Dirigeant principal des achats

Juillet 2021

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1.0 Introduction

1.1 Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement

Le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA) est une organisation du gouvernement du Canada, neutre et indépendante, qui travaille en collaboration avec les ministères fédéraux et les entreprises canadiennes (fournisseurs) pour promouvoir l’équité, l’ouverture et la transparence du processus d’approvisionnement fédéral. Le BOA s’acquitte de ce mandat en établissant des liens entre les intervenants, en étudiant des plaintes, en réglant les problèmes, en formulant des recommandations et en communiquant les pratiques exemplaires.

En 2018, le BOA a lancé une initiative d’approfondissement et de partage des connaissances (APC) pour mieux comprendre les principaux problèmes liés à l’approvisionnement fédéral. Par la publication d’études d’APC, le BOA compte diffuser des connaissances et fournir des directives utiles aux intervenants de l’approvisionnement fédéral.

1.2 Remerciements

Le BOA tient à remercier les organisations fédérales et provinciales participantes et les personnes ayant participé aux entrevues pour leur contribution à l’élaboration de cette étude.

1.3 Demandes de renseignements

Veuillez transmettre toute demande de renseignements à l’adresse suivante :

Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement
410, avenue Laurier O., bureau 400
Ottawa (Ontario) K1R 1B7
Canada

Téléphone :
1-866-734-5169

Numéro sans frais pour les malentendants :
1-800-926-9105

Courriel :
ombudsman@opo-boa.gc.ca

1.4 Dirigeant principal des achats

Le dirigeant principal des achats (DPA) est le responsable de l’approvisionnement d’une organisation ou d’un gouvernement. Dans le secteur public, il peut exister à plusieurs paliers, d’un seul ministère à une ville, une province ou un pays. Actuellement, le Canada n’a pas de DPA pour l’approvisionnement du gouvernement fédéral. Toutefois, ce rôle est établi à l’échelle provinciale à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan. Le rôle d’un DPA peut être vaste et est conçu pour assurer un leadership dans l’approvisionnement.

Les principales fonctions du poste sont, notamment :

  • surveiller;
  • orienter;
  • assurer l’application uniforme des politiques;
  • soutenir la gestion des talents et l’innovation dans la collectivité d’approvisionnementNote de bas de page 1

1.5 L’objectif de cette étude

L’objectif de cette étude est d’évaluer si un dirigeant principal des achats (DPA), en tant que directeur de l’approvisionnement à l’échelle fédérale, pourrait résoudre certains des problèmes récurrents de l’approvisionnement fédéral. Cette étude commence par un examen de certains des problèmes actuels de l’approvisionnement canadien et examine différents modèles de DPA à l’aide d’exemples tirés d’administrations canadiennes et internationales. Les recherches effectuées dans le cadre de cette étude comprenaient un examen des rapports gouvernementaux, de la documentation universitaire et des entrevues avec des fonctionnaires.

Cette étude révèle quatre aspects clés où le rôle d’un DPA pourrait ajouter de la valeur à l’échelle fédérale du Canada.

  1. Le premier aspect est celui d’un agent de changement. Le DPA ne se contente pas de superviser la structure d’approvisionnement existante, il y contribue activement et la modifie pour répondre aux besoins des intervenants. Par exemple, le DPA peut promouvoir la normalisation et la simplification. Parmi les autres exemples, citons la nature évolutive de la meilleure valeur, qui en est venue à inclure des considérations économiques, environnementales et sociales.
  2. Le deuxième aspect est une voix unique pour l’approvisionnement. Le rôle du DPA consiste à consolider les renseignements relatifs à l’approvisionnement provenant de nombreux ministères et organismes, et à agir à titre de porte-parole pour les questions, les solutions et les pratiques exemplaires. Une voix unique permet de mieux normaliser les méthodes d’approvisionnement et de développer des pratiques cohérentes pour tous les ministères et organismes.
  3. Le troisième aspect est la coordination. En soutenant une voix unique, le DPA unifie également les actions qui résultent des services d’approvisionnement. Comme le montrent de nombreux examens et rapports gouvernementaux abordés dans cette étude, l’approche fragmentée de l’approvisionnement fédéral est un problème important de longue date. Un DPA peut permettre une meilleure coordination en créant un conseil ou un groupe qui rassemble des experts de divers ministères et organismes; le conseil fait partie de chaque administration discutée. Ces conseils ou groupes ne sont pas simplement des acteurs passifs. Ils participent à la résolution des problèmes actuels et développent activement des solutions.
  4. Le dernier aspect est la professionnalisation en ce qui concerne la formation et l’expertise en matière d’approvisionnement. Le développement continu de la profession d’approvisionnement est crucial pour garantir que le secteur public a la capacité de répondre à l’évolution des besoins du gouvernement. En interprétant la législation et en la traduisant en politiques cohérentes, en documents de référence ou en guides, le DPA contribue à créer les conditions qui soutiennent un secteur public bien équipé.

L’étude se conclut par une recommandation selon laquelle le gouvernement fédéral devrait envisager de créer un poste de DPA pour l’approvisionnement fédéral.

2.0 Approvisionnement du gouvernement

Au cours des 15 dernières années, un certain nombre de rapports pangouvernementaux sur l’approvisionnement fédéral ont mis en évidence des problèmes récurrents, notamment le manque de leadership, le besoin de normalisation, la complexité des approvisionnements, le manque d’imputabilité et la nécessité d’accentuer la professionnalisation de l’approvisionnement. Des problèmes similaires ont été relevés par l’ombudsman de l’approvisionnement et figurent régulièrement dans les « 10 principaux problèmes de l’approvisionnement fédéral » du BOA. La section suivante présente un aperçu de certains de ces rapports et met en lumière le fait que certains problèmes relevés dès 2005 persistent encore aujourd’hui.

2.1 Groupe de travail sur l’examen des achats de l’ensemble du gouvernement

En janvier 2005, un Groupe de travail sur l’examen des achats de l’ensemble du gouvernement (le Groupe de travail), dirigé par le secrétaire parlementaire de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), a entrepris un examen des études gouvernementales antérieures sur l’approvisionnement remontant à 1962Note de bas de page 2. Le groupe de travail a constaté que certains changements majeurs ont été apportés à l’approvisionnement et que les recommandations ont été acceptées. Par contre, la mise en œuvre a été difficile et n’a été que partiellement réussie, de sorte que « de nombreux points soulevés dans les études précédentes restent pertinents et méritent d’être pris en considération »Note de bas de page 3.

2.1.1 Secrétariat du Conseil du Trésor et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : rôles et responsabilités

Le Groupe de travail a noté dans son examen de l’approvisionnement du gouvernement qu’il y avait une certaine confusion créée par les rôles et les responsabilités en matière d’approvisionnement du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et de Travaux publics et Services d’approvisionnement Canada (maintenant Services publics et Approvisionnement Canada [SPAC]). Il a spécifiquement noté que la division des responsabilités entre les ministères ajoutait au manque de normalisation de l’approvisionnementNote de bas de page 4. Un enjeu important était de savoir où se terminent les responsabilités du SCT, en tant que créateur de la politique d’approvisionnement, et où commencent les responsabilités de TPSGC, en tant que ministère chargé de la mise en œuvre de la politique. Cela a contribué à une tension entre la création d’objectifs stratégiques et leur mise en œuvre qui « peut produire un environnement difficile pour les décideurs »Note de bas de page 5.

Selon le groupe de travail, cette tension est apparue dans les problèmes suivants, relevés dans plusieurs rapports d’audit : « l’application et la clarté des règlements et des politiques sur les contrats, les responsabilités relatives à l’administration et à la gestion des contrats, et la nécessité de la formation dans le domaine de l’approvisionnement »Note de bas de page 6. L’impact des rôles et des responsabilités a également entravé l’élaboration d’objectifs clairs, qui favorisent la réalisation des objectifs et la mobilisation des ressources nécessaires pour les atteindreNote de bas de page 7.

2.1.2 Normalisation et responsabilité

L’absence de normalisation est un problème majeur relevé par le groupe de travailNote de bas de page 8. Cela est dû en partie à la nature fragmentée du système d’approvisionnement, que le groupe de travail a résumé comme suit : « la politique par rapport aux opérations; la délégation des pouvoirs en faisant la distinction entre les biens et les services; l’autonomie opérationnelle des ministères dans certains cas et dans d’autres, le recours à l’organisme de services communs (TPSGC) et parfois, la nécessité de faire appel aux services obligatoires de TPSGC »Note de bas de page 9. L’impact qui en résulte est un système complexe sans centre de responsabilité clair. On ne saurait trop insister sur l’importance de la responsabilisation en matière d’approvisionnement, car elle incite à l’utilisation et à la mise en œuvre des pratiques exemplaires.

De nombreux fournisseurs ont souligné la complexité et la lenteur du processus d’approvisionnement et l’impact négatif qui en résulte sur l’équité et la transparence8Note de bas de page 8. Ces observations ont été partagées par le vérificateur général, qui a noté « la nécessité de réduire les délais requis pour recruter des fournisseurs afin de répondre aux besoins opérationnels spécifiques du gouvernement »Note de bas de page 4.

Pour remédier à ces problèmes, le groupe de travail a recommandé la création d’un centre de coordination des responsabilités en matière d’approvisionnement et d’un organe de surveillance de l’approvisionnement « pour assurer la surveillance et la transparence dans la gestion de l’approvisionnement et dans l’évolution des pratiques exemplaires dans ce domaine »Note de bas de page 10. Le groupe de travail a également formulé un certain nombre de recommandations pour soutenir la normalisation, notamment l’utilisation obligatoire d’outils d’approvisionnement dans l’ensemble du gouvernement, l’élaboration d’offres à commandes, ainsi que la création et l’utilisation d’une terminologie à l’échelle du gouvernement.Note de bas de page 11

2.2 À la recherche d’un équilibre : aider les petites et moyennes entreprises à accéder aux contrats d’approvisionnement du fédéral

En 2009, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (OGGO) a effectué une étude sur la façon dont les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent accéder aux contrats d’approvisionnement du fédéralNote de bas de page 12.

La complexité du processus d’approvisionnement a de nouveau été mentionnée par les fournisseurs comme un point de tension et de frustrationNote de bas de page 13. Par le biais d’une enquête auprès des fournisseurs, le rapport a noté que « de nombreux [fournisseurs] étaient préoccupés par certains problèmes, tels que la quantité de documents à remplir, la difficulté à contacter les acheteurs et le fait de ne pas pouvoir déterminer pourquoi leur offre n’a pas été retenue »Note de bas de page 14. Les fournisseurs avaient le sentiment général que « cela ne vaut pas la peine de faire des efforts et d’investir pour répondre aux appels d’offres du gouvernement fédéral »Note de bas de page 14. La complexité n’a pas seulement des répercussions sur les fournisseurs, mais aussi sur les fonctionnaires. Les répondants à l’enquête ont indiqué qu’il était difficile d’obtenir des éclaircissements sur les demandes de propositions et que les personnes travaillant à l’approvisionnement n’avaient pas suffisamment d’expérience pour comprendre les aspects les plus techniques de l’objet du contratNote de bas de page 14.

La question de la normalisation est réapparue dans le rapport de 2009, avec un accent mis sur la nature fragmentée des programmes et services d’aide aux PMENote de bas de page 15. Malgré l’offre de nombreux services pour aider les PME à accéder aux contrats d’approvisionnement, l’absence d’une approche unifiée a conduit certains répondants à recommander l’établissement d’un système centralisé de services et de programmes fédérauxNote de bas de page 16. Craignant que cette approche ne réduise l’efficacité des programmes, une recommandation a été formulée : « [que] les programmes et services pour les PME fournis par les agences de développement régional [du Bureau des petites et moyennes entreprises] et par Industrie Canada soient absorbés par un seul secteur qui aurait le pouvoir de créer des politiques et des processus liés aux PME »Note de bas de page 16.

2.3 Sur la nécessité d’un dirigeant principal des achats au sein du gouvernement fédéral du Canada

En 2017, un livre blanc a été publié par deux fonctionnaires qui plaidaient pour la création d’un DPA fédéralNote de bas de page 17. Les auteurs soulignent plusieurs problèmes qu’un DPA devrait être en mesure de résoudre, notamment le leadership, la normalisation et la modernisationNote de bas de page 1. La modernisation implique non seulement l’utilisation des pratiques exemplaires les plus récentes en matière d’approvisionnement, mais aussi la simplification, la réduction de la charge administrative, l’encouragement de la concurrence, l’approvisionnement stratégique qui soutient les objectifs de la politique économique, ainsi que l’approvisionnement social et écologiqueNote de bas de page 18. En tant que leaders dans la collectivité de l’approvisionnement, les auteurs déclarent qu’un « DPA fournirait la supervision centrale et l’orientation nécessaires pour assurer l’application normalisée des processus et des outils d’approvisionnement dans les organisations fédérales, ce qui entraînerait une diminution des coûts, une réduction des risques et un meilleur accès pour les fournisseurs »Note de bas de page 19.

Bien que cette publication n’ait pas conduit à la création d’un dirigeant principal des achats (DPA) fédéral, elle a attiré l’attention sur la nécessité d’un plus grand leadership en ce qui concerne les approvisionnements pour atteindre les objectifs de modernisation en la matière. En s’appuyant sur les idées contenues dans le document, le Bureau du contrôleur général (BCG) a lancé un projet pilote ministériel de dirigeant principal des achats en février 2019 afin d’explorer les avantages d’un modèle de gouvernance des achats plus structuré et de fournir des commentaires concrets pour orienter les nouveaux modèles de gouvernance et de leadership en matière d’approvisionnementNote de bas de page 20. Cette initiative visait à tirer profit d’un plus grand leadership en matière d’approvisionnement à l’échelle ministérielle. Une brève discussion au sujet de cette initiative se trouve en annexe.

2.4 Modernisation des marchés publics fédéraux pour les petites et moyennes entreprises, les entreprises appartenant à des femmes et les entreprises autochtones

Un examen mené en 2018 par le OGGO a constaté qu’un certain nombre de problèmes perduraient, particulièrement la complexité du processus d’approvisionnement et l’incidence de cette complexité sur les PMENote de bas de page 21. Le Comité a écrit que « le processus d’approvisionnement fédéral est décousu et bénéficierait d’une meilleure coordination entre les ministères et organismes fédéraux »Note de bas de page 22.

Le Comité a résumé les cinq principaux défis du système actuel :

  • la complexité du processus d’approvisionnement fédéral;
  • le recours à des méthodes d’approvisionnement décalées;
  • une attention particulière au coût plutôt qu’aux qualifications et aux compétences au moment de la sélection des entrepreneurs et des fournisseurs;
  • la nécessité d’améliorer l’accès aux marchés publics fédéraux pour les PME et les entreprises appartenant à des femmes et à d’autres groupes socialement défavorisés;
  • l’incapacité de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones de réaliser son plein potentiel et la nécessité de l’améliorerNote de bas de page 23

Les recommandations du comité visaient à réduire ces difficultés en demandant au gouvernement de « moderniser les politiques et les procédures de passation des marchés..., notamment en simplifiant les exigences et en mettant à jour les modalités »Note de bas de page 24. Conscient de ces problèmes – en particulier la complexité due à la mauvaise coordination entre les ministères – le Comité a formulé 40 recommandations, dont certaines portent sur les questions abordées dans les deux rapports précédents. Par exemple, il a recommandé au gouvernement de former les responsables des approvisionnements, de moderniser les politiques et les procédures, d’harmoniser les pratiques d’approvisionnement entre les ministères, de simplifier les approvisionnements et d’assurer une interprétation commune de la Stratégie d’approvisionnement auprès des entreprises autochtones (SAEA)Note de bas de page 24.

2.4.1 Ombudsman de l’approvisionnement

Les problèmes soulignés ci-dessus confirment ce que l’ombudsman continue d’entendre, tant de la part des fournisseurs que des représentants du gouvernement. Deux problèmes méritent plus particulièrement d’être soulignés : la complexité du processus d’approvisionnement et la nécessité d’une plus grande professionnalisation de la collectivité de l’approvisionnement. Ces questions ont été mises en évidence dans trois rapports annuels consécutifs, de 2017 à 2020Note de bas de page 25. Sur la question de la complexité, l’ombudsman a fait remarquer que « la simplification du processus d’approvisionnement est une question récurrente, portée à l’attention du BOA depuis de nombreuses années. Le Bureau [de l’ombudsman] entend souvent dire que le processus fédéral est trop complexe, long et bureaucratique »Note de bas de page 26. Par conséquent, la simplification a été désignée comme un domaine clé pour l’actuel ombudsman de l’approvisionnementNote de bas de page 27.

Le deuxième point sur la professionnalisation concerne l’expertise en matière d’approvisionnement et le renforcement de la communauté de l’approvisionnement. Ce problème a été soulevé auprès de l’ombudsman par des fonctionnaires fédéraux qui ont indiqué « qu’il fallait renforcer la collectivité de l’approvisionnement. [Que] la capacité des ressources s’affaiblit, la formation et l’attestation sont... difficiles à obtenir et les attentes à l’égard des agents d’approvisionnement varient »Note de bas de page 27. Cette lacune en matière de capacité a été reconnue par le SCT qui a établi des partenariats avec des universités et des collèges pour promouvoir les carrières en approvisionnementNote de bas de page 28.

En résumé, bien que les examens gouvernementaux mis en évidence dans cette section aient été menés indépendamment sur une période de 15 ans, ils soulignent des problèmes similaires qui persistent à ce jour dans l’approvisionnement fédéral. Il s’agit notamment du manque de leadership, du besoin de normalisation, de la complexité des approvisionnements, du manque d’imputabilité et de la nécessité d’accentuer la professionnalisation de la collectivité de l’approvisionnement. En 2017, le livre blanc sur le dirigeant principal des achats s’est appuyé sur ces questions pour appeler à la création d’un dirigeant principal des achats fédéral.

2.5 Autres rôles de dirigeant principal au sein du gouvernement fédéral

L’établissement d’un rôle de dirigeant principal dans un domaine donné n’est pas un concept nouveau. On trouve d’autres dirigeants principaux au sein du gouvernement fédéral dans les domaines des ressources humaines, de la santé, des finances, de l’information et des élections. La section suivante examine de plus près certains des rôles de dirigeant principal afin de comprendre ce qui a motivé leur mise en place et de déterminer si la création d’un rôle similaire dans le domaine de l’approvisionnement pourrait contribuer à résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus.

2.5.1 Dirigeant principal de l’information

Le poste de dirigeant principal de l’information (DPI) du Canada a été créé en 1993 avec l’essor des nouvelles technologies de l’information et des communicationsNote de bas de page 29. La création de ce rôle découle d’un rapport influent de la Commission Glassco qui attirait l’attention sur le « manque de leadership du Conseil du Trésor en matière de traitement et de transmission des données »Note de bas de page 30. Le DPI est le « conseiller principal du gouvernement en matière d’utilisation des [technologies de l’information et des communications] » et un leader, « au sein de l’ensemble du gouvernement du Canada, dans les domaines de la gestion de l’information, de la technologie de l’information, de la sécurité ainsi que de la protection des renseignements personnels et de l’accès à l’information »Note de bas de page 31. En fournissant une orientation et un leadership stratégiques, le DPI est également un porte-parole pour ce qui touche aux problèmes et aux possibles solutions dans le domaine.

Le Conseil des DPI est un moyen de promouvoir le leadership. Dirigé par le DPI, le Conseil réunit les DPI de tous les ministères pour coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des politiquesNote de bas de page 32. Ce Conseil « demeure l’un des instruments de leadership les plus importants du DPI au sein de la fonction publique »Note de bas de page 33.

De sa création en 1993 jusqu’en 2018, le DPI se situait au-dessous du niveau de sous-ministre (SM) (c’est-à-dire au niveau de sous-ministre adjoint [SMA]), ce qui n’était pas le cas d’autres dirigeants principaux, par exemple le dirigeant principal des ressources humainesNote de bas de page 34. Le rang initial du DPI a limité sa capacité de leadership Note de bas de page 35. En 2018, le DPI est passé au niveau des SM, ce qui a eu une incidence importante sur l’influence potentielle de la fonctionNote de bas de page 36. Ce changement a également permis au DPI de siéger à la table de la haute direction et de participer aux comités interministériels qui s’attaquent aux problèmes systémiques du gouvernement. Le DPI, en tant que SM, a maintenant la capacité de faire avancer les questions et d’attirer l’attention sur elles d’une manière qui n’aurait jamais été possible si le poste était resté au niveau du SMANote de bas de page 36.

2.5.3 Bureau du dirigeant principal des ressources humaines

Le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines (BDPRH) a été créé en 2009 en réponse à un examen gouvernemental (portant sur 250 millions de dollars de financement des ressources humaines) qui a révélé des inefficacités en matière de leadership. Le BDPRH est issu de la fusion de l’Agence de la fonction publique du Canada et des parties du SCT qui s’occupaient des questions de rémunération et de ressources humaines afin de créer un centre de leadership ayant des rôles et des responsabilités communsNote de bas de page 37.

Le BDPRH « assiste le Conseil du Trésor dans son rôle d’employeur en favorisant l’excellence en matière de gestion des ressources humaines et en veillant à l’harmonisation des mesures mises en œuvre au sein de la fonction publique »Note de bas de page 38. Le BDPRH soutient également la collectivité des ressources humaines grâce à son travail de sensibilisation aux pratiques éthiques et à la dénonciationNote de bas de page 38. L’une des principales responsabilités du BDPRH est de fournir des conseils et des orientations aux cadres sur leurs responsabilités concernant la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles (LPFDAR), qui est la loi qui soutient la dénonciationNote de bas de page 39. En soutenant les ministères et les objectifs de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, le bureau contribue à la simplification générale de l’embauche au gouvernementNote de bas de page 40.

Dirigé par le dirigeant principal et offrant un soutien supplémentaire aux ministères, le Conseil des ressources humaines « participe à l’élaboration du Programme commun de gestion des personnes et participe aux activités conformément à des structures de gouvernance établies »Note de bas de page 41. Le Conseil est une autre démonstration du rôle de leadership du dirigeant principal, mais aussi d’autres aspects de la fonction comme la coordination, puisqu’il « réunit les chefs des RH »Note de bas de page 42.

2.5.3 Dirigeant principal des achats

Il est envisagé qu’un DPA, une fois en place, soit au même niveau de SM que le dirigeant principal de l’information et le dirigeant principal des ressources humaines, et qu’il ait donc la capacité et l’influence nécessaires pour diriger avec succès la fonction d’approvisionnement du gouvernement fédéral.

3.0 Territoires de compétence

Le modèle de DPA est établi à l’échelle internationale au Royaume-Uni et à l’échelle provinciale à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse au Canada. Cette section examine les différentes approches applicables à un DPA dans ces territoires de compétence afin de déterminer si le modèle permet de résoudre certains des problèmes systémiques d’approvisionnement abordés dans ce rapport.

3.1 Royaume-Uni

Les marchés publics au Royaume-Uni sont semi-centralisés, ce qui signifie que les achats sont effectués par les ministères et les agences, plutôt que par un acheteur principalNote de bas de page 42. Le Royaume-Uni a créé un DPA national pour traiter les questions d’approvisionnement et superviser la politique d’approvisionnement dans le cadre d’une stratégie de réforme de l’approvisionnement en 2012Note de bas de page 43. Cette décision a été prise en réponse à des rapports faisant état de problèmes systémiques en matière d’approvisionnement, notamment en ce qui a trait à la complexité, à l’absence d’un objectif stratégique commun, et d’un système « inefficace, fragmenté et non coordonné »Note de bas de page 44. Le DPA dirige l’élaboration et la mise en œuvre des politiques et est responsable d’autres initiatives telles que le Procurement Reform Board, le gouvernement en tant qu’acheteur unique, la simplification, la gestion du rendement des fournisseurs et la professionnalisationNote de bas de page 45.

En créant un leadership en matière d’approvisionnement, le DPA a clarifié la hiérarchisation des responsabilités et a augmenté l’imputabilitéNote de bas de page 46. Le DPA affirme « renforcer la capacité du gouvernement à s’aligner sur les meilleures pratiques du secteur privé en fusionnant les fonctions d’approvisionnement et de relations commerciales existantes au sein du Cabinet Office en une seule Direction, la « Commercial Procurement and Relationships Directorate »Note de bas de page 47. Un certain nombre de sous-groupes ont été créés sous l’égide du DPA pour traiter les questions commerciales et d’approvisionnementNote de bas de page 48.Chacun des éléments suivants relève du DPA : l’équipe des petites et moyennes entreprises (PME), la politique et la capacité en matière d’approvisionnement, l’équipe des transactions complexes, et les relations commercialeNote de bas de page 49.

3.1.1 Le meilleur rapport qualité-prix et le gouvernement en tant qu’acheteur unique

La nature fragmentée du système de passation de marchés a été abordée par la création du Government Procurement Service (GPS), qui rend compte au DPANote de bas de page 49. Semblable à SPAC au Canada, le GPS soutient la centralisation en passant des marchés pour des biens et services communs au nom des ministèresNote de bas de page 50. Avant cette réforme, les ministères passaient des marchés avec un grand nombre de fournisseurs pour des biens ou des services similaires ou identiques, une pratique qui, selon le National Audit Office, comportait des risques financiersNote de bas de page 51. En tant qu’acheteur unique soutenu par le DPA, le gouvernement a pu unifier sa position d’approvisionnement et parler d’une seule voix. Puisque de nombreux ministères doivent passer des marchés pour les mêmes biens et services, des experts ont été désignés pour négocier – en tant qu’acheteur unique représentant tous les ministères – avec les fournisseurs qui détenaient une part importante des marchésNote de bas de page 52.

3.1.2 Simplification et normalisation

L’une des réalisations du DPA est l’accessibilité accrue des marchés de Technologies de l'information et de la communication (TIC) [technologies de l’information et de la communication] pour les PME. Pour atteindre son objectif de 25 % d’attribution de contrat à des PME, le gouvernement a apporté des changements à sa stratégie d’approvisionnement en matière de délais et de publicité pour les besoins en TICNote de bas de page 53, notamment en essayant de réduire le nombre de contrats TIC de grande envergure en convertissant les contrats de TIC généraux en contrats séparés en tâchesNote de bas de page 54. Par exemple, le travail sur les logiciels a fait l’objet d’un contrat séparé pour les réseaux, plutôt que d’être jumelé dans un contrat plus largeNote de bas de page 55. Cette méthode a augmenté l’accessibilité en permettant aux petits fournisseurs ayant une expertise particulière, dans un domaine précis, d’entrer en concurrence avec les grands fournisseurs ayant une expertise dans plusieurs domaines.

La normalisation a bénéficié à la gestion du rendement des fournisseurs. Avant les réformes, le National Audit Office notait qu’« un fournisseur dont le rendement au sein d’un ministère était faible pouvait remporter un appel d’offres pour un contrat similaire dans un autre ministère sans que les problèmes de rendement ne soient discutés »Note de bas de page 55. La création d’un DPA s’est accompagnée d’une approche intégrée de la gestion des fournisseurs. L’équipe chargée des relations commerciales et les représentants de l’État ont compilé un portefeuille de fournisseurs et produit une échelle de notation du rendement recommandéeNote de bas de page 56.

3.1.3 Professionnalisation

Le DPA a également contribué à renforcer l’expertise en matière d’approvisionnement ainsi qu’à professionnaliser la fonction d’acheteur en créant la Commissioning Academy pour « valoriser le statut des emplois en approvisionnement et développer un cadre professionnel »Note de bas de page 48. La création de la Commissioning Academy a permis de soutenir le développement de l’expertise du secteur public dans tout le Royaume-Uni, en organisant « des classes de maître, des ateliers, des conférences, des visites de sites et des défis pour les pairs »Note de bas de page 56. La professionnalisation de l’emploi a été l’un des moyens utilisés par le DPA pour mettre en place un système d’approvisionnement axé sur les résultats et permettre d’améliorer les connaissances des citoyens et des communautés dans le secteur publicNote de bas de page 57. Pour la Commissioning Academy, connaître les besoins localisés est un moyen de donner priorité aux résultatsNote de bas de page 58.

3.1.4 Procurement Reform Board

Le Procurement Reform Board (PRB) a été créé pour être le point de contact du DPA avec les ministères. Dirigé par le DPA, le PRB a rassemblé les directeurs des achats des six ministères ayant le plus gros volume d’achatsNote de bas de page 59. Orienté par les objectifs stratégiques de la stratégie de réforme, le PRB a permis aux responsables des achats de coordonner leur réponse et les mesures subséquentes à prendreNote de bas de page 60. Dans le but d’économiser de l’argent et de mettre l’accent sur une surveillance adéquate de l’argent des contribuables, la stratégie de réforme vise à regrouper et à normaliser les dépenses relatives aux biens et services communsNote de bas de page 60.

3.2 Nouvelle-Écosse

La province de la Nouvelle-Écosse dispose d’un DPA depuis 2011Note de bas de page 61. La section suivante donne un aperçu du mandat du DPA provincial et met en évidence les recoupements avec certains des thèmes abordés jusqu’à présent, notamment la normalisation, la transparence et l’imputabilité.

3.2.1 Normalisation

La normalisation est une question cruciale qui constitue un domaine d’intérêt central pour le DPA de la Nouvelle-Écosse. Pour assurer la cohérence entre les ministères, le DPA est habilité à « identifier les possibilités et soutenir la collaboration [...] dans l’ensemble du secteur public »Note de bas de page 62. En élaborant un manuel d’approvisionnement comprenant divers protocoles et outils servant de modèles (les DPrix et DDP) pour une utilisation à l’échelle du gouvernement, le DPA soutient une approche intégrée de l’approvisionnementNote de bas de page 63.

Le DPA gère également un programme de conformité pour s’assurer que la politique est respectéeNote de bas de page 64. Le programme contribue à la normalisation tout en faisant office de mécanisme de rétroaction sur la politique elle-même. Cela permet d’atténuer tout conflit entre ceux qui élaborent la politique et ceux qui la mettent en œuvreNote de bas de page 65. Le groupe consultatif sur les marchés publics (Procurement Advisory Group) surveille également la manière dont une politique interagit avec les différents services ministériels publicsNote de bas de page 65.

Le DPA a contribué à la modernisation de la fonction d’approvisionnement. Le développement et la mise en œuvre d’outils d’approvisionnement électroniques en sont un exempleNote de bas de page 66. Les outils d’approvisionnement électroniques sont non seulement importants sur le plan environnemental grâce aux ressources économisées, mais aussi sur celui de l’efficacité en permettant la création et la présentation de soumissions au moyen d’un seul outil en ligne. Un autre exemple de modernisation est une initiative appelée Flextrack, qui est similaire à une offre à commandes, mais qui offre davantage de flexibilitéNote de bas de page 67. Proposant initialement des offres à commandes pour la gestion des TI, Flextrack a été développé pour comprendre la gestion du recrutement des cadres, les services de communication, les services commerciaux gérés et le recrutement temporaireNote de bas de page 68. Alors qu’une commande exige du fournisseur qu’il soit disponible pendant une période déterminée et qu’il soit en mesure de fournir un bien ou un service sur demande, Flextrack permet aux fournisseurs de quitter le programme à tout momentNote de bas de page 69. Parmi les avantages du programme, mentionnons les contrôles sur l’établissement et le maintien des budgets, la gestion des extensions et le maintien d’un droit de regard sur la sélection juste et équitable des fournisseursNote de bas de page 69.

3.2.2. Leadership et innovation

Dirigé par le DPA, le Procurement Advisory Group (PAG) réunit des experts en approvisionnement provenant de divers domaines, dont les municipalités, les établissements d’enseignement, les commissions scolaires, les autorités sanitaires et les ministèresNote de bas de page 70. Le PAG conseille le ministre sur un certain nombre de questions relatives à l’approvisionnement, notamment les pratiques exemplaires (efficacité et coût), les risques et la normalisation des politiques et des pratiquesNote de bas de page 71.

Au-delà de sa fonction consultative, le PAG joue également un rôle dans l’innovation en élaborant des guides et des protocoles à l’usage des organismes publics. Deux exemples sont l’Alternative Procurement Circumstance Guide (Guide ALTP) et un guide sur l’utilisation des clauses de ferroutageNote de bas de page 69. Le Guide ALTP examine divers scénarios d’approvisionnement et les méthodes d’approvisionnement qui pourraient être utilisées (scénarios d’urgence, fournisseur unique, etc.) et trace une voie à suivreNote de bas de page 72. Le deuxième guide sur le ferroutage traite d’une méthode d’approvisionnement utilisée après l’attribution d’un marché, par laquelle le gouvernement peut acheter les mêmes biens et/ou services par le biais du processus initial.Note de bas de page 73. Pour l’avenir, le PAG travaille à l’élaboration d’un « protocole de plainte, d’un guide des marchés publics conjoints et d’un guide sur la manière de traiter les soumissions non sollicitées »Note de bas de page 69.

Le secrétariat à la gouvernance des achats (Procurement Governance Secretariat) relève du DPA et soutient le PAGNote de bas de page 74. Le Secrétariat aborde certaines questions liées à l’approvisionnement, tant pour les fonctionnaires que pour les fournisseurs. Pour soutenir les fournisseurs, le Secrétariat mène des activités de sensibilisation et améliore continuellement le portail Web de l’approvisionnement et d’autres outils électroniques conviviauxNote de bas de page 75. Pour soutenir les fonctionnaires et par extension la communauté des acheteurs, le Secrétariat soutient et élabore des programmes de développement professionnel et mène des recherches générales sur l’approvisionnementNote de bas de page 76.

3.2.3 Transparence et imputabilité

Une autre caractéristique essentielle du DPA au niveau provincial est sa contribution à la transparence et à la responsabilité. Pour ce qui est des achats, les entités du secteur public sont tenues de soumettre au DPA un rapport annuel sur les réalisations du ministère, ce qui permet à celui-ci de rendre compte des activités qui sont exigées par la législationNote de bas de page 77. Concernant les ventes, un fournisseur insatisfait des informations fournies par un ministère peut déposer une plainte auprès du DPANote de bas de page 78. Le mécanisme de dépôt de plainte considère que les ministères sont responsables de fournir des informations claires et concises. Si nécessaire, une plainte peut donner lieu à une enquête et déboucher sur la formulation de recommandations aux deux parties concernéesNote de bas de page 79.

Le Comité d’examen des marchés publics est un élément qui soutient la capacité du DPA à recevoir des plaintes. Cette fonction reçoit, examine, crée des échéanciers et clarifie les résultats d’un examenNote de bas de page 69. Bien que son pouvoir soit limité, puisqu’il ne peut pas annuler un marché public ni interrompre l’attribution d’un contrat, le comité remplit un important mécanisme de responsabilisation en offrant aux fournisseurs un moyen d’exprimer leurs préoccupationsNote de bas de page 69.

3.3 Terre-Neuve-et-Labrador

Grâce à la Loi sur les marchés publics, le poste de DPA a été établi à Terre-Neuve-et-Labrador en 2016 à la tête de l’Agence des marchés publicsNote de bas de page 80. L’objectif de la loi, et en fin de compte du DPA, était de soutenir l’optimisation des ressources, la transparence et la responsabilité des marchés publicsNote de bas de page 81. Avant l’établissement du poste de DPA, les marchés publics manquaient de leadership centralNote de bas de page 82. La nouvelle législation contient une différence cruciale en ce qui concerne le leadership; le DPA a l’autorité de superviser la mise en œuvre de la politique et cette autorité s’étend aux organismes publicsNote de bas de page 83.

3.3.1 Normalisation

Le DPA a contribué à la normalisation en élaborant une politique générale « destinée à être appliquée par tous les organismes publics »Note de bas de page 83. La politique en matière de marchés publics en est un exemple; elle comporte de multiples facettes : elle donne des orientations aux organismes acheteurs et clarifie certains aspects de la législationNote de bas de page 83. Le DPA apporte également un soutien en dehors de la politique en publiant des informations sur les marchés publics et en conseillant les ministères sur la mise en œuvre des cadres d’approvisionnementNote de bas de page 84. Il est également chargé de mettre au point « des procédures normalisées pour l’acquisition de produits, de documents et de programmes de formation »Note de bas de page 85. Pour favoriser une mise en œuvre cohérente et une apparence commune, le DPA a mis au point des modèles d’approvisionnement normalisésNote de bas de page 83.

L’un des domaines dans lesquels le DPA a été chargé d’apporter une plus grande normalisation est le rendement des fournisseurs. La loi charge le DPA de maintenir « une surveillance efficace des activités d’approvisionnement des organismes publics, notamment en ce qui concerne (i) le rendement des fournisseurs »Note de bas de page 86. Une normalisation accrue dans le domaine du rendement des fournisseurs, grâce à l’élaboration d’un consensus à l’échelle du gouvernement sur ce qui constitue un bon ou un mauvais fournisseur, contribue à l’optimisation des ressources. Malgré les conseils et le leadership du DPA, le rendement des fournisseurs demeure une nouvelle initiative et la diversité des achats gouvernementaux pose un défi en matière de normalisationNote de bas de page 83. Il peut être difficile de définir ce qui constitue un rendement non satisfaisant dans le large éventail de biens et de services que le gouvernement achète, ainsi que dans la gamme de méthodologies utilisées pour ce faire. En outre, le fournisseur n’est qu’une variable; le gouvernement peut également influer sur le rendement de ce dernier en raison de sollicitations et de cahiers des charges mal rédigés et d’une mauvaise gestion des contratsNote de bas de page 83.

3.3.2 Conseil consultatif sur les marchés publics

Le Conseil consultatif sur les marchés publics (le Conseil), qui est dirigé par le DPA, se compose d’experts en approvisionnement provenant d’un large éventail d’institutions, comme les conseils scolaires et les municipalités, qui ont été nommés par le ministreNote de bas de page 87. Bien que l’objectif premier du Conseil soit d’apporter des conseils au ministre, il s’est également engagé dans les domaines des méthodologies d’approvisionnement, de la normalisation et de la détermination des efficacités et des inefficacitésNote de bas de page 88. Bien qu’il n’ait été créé que récemment, le Conseil a été une structure utile pour clarifier « la législation, discuter des pratiques exemplaires et partager les expériences »Note de bas de page 83.

3.3.3 Transparence et responsabilisation

Le DPA soutient également un processus d’approvisionnement transparent et responsable en examinant les pratiques d’approvisionnement des ministèresNote de bas de page 89. Lors de l’examen des dossiers d’approvisionnement, le DPA note les lacunes et peut faire des recommandations au ministère responsable du marché. Ces examens sont programmés chaque année et peuvent cibler l’ensemble du processus d’approvisionnement – prédemande de soumissions, demande de soumissions et attribution du contrat — ou un aspect précis du processus d’approvisionnementNote de bas de page 83. En outre, le DPA a le pouvoir de mener un examen ponctuelNote de bas de page 83. Les conclusions de ces examens peuvent varier et les recommandations découlent du cas particulier; cependant, dans tous les cas, les examens soutiennent les principes de transparence et de responsabilisation, et bénéficient à l’ensemble des marchés publics en cernant les leçons tirées.

4.0 Conclusion

L’objectif de cette étude était d’évaluer si un DPA, en tant que directeur de l’approvisionnement à l’échelon fédéral, pouvait s’attaquer à certains des problèmes persistants de l’approvisionnement fédéral. Grâce à un examen des administrations au Canada et à l’étranger, cette étude a permis de constater que le modèle aborde un grand nombre des problèmes systémiques d’approvisionnement relevés par divers rapports gouvernementaux et ministères.

Plusieurs thèmes mis en évidence tout au long de cette étude indiquent des domaines précis dans lesquels le modèle du DPA peut répondre aux problèmes actuels de l’approvisionnement fédéral.

4.1 Le dirigeant principal des achats en tant qu’agent du changement

Un DPA ne se contente pas de présider l’infrastructure existante, il la fait également évoluer activement. En créant des documents de politique et d’orientation, le DPA donne le ton aux organismes acheteurs et s’assure que la politique est mise en œuvre et que les règles sont respectées.

Un DPA fédéral peut contribuer à la modernisation plus large des marchés publics en agissant comme un agent du changement. La modernisation est un thème récurrent dans les lettres de mandat de la ministre de SPACNote de bas de page 90. Ce concept a une large portée, qui inclut la simplification, les pratiques exemplaires, l’encouragement de la concurrence et d’autres considérations comme le développement économique et l’approvisionnement social. L’ampleur de ce concept nécessite une action de la part du DPA, et les études de cas examinées montrent la façon dont un DPA peut réussir à faire avancer les initiatives de modernisation.

Un élément crucial de la modernisation est l’évolution du concept de valeur dans les marchés publics. Dans le passé, le meilleur rapport qualité-prix était associé à la considération du prix le plus bas. Aujourd’hui, la valeur a évolué pour englober d’autres considérations telles que le développement économique, l’approvisionnement social et les préoccupations environnementales. Ces facteurs apportent de nouvelles considérations en matière d’approvisionnement, qui créent des exigences supplémentaires pour le ministère acheteur.

4.2 Le dirigeant principal des achats, une voix unique

Le DPA crée un point focal clair pour les informations sur les marchés publics, qu’il s’agisse de la mise au point de politiques, de conseils, de modèles ou de formations sur les marchés publics. En abordant la normalisation, un DPA renforce le fait que le gouvernement est un client unique, qui mène ses affaires de manière cohérente dans tous les ministères.

4.3 Le dirigeant principal des achats comme moyen de coordination

Le DPA agit en tant que moyen efficace de garantir que l’approvisionnement est réalisé de manière coordonnée entre les différents ministères. La création d’un conseil ou d’un groupe consultatif qui réunit des experts en approvisionnement pour soulever des questions importantes et faire des recommandations au ministre a été bénéfique pour les administrations examinées.

4.4 Le dirigeant principal des achats comme moyen de professionnaliser la fonction d’approvisionnement

Le développement continu de la profession d’approvisionneur est crucial pour garantir que le secteur public a la capacité de répondre à l’évolution des besoins du gouvernement. En interprétant la législation et en la traduisant en politiques cohérentes, en documents de référence ou en guides, le DPA contribue à créer les conditions qui soutiennent un secteur public bien équipé. Les examens à l’échelle du gouvernement ont indiqué que le processus d’approvisionnement est souvent compliqué et constitue une charge pour les fournisseurs. Le renforcement de l’expertise en matière d’approvisionnement sur un certain nombre de facteurs allant des demandes de soumissions à l’administration représente un moyen de résoudre le problème. Cela a été constaté dans l’exemple de la Commissioning Academy au Royaume-Uni et de l’accent mis sur la formation du secteur public à Terre Neuve-et-Labrador après l’entrée en vigueur de la nouvelle législation; cela a également été soutenu par la création de guides et de documents de référence applicables à tous les organismes publics.

4.5 Recommandation pour la création d’un poste de Dirigeant principal des achats au niveau fédéral

Compte tenu du potentiel d’un DPA à l’échelon fédéral pour résoudre ces problèmes de longue date en matière d’approvisionnement fédéral, il est recommandé que le Canada envisage de créer un poste de DPA pour l’approvisionnement fédéral. Puisque certaines des fonctions du DPA existent déjà au sein du système fédéral, par exemple, le rôle de l’ombudsman de l’approvisionnement qui est mandaté à la fois pour examiner les plaintes des fournisseurs et pour surveiller les pratiques d’approvisionnement des ministères, l’exploration du potentiel d’un DPA nécessite une recherche plus approfondie sur les zones de chevauchement avec les organismes d’approvisionnement fédéraux existants.

Annexe : dirigeant principal des achats du ministère

En février 2019, le BCG a lancé un projet pilote de DPA du ministère afin d’explorer les avantages d’un modèle de gouvernance de l’approvisionnement plus structuré et de fournir des commentaires concrets pour orienter les nouveaux modèles de gouvernance et de leadership en matière d’approvisionnementNote de bas de page 91. Après avoir examiné les résultats du projet, il a été décidé que l’initiative se poursuivrait dans le cadre d’une structure volontaireNote de bas de page 92.

Le DPA du ministère ne doit pas être confondu avec un DPA général. Le poste de DPA devrait exister au-dessus de l’échelon ministériel, tandis que le DPA du ministère devrait être propre à chaque ministère. Le modèle de DPA du ministère – avoir des DPA du ministère au sein de chacun des ministères – pourrait être un tremplin vers la création d’un poste de DPA. Ce modèle a été recommandé par le livre blanc du DPA de 2017Note de bas de page 93. Ce modèle existe également dans d’autres administrations, où les responsables du ministère sont dirigés par un chef général; dans ces cas, un conseil, comme celui du secteur de l’information discuté dans cette étude, réunit chacun des chefs et responsables afin de coordonner les politiques et les initiatives.

Le projet pilote de DPA du ministère aborde les questions de leadership, de planification, de normalisation et de suivi du rendement. Bien qu’elle soit axée sur l’échelon ministériel, l’initiative explore les répercussions d’un nouveau modèle de leadership sur l’approvisionnementNote de bas de page 95. En mettant l’accent sur le leadership, le projet pilote de DPA du ministère contribue aux pratiques exemplaires, leçons tirées, ainsi qu’à la professionnalisation de la fonction d’approvisionnement, et les appuieNote de bas de page 95.

Le DPA du ministère soutient la normalisation – principalement par la consolidation des leçons tirées et des pratiques exemplaires – tout en permettant une certaine souplesse. Cependant, dans le projet pilote de DPA du ministère, la normalisation n’est pas tant un concept unificateur – elle porte sur ce qui est fait, plutôt que sur la manière dont cela est faitNote de bas de page 95. On pourrait constater la différence dans les détails. Par exemple, la pratique de détermination des leçons tirées est le « quoi » et la détermination de ces leçons est le « comment ». Par conséquent, deux ministères pourraient tous deux cerner les leçons apprises, mais la manière dont ils s’y prendraient pour les réaliser pourrait être différente.

Le projet pilote soutient également la normalisation et la coordination par l’entremise du Conseil des DPA des ministères, qui est composé de tous les DPA des ministères participant à l’initiative et se réunit tous les deux moisNote de bas de page 95. Bien qu’il ne soit pas un organe décisionnaire, le Conseil soutient à la fois la formation d’une communauté d’approvisionneurs et le partage de pratiques exemplaires. Par exemple, le Conseil a approuvé, mis au point et adopté le cadre de gestion des marchés publicsNote de bas de page 95. Après avoir examiné les résultats du projet, il a été observé que « les personnes interrogées étaient tout à fait d’accord pour dire que le Conseil a été le déclencheur le plus important pour améliorer la mise en réseau, le partage d’informations et la prise de décision cohésive »Note de bas de page 95.

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