identifier les considérations environnementales, le cas échéant. Malgré l’accent mis sur l’environnement, le résultat de ces critères est totalement différent, car le premier critère vise à vérifier une exigence opérationnelle, tandis que le second exige l’identification des considérations environnementales, le cas échéant.
33. Le 27 septembre 2023, l’équipe d’évaluation des soumissions de TC a pris sa décision finale par le biais d’une évaluation consensuelle des soumissions. Les résultats documentés de l’évaluation consensuelle indiquaient que la proposition du plaignant avait été évaluée comme n’ayant pas répondu au critère de « main-d’œuvre adéquate ». TC a fourni une seule raison pour cette conclusion : « Aucune mention, donc impossible de déterminer si la main-d’œuvre est adéquate. »
34. De plus, l’évaluation consensuelle ne fournit pas un résumé complet des critères qui ont été évalués. L’évaluation de concertation n’inclut pas la même grille que celle utilisée lors des évaluations individuelles, mais s’appuie plutôt sur un résumé indiquant si la soumission était conforme ou non conforme. Par conséquent, TC ne peut pas démontrer qu’il a évalué de manière appropriée tous les critères inclus dans la demande de soumissions.
35. L’ombud de l’approvisionnement estime qu’il y a suffisamment de preuves pour conclure que les évaluateurs ont utilisé des critères qui n’ont pas été divulgués aux soumissionnaires dans la demande de soumissions lors de leur évaluation de la soumission du plaignant. De plus, l’un de ces critères non divulgués (à savoir la main-d’œuvre adéquate) a été utilisé pour rejeter la soumission du plaignant. Les sections 4.3.1 et 4.5.7 de la Directive sur la gestion de l’approvisionnement exigent de faire preuve d’une diligence raisonnable et d’appliquer des principes solides fondés sur l’équité, l’ouverture et la transparence dans les demandes de soumissions et les évaluations des soumissions. Pour ce faire, les soumissionnaires doivent être informés des critères qui seront utilisés pour évaluer leurs soumissions et attribuer le contrat. En fonction de ce qui précède, l’ombud de l’approvisionnement estime que le ministère n’a pas évalué la soumission du plaignant de manière appropriée.
Question 2 : Le contrat aurait-il dû être attribué au plaignant?
36. L’article 12, paragraphe 2, du Règlement prévoit ce qui suit :
« L’ombudsman de l’approvisionnement ne peut substituer son jugement à celui des personnes ayant participé au processus d’acquisition en cause relativement à l’évaluation de toute soumission, sauf si la preuve écrite établissant l’évaluation est insuffisante ou si l’évaluation est déraisonnable. »
37. En ce qui concerne l’évaluation des soumissions, dans sa décision de septembre 2014 dans l’affaire CAE Inc. c. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada PR – 2014 – 007, le TCCE a déclaré :
« [...] le Tribunal fait preuve de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions. Le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle se fonde sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal.
Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il conclurait qu’une évaluation est déraisonnable et substituerait son jugement à celui des évaluateurs si ceux-ci ne se sont pas appliqués à bien évaluer la proposition d’un soumissionnaire, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas, pour une autre raison, procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure. »
Analyse – Question 2
38. TC a fourni suffisamment de preuves écrites pour étayer son évaluation des critères obligatoires. Le dossier d’approvisionnement est bien documenté et comprend la DP, les soumissions, les évaluations individuelles et consensuelles, ainsi que le contrat subséquent.
39. Toutefois, l’ombud de l’approvisionnement estime que l’évaluation de la soumission du plaignant par TC était déraisonnable parce que TC a fondé son évaluation sur des critères non divulgués, à savoir la main-d’œuvre adéquate du soumissionnaire. Comme il est indiqué dans la question 1 ci-dessus, la DP et les grilles des évaluateurs contenaient des critères incohérents. De plus, les évaluateurs n’ont pas évalué toutes les exigences de la demande de soumissions (à savoir la DP) et ne se sont donc pas appliqués de manière appropriée à l’évaluation des soumissions.
40. Dans son analyse, le BOA a noté que TC avait déclaré que le plaignant n’avait pas fourni de liste des sous-traitants dans sa soumission. L’exigence de la section 3 du plan d’élimination de bâtiments de la DP se lit comme suit : « Le Plan d’élimination de bâtiment doit inclure une liste des sous-traitants auxquels on fera appel pour réaliser toute partie des travaux. La liste doit inclure le nom du sous-traitant et le travail précis à effectuer » [Non en gras dans l’original]
41. Le plaignant a fourni son plan d’élimination de bâtiment s pour l’annexe B et a répondu à chacun des critères de la méthodologie (a-j). Toutefois, le plan d’élimination de bâtiment du plaignant ne mentionne pas l’existence ou l’absence de sous-traitants.
42. Dans son barème de prix soumis pour l’annexe C, le plaignant a inclus un prix et les renseignements suivants concernant les sous-traitants : « marina pour le levage et utilisation de leur cour. » Le texte qui suit est une reproduction partielle du barème de prix de l’annexe C du plaignant :
Catégorie de dépenses | Prix | Renseignements additionnels |
---|---|---|
Sous-traitant(s) | xxx dollars | Nom et travaux à réaliser : marina pour le levage et utilisation de leur cour. |
43. Il ressort de ce qui précède que l’intention était de faire appel à des sous-traitants pour l’exécution d’une partie des travaux, mais l’annexe B exigeait que les sous-traitants soient nommés et répertoriés dans le plan d’élimination de bâtiment. Étant donné que le barème des prix ne faisait pas partie du plan d’élimination de bâtiment et qu’il n’y avait aucune mention d’un sous-traitant précis dans le plan d’élimination de bâtiment, l’ombud de l’approvisionnement estime que la soumission du plaignant n’était pas claire ou incohérente en ce qui concerne l’utilisation de sous-traitants.
Conclusion
44. L’ombud de l’approvisionnement a estimé que la première question soulevée par le plaignant était fondée. TC s’est appuyé sur des critères obligatoires non divulgués lors de l’évaluation de la soumission du plaignant et a jugé la soumission non conforme sur la base de ces critères obligatoires non divulgués.
45. L’ombud de l’approvisionnement n’a pas jugé fondée la deuxième question soulevée par le plaignant. Toutefois, il a estimé que l’évaluation de la soumission du plaignant par les évaluateurs était déraisonnable, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, du Règlement. En évaluant si le plaignant aurait dû se voir attribuer le contrat, l’ombud de l’approvisionnement a constaté que sa soumission manquait de clarté et de cohérence en ce qui concerne le respect d’un critère obligatoire à l’annexe B, à savoir l’obligation de fournir une liste de sous-traitants dans le plan d’élimination de bâtiment. Par conséquent, le plaignant n’aurait pas dû se voir attribuer le contrat.
Indemnisation
46. Afin de recommander le versement d’une indemnité au plaignant, le paragraphe 13(2) du Règlement exige ce qui suit :
« Si un appel d’offres a été lancé, le plaignant doit avoir soumissionné à l’égard du marché de l’État visé par la plainte, à moins qu’il n’ait pu le faire en raison des actions du ministère contractant. »
47. Étant donné qu’un processus concurrentiel a eu lieu et que le plaignant a présenté une soumission, l’ombud peut recommander le versement d’une indemnité conformément au Règlement.
48. Étant donné que le plaignant n'aurait pas dû se voir attribuer le contrat, l’ombud de l’approvisionnement ne peut pas recommander le versement d'une indemnité fondée sur le manque à gagner. Toutefois, sur la base de la conclusion de l’ombud au sujet de la question 1, le plaignant a le droit d'être indemnisé pour les coûts de sa proposition liés à sa participation au processus d'appel d'offres.
49. À la demande du BOA, le plaignant a indiqué que les coûts qu’il a engagés pour préparer et soumettre sa proposition s’élèvent à 3276,97 $.
Recommandations
50. Conformément à l’alinéa 13(1)b) du Règlement, l’ombud de l’approvisionnement recommande le versement d’une indemnité de 3276,97 $ au plaignant pour compenser les coûts engagés à l’égard de sa soumission.
51. L’ombud de l’approvisionnement recommande à TC d’établir un cadre garantissant que les grilles d’évaluation correspondent à celles figurant dans les documents d’appel d’offres, qu’aucun critère ne soit inclus dans les grilles d’évaluation sans être explicitement mentionné dans l’appel d’offres, que tous les critères figurant dans l’appel d’offres soient évalués et que la méthode de sélection définie dans l’appel d’offres soit respectée.
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