Acquisition des services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Juillet 2024

Sommaire

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La plainte

1. Le 16 janvier 2024, le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement (BOA) a reçu une plainte écrite d’un fournisseur canadien (le plaignant) concernant un contrat attribué par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC ou le Ministère). Le contrat portait sur les services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en matière de biais systémique. Le contrat a été attribué le 6 décembre 2023 et a été évalué à 102 500$ (taxes non incluses).

2. Le plaignant a communiqué avec le BOA pour lui dire qu’il croyait que les exigences de qualification l’empêchaient de soumissionner parce qu’elles étaient de nature raciste, particulièrement en ce qui concerne les exigences fondées sur le mérite.

3. Dans sa plainte, le plaignant a soulevé les questions suivantes :

  1. Le critère obligatoire O1 était-il déraisonnable?
  2. Le critère coté C3 était-il déraisonnable?
  3. Le Ministère a-t-il répondu rapidement à la question du plaignant?

4. Le 19 janvier 2024, le BOA a confirmé que la plainte répondait aux exigences du Règlement concernant l’ombudsman de l’approvisionnement (le Règlement), et la plainte a été considérée comme déposée.

Mandat

5. L’examen de la plainte a été mené en vertu de l’alinéa 22.1(3)b) de la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et des articles 7 à 14 du Règlement.

6. Conformément au paragraphe 9(2) du Règlement, l’ombud de l’approvisionnement (OA) a demandé à IRCC de lui fournir tous les documents ministériels liés au processus d’approvisionnement et à l’attribution du contrat en question ainsi que les politiques et les lignes directrices d’IRCC en matière d’approvisionnement qui étaient en vigueur au moment de la demande de soumissions. L’OA a également demandé au plaignant de lui transmettre tout renseignement supplémentaire qui n’a pas déjà été fourni dans le cadre de la plainte.

7. IRCC a demandé le recours au processus d’examen élaboré. Conformément au paragraphe 11(2) et aux paragraphes subséquents du Règlement, IRCC dispose d’un délai de 25 jours ouvrables pour faire des commentaires relativement à la plainte. Ces commentaires ont ensuite été transmis au plaignant, qui disposait alors de 10 jours ouvrables pour y répondre. IRCC disposait ensuite de 10 jours ouvrables supplémentaires pour fournir des renseignements additionnels.

8. La chronologie des événements et les constatations du présent rapport sont fondées sur les documents fournis au BOA par le plaignant et IRCC ainsi que sur les renseignements pertinents accessibles au public. Les constatations pourraient donc être faussées si le plaignant ou IRCC a omis de divulguer des documents ou des renseignements d’intérêt.

Considérations

9. Le BOA n’est ni une cour ni un tribunal compétent sur les questions relatives à la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à une violation des droits à l’égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, et ne peut commenter aucune affirmation qui ferait l’objet d’une enquête en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, l’OA peut examiner si les mesures prises par le Ministère étaient conformes aux politiques applicables et examiner les questions pertinentes, comme la question de savoir s’il y avait des critères d’évaluation des soumissions déraisonnables ou discriminatoires qui ne répondent pas aux exigences opérationnelles légitimes.

10. En raison de la nature de la plainte, il importe de souligner les approches actuelles du gouvernement fédéral en matière de diversité, d’équité et d’inclusion qui visent à faire progresser le traitement équitable des groupes qui ont toujours été sous-représentés dans le contexte de la chaîne d’approvisionnement du gouvernement fédéral et à promouvoir les occasions d’affaires auprès d’eux. Ces approches du gouvernement fédéral comprennent ce qui suit :

  1. L’analyse comparative entre les sexes plus (ACS Plus) pour appuyer l’élaboration de politiques, de programmes et d’autres initiatives adaptés et inclusifs.
  2. La cible minimale obligatoire de 5 % d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones, qui exige que les ministères et organismes fédéraux s’assurent qu’un minimum de 5% de la valeur totale des contrats soit attribué à des entreprises autochtones.
  3. Dans les lettres de mandat de nombreux ministres, y compris celle d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, l’objectif était d’avancer plus rapidement sur la voie de la réconciliation et de continuer à s’attaquer aux profondes iniquités et disparités systémiques qui demeurent présentes dans notre société et nos institutions. Cela comprend les femmes, les Autochtones, les Canadiens noirs et racisés, les nouveaux arrivants, les groupes confessionnels, les personnes en situation de handicap et les Canadiens qui font partie de la communauté LGBTQ2+.

11. Le 22 janvier 2021, le greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet a publié l’appel à l’action en faveur de la lutte contre le racisme, de l’équité et de l’inclusion dans la fonction publique fédérale. L’appel à l’action met l’accent sur la diversification du leadership au sein de la fonction publique. Bien qu’il n’aborde pas directement la réduction des obstacles des fournisseurs, une représentation diversifiée au sein du gouvernement permettrait à la fonction publique fédérale de mieux comprendre les obstacles auxquels sont confrontés les groupes dignes d’équité partout au Canada et la façon de mettre en œuvre des mesures pour réduire et éliminer ces obstacles.

12. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a répondu à l’appel à l’action en décrivant comment il abordait les questions, par l’intermédiaire de son énoncé de valeurs sur la lutte contre le racisme et d’un groupe de travail sur la lutte contre le racisme créé en 2020. Le Ministère a notamment décidé de promouvoir activement la lutte contre le racisme, de participer de façon proactive au dialogue, d’être responsable et transparent, de cerner et d’éliminer la discrimination et les obstacles systémiques, de collaborer avec des groupes et des organisations externes en quête d’équité et de poursuivre ses efforts pour éliminer le racisme systémique.

13. Lors de l’examen de la plainte, il a été noté que la demande de propositions (DP) indique à l’annexe D, Énoncé des travaux (EDT), que ce projet bénéficiera grandement de l’expertise d’une ressource possédant une expérience vécue dans le domaine de la lutte contre le racisme, de l’égalité, de la diversité et de l’inclusion (LREDI), mais est ouvert à une personne ayant de l’expérience dans ce domaine ainsi que dans l’évaluation des programmes contre les biais systémiques.

14. Le BOA a examiné la plainte dans le contexte des instruments de politique en vigueur pendant le processus d’approvisionnement en question, ainsi que de la responsabilité globale à l’échelle du gouvernement de réduire les obstacles pour les groupes dignes d’équité dans leurs activités avec le gouvernement fédéral.

Chronologie des événements

15. Le 5 septembre 2023, IRCC a publié une DP visant les services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme sur AchatsCanada, la source officielle du gouvernement du Canada pour les avis d’appel d’offres et les avis d’attribution. La date de clôture de la demande de soumissions était le 3 octobre 2023.

16. Le 12 septembre 2023, IRCC a publié la modification 001 pour répondre aux questions des fournisseurs et réviser le critère C2 des critères techniques cotés afin d’accepter l’expérience des gouvernements provinciaux ou municipaux en plus de l’expérience du gouvernement fédéral.

17. Le 19 septembre 2023, IRCC a publié la modification 002 pour répondre aux questions des fournisseurs et réviser le critère C1 des critères techniques cotés afin d’accepter l’expérience des gouvernements provinciaux ou municipaux en plus de l’expérience du gouvernement fédéral.

18. Le 3 octobre 2023, IRCC a publié la modification 003 pour répondre à la demande d’un fournisseur de reporter la date de clôture de la demande de soumissions au 5 octobre 2023.

19. Le 5 octobre 2023, à 10 h 11, le plaignant a envoyé un courriel à IRCC pour lui faire part de son intérêt potentiel à répondre à la demande de soumissions ainsi que de ses préoccupations concernant les critères d’évaluation énoncés dans la demande de soumissions. Dans son courriel, le plaignant exprimait également son intérêt à rencontrer IRCC pour mieux comprendre le processus de DP, en vue de futures demandes de soumissions.

20. Le 5 octobre 2023, à 14 h, la demande de soumissions a pris fin. Le plaignant n’a pas présenté de soumission. Au total, sept soumissions ont été reçues à temps.

21. Le 19 octobre 2023, IRCC a répondu au courriel du plaignant pour l’informer qu’il communiquerait avec son groupe de travail interne sur la lutte contre le racisme au sujet des préoccupations du plaignant.

22. Le 31 octobre 2023, une réunion de consensus avec l’équipe d’évaluation d’IRCC a eu lieu.

23. Le 6 décembre 2023, le plaignant a envoyé un courriel pour faire le suivi de la réponse du Ministère aux préoccupations qu’il a soulevées concernant la demande de soumissions.

24. Le 6 décembre 2023, le contrat a été attribué et publié sur AchatsCanada.

25. Le 7 décembre 2023, IRCC a répondu au plaignant et a exprimé son intérêt à recueillir des renseignements supplémentaires auprès du plaignant par correspondance écrite ou par l’intermédiaire d’une réunion virtuelle.

26. Le 11 décembre 2023, une réunion virtuelle a eu lieu entre IRCC et le plaignant.

27. Le 15 décembre 2023, le plaignant a envoyé des renseignements supplémentaires à IRCC comme l’a demandé le Ministère lors de la réunion virtuelle du 11 décembre.

28. Le 16 janvier 2024, le plaignant a déposé une plainte auprès du BOA.

29. Le 2 février 2024, le BOA a informé IRCC et le plaignant du début de l’examen de la plainte.

Détails de la plainte et réponse d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Question 1 : Le critère obligatoire O1 était-il déraisonnable?

30. À ce propos, le plaignant a affirmé ce qui suit :

La DP indiquait ce qui suit : « Le soumissionnaire doit démontrer que la ressource proposée détient un diplôme universitaire d’une université reconnue en gestion des ressources humaines, en relations du travail ou en relations industrielles, en psychologie, en administration publique ou en administration des affaires, en développement organisationnel, en sciences de l’éducation, en sciences sociales ou en sociologie. Le soumissionnaire doit démontrer ce critère en fournissant, au moment de la clôture des soumissions, une copie du diplôme de la ressource proposée, délivré par un établissement d’enseignement postsecondaire reconnu. »

… il n’est pas clair dans quelle mesure ces diplômes particuliers se rapportent à la lutte contre le racisme. Les étudiants ont-ils appris dans les cours à être antiracistes? La réponse est probablement non, car les efforts d’éducation contre le racisme ne sont devenus plus courants que ces dernières années. Et que diriez-vous de l’expérience vécue; pourquoi cela n’est-il pas pris en compte? À tout le moins, cela devrait indiquer l’expérience universitaire ou connexe, qui peut être démontrée par des exigences techniques détaillant les antécédents de travail et le processus de travail ainsi que les coordonnées du responsable des achats désigné qui embauche et gère le projet, qui peuvent être vérifiées.

Cette exigence est également remise en question lors de l’examen de la notation des critères techniques, qui n’inclut pas les exigences en matière d’études. Pourquoi s’agit-il d’un critère obligatoire que vous devez respecter avant d’en arriver à la structure des points?

Question 2 : Le critère coté C3 était-il déraisonnable?

31. À ce propos, le plaignant a affirmé ce qui suit :

Extrait 1 : Le soumissionnaire doit démontrer qu’il a fait la promotion de la diversité et de la lutte contre le racisme au sein de son organisme à l’aide des activités organisationnelles suivantes :

1. Le soumissionnaire a publié en interne des politiques ou des engagements en matière de lutte contre le racisme et d’intégration. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la politique ou de l’engagement;
  2. une copie des documents de politique ou d’engagement, avec leur date d’entrée en vigueur.

Extrait 2 : 2. Les employés du soumissionnaire sont tenus de suivre une formation obligatoire sur la lutte contre le racisme. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la formation;
  2. le nom de la formation;
  3. le nom du fournisseur de services;
  4. une copie du plan du cours (s’il a été élaboré à l’interne).

Extrait 3 : 3. Les employés du soumissionnaire doivent suivre une formation sur les préjugés inconscients. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la formation;
  2. le nom de la formation;
  3. le nom du fournisseur de services;
  4. une copie du plan du cours (s’il a été élaboré en interne).

En ce qui concerne l’obligation pour le personnel de suivre une « formation sur la lutte contre le racisme » (extrait 2) et une « formation sur les préjugés inconscients » (extrait 3), nous [le plaignant] avons envoyé un courriel à l’autorité contractante pour signaler tout d’abord ces préoccupations. Le courriel que nous [le plaignant] avons envoyé indiquait ce qui suit : « … il y a des exigences de qualification qui nous empêcheraient de présenter notre candidature, et qui, de notre point de vue, semblent être de nature raciste sur le plan systémique, précisément en ce qui concerne vos exigences fondées sur le mérite ».

Il s’agit notamment (1) des diplômes universitaires qui peuvent même ne pas être succincts avec le travail antiraciste et (2) l’exigence pour le soumissionnaire et son personnel d’avoir des certificats en formation sur la lutte contre le racisme et les préjugés inconscients. Il y en a d’autres qui ne sont pas énumérés ici, mais ces exemples, de par leur nature même, dans de nombreux cas, ont tendance à discriminer et à exclure involontairement les Noirs et les personnes de couleur en particulier, dont beaucoup dirigent ce travail avec leurs expériences vécues ainsi que leur expertise, à la fois sur le plan académique et de l’expérience, sur des périodes de temps importantes.

Extrait 4 : 4. Le soumissionnaire a mis à la disposition du public des engagements organisationnels pour la création d’un effectif diversifié. Le soumissionnaire doit fournir ce qui suit avec la soumission :

  1. une description de l’engagement;
  2. une copie des documents d’engagement, avec leur date d’entrée en vigueur.

Extrait 5 : 5. Le soumissionnaire a élaboré une ou des stratégies internes de dotation ou de recrutement dans le but d’accroître la représentation de groupes sous-représentés dans son effectif. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la stratégie ou des stratégies;
  2. une copie des offres d’emploi ou autres documents de dotation/recrutement démontrant la conformité au critère. Les soumissionnaires peuvent obtenir une note totale maximale de 12 points.

En ce qui concerne les extraits 1, 4 et 5 ci-dessus, nous [le plaignant] tenons à souligner que le fait de faire des déclarations publiques et de fournir des descriptions d’engagements organisationnels ne signifie pas nécessairement que les actions de l’entreprise sont de nature antiraciste. Ce critère se concentre plutôt sur l’optique de la lutte contre le racisme et semble être à l’appui des pratiques antiracistes, plutôt que de mener un réel changement au sein de votre organisation. Des critères comme celui-ci récompensent les entreprises pour leurs engagements performatifs qui sont utilisés comme leurre pour justifier leurs engagements en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI), alors qu’elles n’ont vraiment pas fait le travail au sein de leurs organisations. Si ce travail a été fait et s’harmonise avec le travail qu’une entreprise a vraiment fait, et que l’équipe d’approvisionnement ne comprend pas les défis concernant la discrimination et les nombreux points que nous [le plaignant] avons inclus, comment déchiffrent-ils ensuite la nature performative des déclarations demandées, à partir des déclarations qui reflètent les efforts réels et tangibles d’une entreprise et le changement en ce qui concerne la DEI? Des énoncés qui vont au-delà de l’optique pour refléter le changement et l’engagement dans les nombreux domaines où résident les lacunes en matière de diversité, comme la gestion et le leadership des Noirs et des personnes de couleur en place (étant conformes aux normes de la population), les programmes de mentorat et de parrainage établis, la culture et les politiques qui peuvent être citées qui démontrent le développement de la DEI, et l’équité et l’inclusion dans l’ensemble de l’organisation qui a été mise en œuvre en utilisant une optique qui est inclusionniste pour créer ces nouveaux énoncés des politiques, des engagements et des mesures?

Question 3 : Le Ministère a-t-il répondu rapidement à la question du plaignant?

32. À ce propos, le plaignant a affirmé ce qui suit :

[Nous] avons envoyé le courriel le 5 octobre et avons reçu une réponse le 19 octobre indiquant qu’une enquête était en cours. Depuis, j’ai communiqué avec le Ministère et une réunion virtuelle a eu lieu le 11 décembre afin que nous puissions lui fournir plus d’informations.

[Nous] avons expliqué nos préoccupations à l’équipe et, bien que nous avons été écoutés, nous n’avons reçu aucune explication autre que de prétendre que l’objectif était d’attirer des entreprises racisées appartenant à des femmes. … Aucune indication n’a été donnée quant au caractère discriminatoire. Le Ministère nous a demandé de fournir certains renseignements concernant nos activités ainsi que notre site Web, ce que nous avons fait. De notre point de vue, cela exacerbe davantage les obstacles mis en place qui empêchent en fait les entreprises noires appartenant à des femmes comme la nôtre de participer.

33. La première réponse du Ministère aux questions 1, 2 et 3 au BOA énonçait ce qui suit :

Un fournisseur potentiel a porté à l’attention d’IRCC que certains de nos critères de diversité couramment utilisés pourraient être problématiques pour ce qui est d’établir des obstacles pour les groupes minoritaires. Il s’agit de la première plainte officielle concernant ces critères; par conséquent, l’équipe d’approvisionnement n’était au courant d’aucun enjeu potentiel. Malheureusement, les préoccupations n’ont pas été traitées rapidement et, au moment de la réunion, ce processus d’approvisionnement particulier n’aurait pas pu être suspendu. Nous examinons notre processus interne, ainsi que les critères particuliers pour éviter tout enjeu et toute préoccupation semblables à l’avenir.

34. Réponse du plaignant à la réponse du Ministère :

À la réception de cette réponse [nous] avons relevé trois énoncés de préoccupations particulières qu’il a abordés dans une réponse écrite soumise au BOA. Les trois énoncés sont les suivants :

  1. l’équipe d’approvisionnement n’était au courant d’aucun enjeu potentiel;
  2. les préoccupations n’ont pas été traitées rapidement;
  3. nous [IRCC] examinons notre processus interne.

Bien que [nous] reconnaissions que le premier contact a été établi avec IRCC à la date de clôture de la DP en question (le 5 octobre 2023), le but derrière le contact à ce moment-là était de mieux comprendre le processus de DP et de souligner les préoccupations que [nous] avions. Par conséquent, l’énoncé « les préoccupations n’ont pas été traitées rapidement » est déraisonnable, car [nous] avons communiqué avec l’autorité contractante pour demander une réunion et ce n’est que près de deux semaines plus tard qu’IRCC a répondu. Nous soutenons que [nous] avons géré la situation exactement comme il se doit, et c’est IRCC qui n’a pas répondu en temps opportun.

Pour faire suite aux énoncés « l’équipe d’approvisionnement n’était au courant d’aucun enjeu potentiel » et « nous examinons notre processus interne », il est de [notre] position selon laquelle les questions soulevées dans le cadre de la plainte officielle auraient dû être abordées en 2021 lorsque l’appel à l’action sur la lutte contre le racisme, l’équité et l’inclusion dans le mandat de la fonction publique fédérale a commencé. L’appel à l’action sur la lutte contre le racisme, l’équité et l’inclusion dans la fonction publique fédérale a été lancé en 2021 pour « lutter contre le racisme et bâtir une fonction publique diversifiée, équitable et inclusive ».

35. Dans sa dernière réponse aux question 1, 2 et 3 au BOA, le Ministère énonçait ce qui suit :

Même si le premier contact de [le plaignant] a été établi avec IRCC à la date de clôture de la DP en question, IRCC n’a pas pris de mesures immédiates lorsque le client a communiqué avec l’équipe d’approvisionnement le 5 octobre et reconnaît qu’il aurait dû le faire. Depuis cet incident, l’équipe d’approvisionnement d’IRCC fait des vérifications régulières sur le site [Achats et ventes] afin de recevoir les plaintes en temps opportun et d’y répondre rapidement. Cette pratique a également été intégrée à la formation des employés.

IRCC reconnaît qu’il aurait dû agir dès que la préoccupation a été soulevée pour être en mesure d’examiner les critères d’évaluation en question. Depuis, le nouveau processus a été renforcé avec les employés et l’équipe de gestion, en veillant à ce que des mesures soient prises rapidement, au besoin, dès réception de la correspondance relative à un processus d’approvisionnement.

Une réunion a eu lieu avec le groupe de lutte contre le racisme d’IRCC pour examiner les critères particuliers dans ce contexte et d’autres consultations suivront en 2024-2025 pour s’assurer que tous les aspects sont pris en compte à l’avenir. De plus, l’équipe d’approvisionnement s’engage à continuer d’enquêter et de mettre en œuvre des mesures pour atteindre les objectifs de lutte contre le racisme, d’équité et d’inclusion, telles que la consultation d’autres ministères pour le partage des pratiques exemplaires, examiner le processus contractuel pour déceler les préjugés potentiels, demander conseil aux organismes centraux sur l’approche commune dans la mesure du possible et renforcer l’accent mis sur l’importance de la lutte contre le racisme, l’équité et l’inclusion au sein de l’équipe et pendant la formation des nouveaux employés participant au processus d’approvisionnement.

Politique applicable

36. Le 13 mai 2021, la Directive sur la gestion de l’approvisionnement du Conseil du Trésor, qui a remplacé la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, est entrée en vigueur et était applicable au moment de ce processus d’approvisionnement. En ce qui concerne les critères d’évaluation au cours du processus de demande de soumissions et d’évaluation des soumissions, la Directive stipule ce qui suit :

4.2 Les propriétaires fonctionnels ont les responsabilités suivantes :

4.2.1 définir clairement aux autorités contractantes, les résultats prévus de l’approvisionnement, y compris les exigences opérationnelles, les besoins des utilisateurs finaux, les avantages escomptés, l’harmonisation avec l’orientation stratégique du gouvernement et les coûts totaux au cours du cycle de vie, dans la mesure du possible;

[…]

4.2.3 en collaboration avec les autorités contractantes, apporter leur soutien à la planification de l’approvisionnement et à la prise de décision en :

4.2.3.1 effectuant des analyses du marché afin de mieux comprendre la capacité et la disponibilité de l’industrie,

[…]

4.2.3.3 cernant, atténuant et divulguant les événements ou les risques qui peuvent avoir des répercussions négatives sur les droits de la personne ou les aspects environnementaux ou sociaux;

4.2.3.4 définissant clairement les énoncés des travaux et les critères d’évaluation technique,

[…]

4.2.7 veiller à ce que les résultats prévus de l’approvisionnement s’harmonisent avec le mandat et les priorités du ministère, les fonds disponibles et les principaux avantages socioéconomiques et environnementaux :

[…]

4.2.7.3 le cas échéant, examiner les possibilités de favoriser la participation des peuples autochtones lorsqu’il s’agit de questions relatives à l’approvisionnement, et les consigner au dossier en conséquence,

[…]

4.3 Les autorités contractantes ont les responsabilités suivantes :

4.3.1 exécuter la fonction d’approvisionnement au nom du ministère ou de l’organisme et établir des contrats et des ententes contractuelles fondés sur des principes solides en matière d’approvisionnement, notamment l’équité, l’ouverture et la transparence, afin d’obtenir l’optimisation des ressources;

[…]

4.5.7 concevoir et mener à bien le processus d’évaluation des soumissions et l’évaluation financière, et faire preuve de diligence raisonnable;

4.5.8 limiter le nombre de critères techniques obligatoires à ceux jugés être des exigences essentielles pour obtenir les résultats escomptés et s’assurer qu’aucune soumission n’est rejetée inutilement. [mise en évidence ajoutée]

[…]

4.10.1.7 des documents sur tout critère, considération ou plan qui tire parti de l’approvisionnement afin de procurer des avantages socioéconomiques et environnementaux, y compris tout coût supplémentaire connu et les résultats prévus,

37. De plus, le Ministère a déclaré qu’il avait utilisé le Guide des approvisionnements de Services publics et Approvisionnement Canada comme document d’orientation, lequel stipule ce qui suit :

4.35.5 Critères cotés

b. Lorsque l’on utilise la cotation numérique, une soumission, une offre ou un arrangement doit obtenir dans son ensemble un nombre minimal de points pour être considéré comme recevable… En pondérant chaque critère, l’agent de négociation des contrats et le ministère client doivent s’assurer qu’un nombre global élevé de points accumulés pour des critères mineurs ne masque pas un faible total de points relativement à des critères majeurs.

Jurisprudence pertinente

38. Les décisions suivantes du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) expliquent davantage comment interpréter les questions à l’étude :

(Foundry Networks, PR-2001-048) Le TCCE reconnaît depuis longtemps que les ministères peuvent créer des critères d’approvisionnement, dans la mesure où ils répondent aux exigences opérationnelles ministérielles. De plus, il n’est pas nécessaire que le gouvernement compromette ses exigences opérationnelles légitimes pour accommoder les fournisseurs. Cependant, les entités ne peuvent pas adopter des spécifications injustifiables qui ne répondent pas aux exigences opérationnelles légitimes. Ces exigences sont déraisonnables.

(Vintage Designing Co PR-2017-050) Le TCCE conclut que les institutions fédérales disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour définir les exigences en matière d’expérience d’approvisionnement dans la mesure où elles constituent des exigences opérationnelles légitimes... Une entité contractante a le droit d’exprimer tous les besoins réels et raisonnables qu’elle peut avoir et n’est pas tenue de compromettre ses exigences opérationnelles légitimes pour tenir compte de la situation particulière d’un soumissionnaire… il n’y a pas nécessairement quelque chose d’intrinsèquement discriminatoire dans les procédures d’appel d’offres lorsque les soumissionnaires ne sont pas sur un pied d’égalité avec les autres avant le processus d’appel d’offres… des avantages concurrentiels pour certains fournisseurs pourraient être créés en raison de l’occupation des postes ou d’un certain nombre d’autres facteurs commerciaux. Ainsi, si un soumissionnaire est désavantagé, il ne s’ensuit pas nécessairement que les procédures d’appel d’offres utilisées par [le ministère] sont discriminatoires. Pour cette raison, le fait que l’exigence d’un type particulier d’équipement est onéreuse et pourrait être plus lourde pour certains fournisseurs potentiels que pour d’autres n’est pas suffisant pour conclure que les procédures d’appel d’offres sont discriminatoires.

(Canadian Beaver Information Technology Inc., PR-2006-020) Il a été jugé qu’un critère exigeant qu’un soumissionnaire soit accrédité en tant que partenaire certifié Microsoft pour les solutions d’apprentissage n’était pas nécessaire pour répondre aux exigences opérationnelles essentielles d’un contrat visant à enseigner aux employés de Statistique Canada comment utiliser Microsoft Word. Selon le tribunal, tout ce qui importait, c’était de savoir s’ils pouvaient répondre à l’exigence opérationnelle réelle qui était de fournir une formation Microsoft Word.

Analyse des questions et constatations

Question 1 – Le critère obligatoire O1 était-il déraisonnable?

La DP comprenait deux critères obligatoires auxquels un soumissionnaire devait répondre pour que sa soumission soit jugée recevable : O1 et O2. O1 est l’exigence obligatoire visée par cette question.

Critères obligatoires dans la demande de propositions
Élément Critères techniques obligatoires
O1

Le soumissionnaire doit démontrer que la ressource proposée détient un diplôme universitaire d’une université reconnue* en gestion des ressources humaines, en relations du travail ou en relations industrielles, en psychologie, en administration publique ou en administration des affaires, en développement organisationnel, en sciences de l’éducation, en sciences sociales ou en sociologie.

Le soumissionnaire doit démontrer ce critère en fournissant, au moment de la clôture des soumissions, une copie du diplôme de la ressource proposée, délivré par un établissement d’enseignement postsecondaire reconnu.

* Un établissement postsecondaire reconnu est défini comme suit : un établissement privé ou public à qui le plein pouvoir de décerner des grades, diplômes et autres titres de compétence est donné en vertu d’une loi publique ou privée du corps législatif d’une province ou d’un territoire, ou par un mécanisme gouvernemental d’assurance de la qualité. Pour plus de certitude, cela comprend les établissements autorisés à décerner des grades spécifiques dans le cadre de programmes académiques précis.

40. Le critère obligatoire O1 exigeait qu’une ressource proposée ait obtenu un diplôme universitaire. Il décrivait en outre les secteurs de programme particuliers jugés acceptables pour l’exigence du diplôme. Le critère O1 comprenait également l’obligation de fournir une copie du diplôme de la ressource proposée au moment de la clôture des soumissions.

41. Le plaignant a fait part de ses préoccupations concernant les défis que les soumissionnaires peuvent rencontrer pour se conformer à l’exigence associée au critère O1.

42. En réponse, IRCC a indiqué que les critères utilisés étaient fondés sur les critères de diversité couramment utilisés par le Ministère. De plus, IRCC a reconnu que la lacune du Ministère dans la détermination des obstacles potentiels pourrait avoir une incidence sur les collectivités sous-représentées et a noté qu’un examen actif des processus internes d’IRCC était en cours afin de répondre aux préoccupations soulevées et de réduire autant que possible le risque de préoccupations semblables à l’avenir.

43. Dans son examen, le BOA a constaté que les directives de l’équipe des opérations financières et de l’approvisionnement du Ministère à l’intention du client interne ne comprenaient aucune justification quant aux critères obligatoires, mais que les mêmes critères avaient été utilisés mot pour mot dans une exigence antérieure et semblable. De plus, le Ministère n’a fourni aucune documentation à l’appui des décisions prises concernant les critères, les considérations ou les plans qui misent sur l’approvisionnement pour fournir des avantages socioéconomiques et environnementaux.

44. L’article 12.2 du Règlement stipule que « L’ombudsman de l’approvisionnement ne peut substituer son jugement à celui des personnes ayant participé au processus d’acquisition en cause relativement à l’évaluation de toute soumission, sauf si la preuve écrite établissant l’évaluation est insuffisante ou si l’évaluation est déraisonnable. » Bien que cette norme soit censée s’appliquer à l’évaluation des soumissions, elle demeure une norme utile pour évaluer les mesures prises par IRCC dans ce cas.

45. En vertu de l’article 4.5.8 de la Directive sur la gestion de l’approvisionnement, les autorités contractantes doivent limiter le nombre de critères techniques obligatoires à ceux jugés être des exigences essentielles pour obtenir les résultats escomptés et s’assurer qu’aucune soumission n’est rejetée inutilement. Il est important de définir le mot « essentiel » pour éclairer l’examen. Le sens pertinent d’« essentiel » dans le Concise Canadian Oxford Dictionary est « absolument nécessaire, indispensable, requis ».

46. Pour déterminer si le critère obligatoire O1 était une exigence essentielle pour atteindre les résultats souhaités, l’OA devait déterminer si le critère d’un diplôme universitaire dans les domaines indiqués était absolument nécessaire, indispensable ou requis.

47. Aucune preuve n’a été fournie par le Ministère pour indiquer que l’exigence d’un diplôme universitaire dans l’une des nombreuses disciplines énumérées était essentielle pour démontrer qu’une ressource était qualifiée pour être un « expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en matière de biais systémique », tel que précisé dans l’objectif de l’énoncé des travaux de l’exigence. Bien que le Ministère ait limité le nombre de critères techniques obligatoires à deux exigences seulement, il n’est pas clair pourquoi le critère technique obligatoire O1 était essentiel pour atteindre le résultat souhaité et s’assurer qu’aucune soumission n’a été inutilement disqualifiée.

48. À l’instar du cas de Canadian Beaver Information Technology Inc. de TCCE mentionné ci-dessus, le critère obligatoire O1 pour un diplôme universitaire dans l’une des disciplines énoncées ne répondait pas à l’exigence opérationnelle essentielle de fournir les « services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en matière de biais systémique ».

49. Bien qu’un diplôme universitaire puisse être bénéfique et fournir de solides connaissances de base dans certains domaines, y compris une formation en lutte contre le racisme, il n’est pas un facteur absolument nécessaire, indispensable ou requis de l’expertise d’une personne dans la prestation de services en tant qu’expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en biais systémique. La nature générale des types de diplômes inclus indiquait également qu’aucune connaissance particulière n’était requise. Il est important de tenir compte des qualifications, de l’expérience et des perspectives globales d’une ressource lorsqu’elle recherche une expertise professionnelle dans ce domaine important.

Constatation – Question 1

50. L’OA a conclu que le critère obligatoire O1 pour un diplôme universitaire d’une université reconnue en gestion des ressources humaines, en relations du travail ou industrielles, en psychologie, en administration publique ou des affaires, en développement organisationnel, en sciences de l’éducation, en sciences sociales ou en sociologie n’était pas une exigence essentielle pour les services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en biais systémique et était donc déraisonnable.

Question 2 – Le critère coté C3 était-il déraisonnable?

51. Le document de demande de soumissions comprenait trois critères cotés, C1, C2 et C3. Le plaignant a fait part de ses préoccupations au sujet du critère C3 qui l’empêchait de présenter une soumission conforme.

Critères cotés et attribution des points
Élément Critères cotés Attribution des points
C3

Le soumissionnaire doit démontrer qu’il a fait la promotion de la diversité et de la lutte contre le racisme au sein de son organisation dans le cadre à l’aide des activités organisationnelles suivantes :

1. Le soumissionnaire a publié en interne des politiques ou des engagements en matière de lutte contre le racisme et d’intégration. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la politique ou de l’engagement;
  2. une copie des documents de politique ou d’engagement, avec leur date d’entrée en vigueur.

2. Les employés du soumissionnaire sont tenus de suivre une formation obligatoire sur la lutte contre le racisme. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la formation;
  2. le nom de la formation;
  3. le nom du fournisseur de services;
  4. une copie du plan du cours (s’il a été élaboré à l’interne).

3. Les employés du soumissionnaire doivent suivre une formation sur les préjugés inconscients. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la formation;
  2. le nom de la formation;
  3. le nom du fournisseur de services;
  4. une copie du plan du cours (s’il a été élaboré en interne).

4. Le soumissionnaire a mis à la disposition du public des engagements organisationnels envers la création d’un effectif diversifié. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de l’engagement;
  2. une copie des documents d’engagement, avec leur date d’entrée en vigueur.

5. Le soumissionnaire a élaboré une ou des stratégies internes de dotation ou de recrutement dans le but d’accroître la représentation de groupes sous-représentés dans son effectif. Le soumissionnaire doit fournir les éléments suivants avec la soumission :

  1. une description de la stratégie ou des stratégies;
  2. une copie des offres d’emploi ou autres documents de dotation/recrutement démontrant la conformité au critère.

Les soumissionnaires se verront attribuer deux (2) points pour chaque activité démontrée (1 à 5) pour une note totale de 10 points.

Pour obtenir deux (2) points, le soumissionnaire doit décrire l’activité et fournir les documents justificatifs requis.

Deux points supplémentaires seront attribués aux soumissionnaires comme suit :

2 points – Le soumissionnaire a démontré au moins quatre (4) des cinq (5) activités.

1 point – Le soumissionnaire a démontré au moins deux (2) des cinq (5) activités.

Les soumissionnaires peuvent obtenir une note totale maximale de 12 points.

52. Le critère coté C3 était composé de cinq sous-sections, pour une note maximale totale de 12 points sur le total de 96 points qu’un soumissionnaire pouvait obtenir pour les critères techniques cotés.

53. De plus, la note de passage minimale à prendre en considération pour l’attribution du contrat était de 62 points. Par conséquent, si un soumissionnaire reçoit zéro sur 12 points pour le critère C3, un soumissionnaire peut tout de même atteindre le nombre minimum de points requis pour être pris en considération aux fins de l’attribution du contrat.

54. Les sous-sections énumérées dans le critère coté C3 reflètent les éléments indiqués dans la lettre de réponse du Ministère à l’appel à l’action. La lettre de réponse décrit comment IRCC s’est efforcé de poursuivre la promotion de la lutte contre le racisme et de la diversité au moyen d’activités et d’initiatives particulières au sein du Ministère. Il s’agissait de stratégies visant à changer la culture et l’état d’esprit, la gestion des personnes et la responsabilisation. De plus, l’énoncé de valeur de la lutte contre le racisme constitue l’engagement d’IRCC accessible au public qui vise à favoriser la diversité, l’équité et l’inclusion au sein de l’organisation.

55. Selon la réponse reçue d’IRCC, les critères appliqués dans la demande de soumissions étaient fondés sur des critères de diversité couramment utilisés au sein du Ministère. Toutefois, IRCC a reconnu que la lacune du Ministère dans la détermination des obstacles potentiels pourrait avoir une incidence sur les collectivités sous-représentées et a noté qu’un examen actif des processus internes d’IRCC était en cours afin de répondre aux préoccupations soulevées et de réduire autant que possible le risque de préoccupations semblables à l’avenir.

56. On pourrait en déduire que le critère technique C3 reflétait l’intention du Ministère de s’assurer que les activités et les initiatives ministérielles du fournisseur de services potentiel étaient conformes à ce qu’IRCC visait au sein de sa propre organisation.

57. Dans son examen, le BOA a constaté que les directives de l’équipe des opérations financières et de l’approvisionnement du Ministère à l’intention du client interne ne comprenaient aucune justification par rapport aux critères énoncés en C3, mais a noté que les mêmes critères avaient été utilisés mot pour mot dans une exigence semblable. De plus, le Ministère n’a fourni aucune documentation concernant les critères, les considérations ou les plans qui misent sur l’approvisionnement pour fournir des avantages socioéconomiques et environnementaux.

58. À première vue, le critère C3 semblait inclusif. Toutefois, après un examen plus approfondi, il est devenu évident que le C3 reflétait davantage l’alliance inclusive et créait une attirance envers les soumissionnaires qui n’étaient pas eux-mêmes un membre d’un groupe historiquement marginalisé. L’alliance inclusive est définie comme l’effort de ceux qui souhaitent promouvoir les intérêts des groupes méritant l’équité par le biais de différentes activités comme utiliser un langage plus inclusif et retirer les obstacles et les préjugés. Ainsi, bien qu’il aurait pu y avoir une intention sous-jacente derrière la volonté de promouvoir les intérêts des groupes historiquement marginalisés, certains critères appliqués ne se seraient pas traduits efficacement pour un fournisseur qui est, de par sa nature, inclusif et représentatif dans ses pratiques d’embauche.

59. Le Ministère a lui-même reconnu l’importance d’une expérience vécue dans l’EDT, mais n’a pas ajouté de critères qui mettaient en valeur l’expérience vécue lors des évaluations des soumissions. L’importance de l’expérience vécue a été encore affaiblie par les critères C3, ce qui a mené à la création d’un penchant vers les soumissionnaires qui font la promotion de l’alliance inclusive au lieu de soumissionnaires qui sont eux-mêmes membres de groupes historiquement marginalisés.

Constatation – Question 2

60. L’OA reconnaît qu’IRCC a été guidé par des critères de diversité couramment utilisés au sein du Ministère et que les critères techniques décrits en C3 reflétaient l’intention du Ministère de s’assurer que les activités et les initiatives ministérielles du fournisseur de services potentiel étaient harmonisées avec les valeurs organisationnelles d’IRCC. Cependant, ce critère est jugé déraisonnable puisqu’il présente des obstacles aux soumissionnaires que l’acquisition était censée attirer. Le but de cette acquisition était d’éliminer les préjugés systémiques au sein des systèmes d’IRCC, en obtenant les services d’un fournisseur qui a les connaissances suffisantes en préjugé inconscient et en dotation diversifiée. Cependant, les fournisseurs diversifiés n’ont pas besoin d’exiger une main-d’œuvre diversifiée ou un plan visant à augmenter le nombre de groupes sous-représentés au sein de leur main-d’œuvre. Le critère crée donc des obstacles aux soumissionnaires diversifiés et, en s’opposant au but même de l’approvisionnement, ne peut être considéré comme un critère répondant à un vrai besoin opérationnel.

61. Dans l’examen, l’OA a fait référence à la jurisprudence qui a établi que les ministères ont le pouvoir discrétionnaire de définir leurs exigences pour répondre aux besoins opérationnels et ne sont pas tenus de compromettre leurs exigences opérationnelles légitimes pour accommoder les fournisseurs.

62. L’OA reconnaît le pouvoir discrétionnaire accordé aux ministères, mais a conclu que le critère C3 ne reflétait pas les préférences déclarées d’IRCC pour l’expérience vécue compte tenu des services requis. Le critère C3 a été rédigé du point de vue de l’alliance inclusive et non du point de vue d’un fournisseur méritant l’équité.

63. L’OA a conclu que la question 2 était fondée et que le critère coté C3 était déraisonnable.

Question 3 – Le Ministère a-t-il répondu rapidement à la question du plaignant?

64. En ce qui concerne la rapidité de la réponse d’IRCC à la question initiale du plaignant reçue le 5 octobre 2023 (C'est-à-dire la date de clôture des soumissions), il convient de noter que la section 2.3 de la DP indiquait clairement : « Toutes les demandes de renseignements doivent être présentées par écrit à l’autorité contractante au moins cinq jours civils avant la clôture de la demande de soumissions. Toute demande reçue après ce délai pourrait ne pas recevoir de réponse.»

65. La DP a été publiée sur AchatsCanada le 5 septembre 2023 et devait initialement se terminer le 3 octobre 2023. La date de clôture a été modifiée au 5 octobre 2023 en réponse à une demande d’un fournisseur.

66. Le plaignant a envoyé un courriel à IRCC le 5 octobre 2023 à 10 h 11. Le plaignant a demandé s’il pouvait planifier une réunion Zoom « pour comprendre comment ces occasions de soumissions sont mises de l’avant afin que nous puissions être mieux préparés à présenter une soumission à l’avenir». [mise en évidence ajoutée]

67. Le plaignant n’a pas posé sa question d’une manière qui laissait entendre qu’une réponse immédiate était nécessaire pour leur permettre de soumettre une offre dans les délais impartis. Le Ministère a répondu par courriel le 19 octobre 2023, à 13 h 20, en remerciant le plaignant d’avoir souligné l’enjeu et en mentionnant qu’il demanderait à son groupe de travail sur la lutte contre le racisme d’entamer une conversation initiale concernant les préoccupations afin de se renseigner en vue d’autres discussions.

Constatations – Question 3

68. La DP stipulait clairement que toutes les demandes de renseignements doivent être présentées par écrit à l’autorité contractante au moins cinq jours civils avant la date de clôture des soumissions, et les demandes de renseignements reçues après ce délai pourraient demeurer sans réponse. Le plaignant a soumis sa question à IRCC dans les heures suivant la date de clôture de la soumission, le 5 octobre. Même s’il n’avait aucune obligation de répondre au plaignant, le Ministère a fait l’effort de communiquer avec lui en vue d’améliorer son processus à l’avenir.

69. En faisant participer les agents d’IRCC qui s’occupent de la lutte contre le racisme au sein du Ministère et en organisant une réunion avec le plaignant, le Ministère a répondu aux questions soulevées par le plaignant en temps opportun. Étant donné que l’objectif déclaré du courriel du plaignant était d’être « mieux préparé à présenter [notre] soumission à l’avenir », la communication écrite du Ministère le 19 octobre et sa rencontre avec le plaignant le 11 décembre ne constituaient pas un délai déraisonnable.

70. Le dernier élément de cette question a trait à la position du plaignant selon laquelle les questions soulevées dans le cadre de la plainte officielle auraient dû être abordées en 2021 lorsque l’appel à l’action sur la lutte contre le racisme, l’équité et l’inclusion dans le mandat de la fonction publique fédérale a commencé. L’appel à l’action a été lancé en 2021 pour « lutter contre le racisme et bâtir une fonction publique diversifiée, équitable et inclusive». La position du plaignant, bien qu’elle soit convaincante, va au-delà du mandat de l’ombud et ne peut donc pas être évaluée davantage.

71. L’OA a conclu que la question 3 n’était pas fondée et le Ministère a répondu au plaignant en temps opportun.

Conclusion

72. En ce qui concerne la question 1, l’OA a jugé que la plainte selon laquelle le critère obligatoire O1 était déraisonnable était fondée, car l’exigence d’un diplôme universitaire dans l’un des domaines d’études désignés n’était pas une exigence essentielle pour les services d’un expert-conseil en lutte contre le racisme possédant une expertise professionnelle en matière de biais systémique.

73. En ce qui concerne la question 2, l’OA a conclu que la plainte était fondée et que le critère C3 était déraisonnable. Le critère n’était pas conforme à la préférence déclarée du Ministère pour l’expérience vécue et a été rédigé du point de vue de l’alliance inclusive.

74. En ce qui concerne la question 3, l’OA n’a pas conclu au bien-fondé de la plainte selon laquelle le Ministère n’a pas répondu en temps opportun. Le Ministère a répondu rapidement au courriel du plaignant, conformément aux renseignements contenus dans la DP.

Autres observations

75. Cette plainte met en lumière la valeur des considérations de diversité et d’inclusion dans les pratiques d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Elle souligne également l’importance pour les ministères de cerner les possibilités de planifier et de gérer stratégiquement les processus d’approvisionnement d’une manière qui permet d’obtenir des résultats opérationnels et de démontrer une saine gérance et le meilleur rapport qualité-prix, conformément aux objectifs socioéconomiques et environnementaux du gouvernement du Canada.

76. La plainte met davantage en lumière des préoccupations concernant les obstacles potentiels pour les groupes dignes d’équité lorsqu’ils participent aux processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral. Une prise en compte supplémentaire des possibilités de réduire ces obstacles et de chercher à faire progresser le traitement équitable et à promouvoir les affaires avec des groupes dignes d’équité peut favoriser la diversité, l’équité et l’inclusion dans le contexte du processus d’approvisionnement du gouvernement fédéral.

77. À titre de bonne pratique, lorsque les ministères font l’effort d’inclure un énoncé selon laquelle les projets, par exemple, bénéficieraient le plus de l’expertise d’une ressource ayant une expérience vécue, ils devraient s’assurer que les critères d’évaluation inclus dans la DP appuient l’énoncé.

78. L’OA a souligné l’engagement d’IRCC à travailler à la détermination des obstacles potentiels qui pourraient avoir une incidence sur les groupes dignes d’équité en examinant les processus internes afin de réduire autant que possible les préoccupations et les enjeux futurs; l’OA encourage tous les ministères à continuer de travailler à l’atteinte de cet objectif.

79. Enfin, il y a une lacune et la nécessité pour les décideurs d’élaborer des orientations politiques et des outils complets pour aider les agents d’approvisionnement à créer des critères de diversité, d’équité et d’inclusion ainsi qu’à les évaluer afin de faire progresser le traitement équitable des groupes qui ont toujours été sous-représentés dans le contexte de la chaîne d’approvisionnement fédérale et de faire la promotion des occasions d’affaires auprès de ceux-ci.

Indemnisation

80. Afin de recommander le versement d’une indemnité au plaignant, le paragraphe 13(2) du Règlement exige ce qui suit :

« Si un appel d’offres a été lancé, le plaignant doit avoir soumissionné à l’égard du marché de l’État visé par la plainte, à moins qu’il n’ait pu le faire en raison des actions du ministère contractant. »

81. Un processus concurrentiel a eu lieu au moment où le Ministère n’a pas empêché le soumissionnaire de présenter une soumission. Ainsi, l’ombud ne peut pas recommander une indemnité conformément au Règlement.

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